Ottawa soumet à la GRC trois cas présumés de fraude de sous-traitants informatiques

Sarah Ritchie, La Presse Canadienne
Ottawa soumet à la GRC trois cas présumés de fraude de sous-traitants informatiques

OTTAWA — Le ministère fédéral des Services publics et de l’Approvisionnement a demandé à la GRC d’enquêter sur des fraudes présumées d’au moins 5 millions $ commises par des sous-traitants informatiques qui facturaient le même travail à plusieurs ministères et profitaient d’un mauvais partage de données au sein de l’appareil gouvernemental.

Le ministre Jean-Yves Duclos a déclaré mercredi qu’un récent examen des données, motivé par un lanceur d’alerte, a révélé trois systèmes de facturation frauduleux qui ont été utilisés entre 2018 et 2022.

M. Duclos affirme que le ministère a révoqué ou suspendu l’habilitation de sécurité de ces entrepreneurs et qu’il prenait des mesures pour récupérer une somme totale estimée à au moins 5 millions $.

Le ministère indique dans un communiqué qu’il s’agit d’une «première vague» de cas et qu’il s’attend à ce qu’il y en ait davantage dans les mois à venir. Les responsables ont déclaré que cinq à dix autres cas étaient en cours d’examen, sans toutefois pouvoir fournir une estimation des sommes en jeu.

«La bonne nouvelle, s’il y a de bonnes nouvelles ici, c’est qu’elle montre que les investissements dans ce que nous appelons les achats électroniques, dans la collecte et l’analyse de données, au cours des dernières années, commencent à vraiment bien fonctionner», a déclaré M. Duclos en conférence de presse à Ottawa.

Les sous-traitants informatiques dans les cas qui font actuellement l’objet d’une enquête par la police ont soumis des feuilles de temps et facturé les services dans le cadre de contrats distincts. Le projet impliquait 36 ministères, organismes et sociétés d’État fédéraux.

M. Duclos a précisé que les sous-traitants ont profité du fait que la plupart des factures étaient établies sur papier, ce qui rendait les comparaisons de données difficiles.

«Jusqu’à présent, rien n’indique que cela soit dû à une mauvaise gestion au sein du gouvernement fédéral», a-t-il soutenu, ajoutant que personne n’avait perdu son emploi et qu’une enquête interne était en cours.

Le gouvernement précise par ailleurs qu’il n’identifie pas les personnes et entreprises impliquées afin de protéger l’intégrité de l’enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Pas GC Strategies et ArriveCan 

Ces dossiers ne seraient en tout cas pas liés à l’application ArriveCan, qui a fait l’objet de nombreuses enquêtes, rapports indépendants et études de commissions parlementaires ces derniers mois.

Les principaux entrepreneurs qui ont travaillé sur cette application, créée pendant la pandémie de COVID-19, ont été critiqués pour avoir facturé des millions de dollars et donné en sous-traitance le travail de programmation.

La société GC Strategies, qui compte deux personnes, a obtenu un contrat à fournisseur unique pour les travaux et a facturé un montant estimé à 19 millions $, selon un rapport de la vérificatrice générale – bien que l’entreprise insiste sur le fait que le chiffre était plus proche de 11 millions $. 

Le rapport de la vérificatrice générale Karen Hogan sur les contrats controversés a parlé d’«une des pires tenues de registres financiers» jamais vues au gouvernement et a indiqué que la dépendance d’Ottawa à l’égard d’entrepreneurs extérieurs avait permis au coût d’atteindre jusqu’à 60 millions $.

Le porte-parole conservateur Michael Barrett a déclaré que son parti avait dû se battre pour obtenir l’implication de la vérificatrice générale dans ce dossier. «C’est le type de transparence qu’ils ne sont pas disposés à mettre en avant», a-t-il soutenu.

Le gouvernement a suspendu ses contrats avec GC Strategies à la fin de l’année dernière et a maintenant suspendu son habilitation de sécurité.

La présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, a déclaré mercredi que les conclusions de la vérificatrice générale étaient «très préoccupantes et inacceptables» et elle a annoncé de nouvelles mesures visant à accroître la surveillance des contrats.

«Il s’agit d’un problème très grave qui mérite une réponse très sérieuse», a déclaré Mme Anand.

Le Bureau du contrôleur général du Canada entamera le mois prochain un audit horizontal d’un certain nombre de ministères pour évaluer la prise de décision, les contrôles et la gouvernance des contrats, a annoncé Mme Anand.

Un nouveau Bureau de l’intégrité

Les directives données aux ministères l’automne dernier sur l’acquisition de services professionnels ont été mises à jour pour renforcer les responsabilités des gestionnaires, et une directive révisée sur les conflits d’intérêts imposera une divulgation des conflits au moment de l’attribution des contrats.

«Ce que nous devons garantir, ce n’est pas seulement la responsabilité de l’employé de la fonction publique qui conclut ce contrat, mais aussi la responsabilité et l’imputabilité des administrateurs généraux et des gestionnaires qui supervisent ces fonctionnaires», a-t-elle déclaré.

Mme Anand a précisé qu’un fonctionnaire qui omet de divulguer un conflit d’intérêts potentiel peut être licencié en vertu des politiques actuelles.

Le ministre Duclos a également déclaré que son ministère était en train de créer un nouveau «Bureau de l’intégrité et de la conformité des fournisseurs», qui remplacera le régime d’intégrité existant.

Sous le régime actuel, le ministère ne peut pas prendre de mesures contre les fournisseurs accusés d’infractions graves, allant de la traite des personnes à la fraude, en passant par les violations du droit de l’environnement.

Les changements lui permettront de suspendre ou d’exclure des entrepreneurs pour des motifs comme des infractions au Code criminel ainsi que des violations des lois financières, environnementales et électorales.

Le gouvernement fédéral pourra également prendre des mesures contre les entrepreneurs qui ont été exclus par les provinces ou d’autres pays.

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