Ottawa affirme que l’énergie nucléaire a sa place au sein des énergies renouvelables

Chuck Chiang, La Presse Canadienne
Ottawa affirme que l’énergie nucléaire a sa place au sein des énergies renouvelables

VANCOUVER — Selon le ministre fédéral responsable de l’innovation et de l’industrie, le Canada risque de ne pas attirer les industries vertes s’il n’envisage pas toutes les options en matière d’électricité renouvelable, ce qui inclurait l’énergie nucléaire.

François-Philippe Champagne a déclaré dans une entrevue avec La Presse canadienne qu’il considère l’énergie nucléaire comme faisant partie des énergies renouvelables qui doivent continuer de croître pour soutenir le virage du pays vers «l’économie du 21e siècle».

«Le nucléaire, assurément, a déclaré M. Champagne, vendredi. Selon moi, nous devons regarder l’hydroélectricité, nous devons regarder le nucléaire, nous devons regarder les petits réacteurs modulaires, nous devons regarder l’éolien, nous devons regarder le solaire.»

Les petits réacteurs modulaires (PRM) sont un type de centrale nucléaire avancée qui, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, peut être préfabriquée et expédiée vers des sites non adaptés aux réacteurs conventionnels plus grands. Le gouvernement fédéral a précédemment déclaré qu’il souhaitait devenir «un leader mondial dans le déploiement des (PRM)».

«Je peux vous dire que lorsque des investisseurs m’appellent, ils ne veulent pas de subventions», a souligné M. Champagne.

 «Ils recherchent des énergies renouvelables, ils recherchent des talents, ils recherchent le bon écosystème, ils recherchent un accès au marché. Je dirais donc qu’aujourd’hui, les énergies renouvelables sont essentielles pour attirer les investissements, et c’est pourquoi nous allons être là.»

Le Canada a annoncé un certain nombre de nouveaux investissements conçus pour s’intégrer aux chaînes d’approvisionnement dites «vertes» à l’échelle mondiale au cours des dernières années. Parmi eux se retrouve l’agrandissement de l’usine de cellules de batterie E-One Moli, un investissement d’un milliard de $ annoncé en novembre dernier, à Maple Ridge, en Colombie-Britannique, pour fabriquer des batteries au lithium de haute performance. L’usine vise à produire jusqu’à 135 millions de batteries par an.

Les responsables du fabricant de batteries E-One Moli ont déclaré que l’une des raisons pour lesquelles la société mère taïwanaise a choisi le Canada pour son expansion, en partie en raison de la disponibilité d’énergie renouvelable pour la production.

M. Champagne a fait remarquer dans une entrevue précédente que le Canada atteignait ses limites de production d’énergie renouvelable, ce qu’il a réitéré à Vancouver lorsqu’il a souligné que la technologie nucléaire était un élément clé de la solution.

«Je pense qu’il faut considérer toutes les sources d’énergie renouvelable, et je pense que la Colombie-Britannique, comme le Manitoba ou le Québec, a certainement de la chance d’avoir l’hydroélectricité», a-t-il déclaré.

«Souvent, je dis que nous vivons grâce aux dividendes des personnes qui nous ont précédés en matière d’énergie renouvelable. Maintenant, pour nous, je pense que le dividende que nous devons laisser à la prochaine génération est de nous assurer que nous faisons les investissements nécessaires afin de continuer à développer nos ressources naturelles de manière durable et responsable. Et évidemment, les énergies renouvelables sont devenues essentielles.»

Le nucléaire ne fait pas l’unanimité

Mark Winfield, professeur de changements environnementaux et urbains à l’Université York, a déclaré que l’inclusion récente de l’énergie nucléaire par le gouvernement fédéral parmi les options de décarbonation de la production d’électricité est troublante.

«Oui, comparées aux sources de combustibles fossiles, les émissions de carbone (du nucléaire) sont relativement faibles, a précisé le professeur. Mais cela implique un nombre important et sérieux de compromis. En fait, cela échoue à tous les autres tests de durabilité.»

Une des préoccupations de M. Winfield est les coûts d’investissement initiaux élevés lors de la construction de centrales nucléaires, qui ont auparavant entraîné des dépassements de coûts et des retards au Canada.

Il s’est également dit préoccupé par la gestion des déchets nucléaires «à l’échelle d’un million d’années» ainsi que par l’impact de l’exploitation minière de l’uranium.

Les partisans de la filière nucléaire soulignent la fiabilité de l’énergie nucléaire, car la production ne dépend pas des conditions météorologiques, comme c’est le cas pour les énergies solaire et éolienne.

George Christidis, de l’Association nucléaire canadienne, a déclaré que la force de l’énergie nucléaire résidait dans sa capacité à fournir «une production d’électricité de base sans émissions».

«Cela se traduit par davantage de production d’énergie propre, ce qui contribuera ensuite à décarboner d’autres secteurs», a-t-il ajouté.

M. Christidis a déclaré que même si les centrales nucléaires ont des coûts d’investissement initiaux élevés, ces coûts sont amortis sur une période plus longue que les autres centrales électriques, ce qui signifie des coûts plus stables que les installations soumises aux caprices des prix des combustibles fossiles.

Il a affirmé que le potentiel des petits réacteurs modulaires était énorme, car d’autres pays se tourneront vers le Canada pour produire de tels réacteurs afin de décarboner la production d’électricité.

Au Canada, des petits réacteurs nucléaires (PMR) de différentes tailles sont en cours de planification ou d’exploration en Ontario, en Saskatchewan et en Alberta. M. Christidis a déclaré qu’ils pourraient être essentiels pour abandonner l’utilisation du charbon dans ces provinces.

Or, Mark Winfield croit qu’il faut se méfier du réel potentiel de ces petits réacteurs nucléaires modulaires, car leur conception n’a pas encore été réalisée. 

«Personne n’a construit de PMR nulle part, a-t-il déclaré. Cela fait partie du problème : ils n’existent pas, même sous forme de prototypes.»

M. Winfield a précisé que, même au-delà des aspects de coût et de gestion des déchets, l’énergie nucléaire présente trop de risques pour être prise en compte dans le cadre de la tentative du Canada de proposer davantage d’industries vertes.

«Il y a des accidents catastrophiques, des risques de sûreté, de sécurité, de proliférations d’armes, qui n’existent tout simplement pas par rapport à toute autre technologie énergétique… tout cela suggère que cette technologie serait une option de dernier recours alors que toutes les autres options autour de la décarbonisation ont été entièrement développées et optimisées», a-t-il averti.

«Je ne pense pas que nous sommes rendus à ce stade-là au Canada.»

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires