Plus de 7500 demandes de visa pour des proches de Canadiens dans la bande de Gaza

Sarah Smellie, La Presse Canadienne
Plus de 7500 demandes de visa pour des proches de Canadiens dans la bande de Gaza

SAINT-JEAN, T.-N.-L. — Plus de 7500 Canadiens se sont inscrits à une procédure fédérale d’obtention de visa pour faire sortir leur famille de la bande de Gaza que des avocats ont décrite comme onéreuse, chaotique et presque impossible à suivre.

Les chiffres obtenus par La Presse Canadienne grâce à une demande d’accès à l’information, qui couvrent les trois premiers mois de l’année, sont «choquants», a déclaré l’avocate spécialisée en immigration de Toronto Debbie Rachlis. 

Selon elle, ces chiffres démontent que des milliers de Canadiens supplémentaires se précipitent pour sauver les membres de leurs familles victimes de la guerre entre Israël et le Hamas, par rapport à ce qu’Ottawa avait initialement estimé lors du lancement du programme en janvier.

Me Rachlis, qui représente des dizaines de candidats dans ce processus en plusieurs étapes, a déclaré que certaines demandes concernent sept ou huit membres d’une même famille, ce qui signifie que le nombre de personnes souhaitant entrer au Canada est encore plus élevé.

«Pour moi, c’est juste une autre indication de la réticence de ce gouvernement à répondre au sort de ces personnes», a-t-elle déclaré.

Les chiffres montrent que 7549 demandes initiales de visa ont été déposées par des Canadiens pour des proches coincés dans la bande de Gaza depuis le lancement du programme, le 9 janvier, jusqu’au 1er avril dernier.

Quand le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, a annoncé ce projet de regroupement familial, en décembre, il a estimé lors d’une conférence de presse qu’il s’attendait à ce que le nombre de personnes qui pourraient en bénéficier se chiffre «par centaines».

Un porte-parole du ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a affirmé qu’en date du 29 avril, seulement 179 visas avaient été délivrés par Ottawa à des Gazaouis.

Le processus de demande d’asile comporte plusieurs étapes, à commencer par une déclaration solennelle d’un membre canadien de la famille et un formulaire en ligne contenant des détails sur la situation des demandeurs. Ensuite, certains candidats reçoivent un code unique qui permet de passer à la deuxième étape.

Les membres de la famille doivent traverser la frontière égyptienne de Rafah au Caire pour un dernier contrôle de sécurité avant qu’un visa ne leur soit délivré, une étape qui s’est avérée particulièrement difficile. La Presse Canadienne a parlé à plusieurs Palestiniens qui, frustrés par l’incapacité d’Ottawa à les aider, ont payé des milliers de dollars à une entreprise privée égyptienne pour leur faire traverser la frontière.

La prise de contrôle de la frontière par Israël mardi rendra probablement le passage encore plus difficile. «Cela signifie que nous ne pourrons pas faire sortir les gens, et cela me préoccupe énormément», a déclaré le ministre Miller, mardi.

Les données obtenues la semaine dernière montrent que 2755 codes uniques avaient été envoyés au 1er avril à ceux qui avaient déposé une déclaration solennelle. Parmi ceux qui ont obtenu des codes, le ministère a reçu 1977 candidatures pour la deuxième étape du processus.

Le ministère fédéral de l’Immigration a initialement déclaré qu’il n’examinerait que 1000 demandes pour le programme, mais le ministre Miller a depuis déclaré que ce nombre sera revu à la hausse.

Le ministère a indiqué la semaine dernière que 986 demandes «complètes» étaient en cours de traitement. Les courriels précédents du ministère montrent que ce nombre n’a pas bougé depuis au moins le 4 mars.

Le Canada pourrait-il en faire davantage?

Me Rachlis a déclaré que l’hésitation apparente du Canada à agir de toute urgence pourrait être attribuée en partie au fait qu’il ne veut pas contribuer au dépeuplement de Gaza. Et même si elle a qualifié le programme de visa du Canada d’échec, elle a ajouté qu’aucun autre pays n’avait lancé une initiative solide dont le Canada pourrait tirer des leçons et qu’il n’existait aucun système international en place protégeant les victimes de guerre avec lequel le Canada pourrait réellement travailler.

Annie O’Dell, une avocate spécialisée en droit de l’immigration originaire de la région de Saint-Jean, à Terre-Neuve-et-Labrador, et basée à Toronto, croit que le Canada pourrait en faire davantage pour éliminer certaines des exigences de sécurité excessives liées à ces visas – et ainsi les délivrer plus rapidement.

Elle soutient que le gouvernement canadien pourrait cesser d’exiger que les candidats se rendent au Caire pour une vérification finale, car les personnes qui tentent de traverser la frontière vers l’Égypte, à Rafah, pourraient le faire plus facilement si elles avaient en main un visa canadien.

Me O’Dell représente Sawsan Karashuli, une Canadienne palestinienne vivant en Ontario, qui a demandé en janvier un visa pour son frère et sa nièce. Le frère est depuis mort de faim, dans le nord de la bande de Gaza, et sa fille de 25 ans y est restée seule, a déclaré l’avocate. Ni l’un ni l’autre n’ont reçu de visa.

«Je me demande combien de ces candidatures ont été envoyées pour des personnes aujourd’hui décédées, a déploré Me O’Dell en entrevue. Je dirais que le gouvernement canadien porte une certaine responsabilité dans les retards envers les personnes qui ne sont plus de ce monde.»

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