Ottawa n’a toujours pas pris de décision sur la reprise du financement de l’UNRWA

Mia Rabson, La Presse Canadienne
Ottawa n’a toujours pas pris de décision sur la reprise du financement de l’UNRWA

OTTAWA — Le Canada n’a pas encore décidé s’il versera ou non sa contribution habituelle à l’organisation humanitaire des Nations unies à Gaza lorsque son prochain paiement prévu sera dû en avril.

Les discussions se poursuivent sur le sujet, a indiqué mercredi une source gouvernementale de haut rang, s’exprimant sous couvert d’anonymat.

Cela inclut des pourparlers avec d’autres pays qui ont également gelé, en janvier, le financement de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient, connu sous le nom d’UNRWA.

Seize pays, dont une douzaine des 15 principaux donateurs de l’organisation, ont suspendu leurs paiements après qu’Israël a allégué qu’une douzaine de travailleurs de l’organisation humanitaire avaient participé à l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre.

Ce jour-là, des militants ont tué environ 1 200 personnes dans le sud d’Israël et pris près de 250 autres en otages, déclenchant une guerre dévastatrice.

Les autorités de la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas, affirment que plus de 30 000 Palestiniens ont été tués lors de la réponse militaire israélienne.

L’UNRWA est le principal fournisseur d’assistance sociale et humanitaire sur le territoire, notamment en matière de soins de santé et d’éducation. Il dépend presque exclusivement des dons des pays membres de l’ONU.

Le Canada n’a manqué aucun paiement depuis l’annonce de la pause du financement. Son paiement de 25 millions $ pour cette année n’est dû qu’en avril.

Le ministre du Développement international brouille les cartes

Le ministre du Développement international, Ahmed Hussen, a déclaré la semaine dernière qu’il avait vu les preuves fournies par Israël et que le Canada ne prendrait pas de décision sur le rétablissement du financement tant qu’une enquête ne serait pas terminée.

«Nous travaillons avec nos partenaires de l’ONU ainsi qu’avec les pays donateurs qui ont suspendu leur financement, comme le Canada, pour garantir une enquête transparente et complète», a déclaré M. Hussen, à Ottawa, le 28 février.

Son bureau a brouillé les cartes en programmant et en annulant brusquement une conférence de presse du ministre Hussen prévue mercredi matin.

Il devait faire le point sur la situation de l’aide à Gaza, y compris une promesse récente d’aider à organiser des largages aériens d’aide humanitaire.

Son équipe l’a annulée environ 90 minutes avant le début.

Une porte-parole de M. Hussen a simplement déclaré que l’événement avait été annulé pour des «raisons logistiques». Elle n’a ni confirmé ni infirmé un reportage de CBC News mardi soir selon lequel Ahmed Hussen était sur le point d’annoncer que le financement de l’UNRWA serait versé comme prévu.

Cette annulation intervient alors que la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, est au Moyen-Orient pour discuter du conflit Israël-Gaza avec ses homologues d’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, du Koweït et d’Israël.

Le bureau de Mme Joly a déclaré mercredi qu’il ne pouvait pas s’exprimer sur le plan de M. Hussen.

Les discussions du Canada surviennent après que l’Union européenne a décidé, à la fin de la semaine dernière, de procéder à un versement partiel de son financement à l’UNRWA.

Dans un communiqué, la Commission européenne a déclaré qu’elle avait conclu un accord avec l’agence qui autorise notamment l’UE à l’auditer et à «réexaminer les systèmes de contrôle pour empêcher une éventuelle implication de son personnel et de ses actifs dans des activités terroristes».

L’UE a déclaré qu’elle distribuerait dans un premier temps 60% de son financement, soit environ 54 millions $, et qu’elle retiendrait 32 millions $ supplémentaires en attendant la mise en œuvre des termes de l’accord.

Le ministre norvégien des Affaires étrangères, Espen Barth Eide, a déclaré mercredi à Reuters dans une entrevue qu’il pensait que les pays qui avaient retiré leur financement allaient bientôt le rétablir.

M. Eide a déclaré qu’il pensait que la plupart des pays hésitaient à punir tous les Palestiniens de Gaza en raison des allégations portées contre un petit nombre d’entre eux.

La Norvège, cinquième donateur de l’agence, n’a pas annulé son financement et fait partie de plusieurs pays, dont le Portugal et l’Espagne, qui ont augmenté leurs dons après la révélation des allégations israéliennes.

Le premier ministre australien Anthony Albanese a été interrogé mercredi, à Melbourne, sur le rapport canadien sur le financement de l’UNRWA et a semblé incertain, car il a déclaré que c’était la première fois qu’il apprenait que le Canada pourrait reprendre ses dons.

«Nous ferons une évaluation au moment opportun», a-t-il répondu.

Le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont déjà travaillé de concert sur leur réponse au conflit Israël-Gaza.

Leurs premiers ministres ont publié une déclaration commune le 14 février appelant Israël à ne pas lancer d’offensive terrestre dans la ville de Rafah, au sud de Gaza.

Plus de 1,5 million de Palestiniens y ont trouvé refuge, nombre d’entre eux ayant fui leurs maisons dans le nord au milieu des bombardements israéliens.

Les trois ont appelé conjointement à un «cessez-le-feu durable» et à «une aide humanitaire rapide, sûre et sans entrave».

Les efforts d’aide ont été extrêmement limités depuis le début du conflit. Les pourparlers de cessez-le-feu négociés entre Israël et le Hamas par les États-Unis, l’Égypte et le Qatar n’ont pas abouti à un accord, mardi.

Et la situation à Gaza a dépassé les proportions d’une crise.

«L’UNRWA n’a pas la capacité d’absorber les chocs financiers»

«Il est impossible de décrire de manière adéquate les souffrances à Gaza», a avancé le commissaire général de l’UNRWA devant l’Assemblée générale de l’ONU, le 4 mars.

«Les médecins amputeront sans anesthésie les membres des enfants blessés. La faim est partout. Une famine provoquée par l’homme se profile», a prévenu Philippe Lazzarini.

Il a déclaré qu’Israël ne lui avait fourni aucune autre information depuis ses premières allégations du 18 janvier, mais qu’il avait résilié les contrats des employés accusés de l’UNRWA et lancé une enquête indépendante, qui est toujours en cours.

Le secrétaire général de l’ONU a également commandé une étude indépendante sur l’approche de l’agence en matière de gestion des risques et de neutralité.

Israël accuse depuis longtemps l’organisation d’incitation au sentiment anti-israélien, une accusation qu’elle nie.

M. Lazzarini a qualifié d’«infondées» les allégations selon lesquelles les travailleurs auraient été impliqués dans l’attaque du 7 octobre et a imploré les pays de rétablir le financement. Il a souligné que le montant total des dons suspendus s’élève à 450 millions $.

«L’UNRWA n’a pas la capacité d’absorber les chocs financiers. Surtout alors qu’une guerre fait rage à Gaza», a-t-il soutenu.

Lorsque le Canada a annoncé qu’il suspendait son financement, il a ajouté 40 millions $ supplémentaires pour soutenir Gaza via d’autres organisations, notamment le Programme alimentaire mondial et l’UNICEF.

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