Northvolt: les analyses ont-elles été faites dans les règles de l’art?

Patrice Bergeron, La Presse Canadienne
Northvolt: les analyses ont-elles été faites dans les règles de l’art?

QUÉBEC — L’Association des biologistes (ABQ) ne peut assurer que des analyses scientifiques controversées produites concernant le site du méga-projet de l’usine de batteries Northvolt, en Montérégie, ont été faites dans les règles de l’art.

On ne peut garantir que la population est protégée, parce qu’il n’y a pas d’ordre professionnel des biologistes, selon la présidente de l’ABQ, Marie-Christine Bellemare, qui réclame justement la création d’un ordre professionnel.  

Elle réagissait notamment aux révélations de Radio-Canada concernant deux analyses produites par une biologiste du ministère de l’Environnement, avec des résultats opposés: un rapport s’opposait à un projet immobilier sur le même territoire quelques mois auparavant, tandis que le deuxième autorisait Northvolt, mais en omettant la plupart des références scientifiques. 

La biologiste en question est membre de l’ABQ, mais les deux études sont-elles faites dans les règles de l’art? 

«Je ne peux pas vous répondre», a déclaré Mme Bellemare, en entrevue avec La Presse Canadienne jeudi. 

Elle dénonce entre autres les trop nombreuses «zones grises» concernant les pratiques qui pourraient être précisées, avec un cadre juridique par exemple sur la confection des inventaires et contre «les biologistes malveillants», car «il y en a», selon elle. 

«Ça me préoccupe», a-t-elle poursuivi, en déplorant qu’elle n’ait pas accès à l’entièreté des études et en rappelant que le dossier est judiciarisé: le Centre québécois du droit de l’environnement s’est adressé à la Cour supérieure pour faire annuler l’autorisation délivrée par le gouvernement à Northvolt.  

«C’est comme ça qu’on se protège comme société, mais est-ce que c’est le bon rempart?» se questionne Mme Bellemare.  

«Si on pense que la biodiversité est importante, il faut que les bons experts soient présents», a-t-elle plaidé en faveur d’un ordre professionnel: il y aurait alors un syndic et des «biologistes enquêteraient sur d’autres biologistes», fait-elle valoir. 

La biodiversité est de plus en plus à risque et les conflits entre politique et environnement ne cesseront de se multiplier, alors elle presse le gouvernement d’encadrer les biologistes avec un ordre professionnel. 

«La confiance du public est ébranlée. Ce sont des projets qui sont politisés. Il faut sortir l’émotion de la science.» 

L’opposition officielle libérale soupçonne d’ailleurs une «commande politique» dans la confection du deuxième rapport et a questionné en Chambre le gouvernement Legault, ardent promoteur du projet.  

«Une crise»

Selon le Parti libéral (PLQ), la saga Northvolt est en train de prendre les proportions d’une «crise politique», au lendemain d’une sortie du premier ministre François Legault pour défendre le projet. 

D’ailleurs jeudi matin des manifestants du groupe Rage climatique ont bloqué l’entrée du site à Saint-Basile-le-Grand, mais le gouvernement a répondu qu’il avait renoncé à convaincre certains groupes.  

«Je pense qu’on s’approche de cela», une crise politique, a déclaré le chef libéral Marc Tanguay en mêlée de presse.

«Je ne mets pas la faute sur Northvolt, je mets la faute sur le gouvernement. (C’est) une crise politique, on le voit dans différents dossiers d’un gouvernement qui est en perte de contrôle.»  

«Infantiliser la population»

M. Legault a exhibé une banane, une orange et une pomme mercredi pour illustrer que l’on comparait alors des pommes et des oranges.

«Le premier ministre, clairement, ne s’adresse pas à l’intelligence de notre population, infantilise la population», a déploré le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, en mêlée de presse. 

«Il peut se promener avec des ananas puis des poires aujourd’hui, ça ne changera absolument rien au manque de transparence et aux nombreux cafouillages d’un projet qui est peut-être justifié, mais qui est de plus en plus difficile à évaluer, et auquel il est de plus en plus difficile d’avoir confiance.»

«La CAQ est en train de fabriquer de toutes pièces un problème d’acceptabilité sociale qui était évitable», a renchéri le chef parlementaire de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois. 

«Ça fait longtemps qu’on a renoncé à faire l’unanimité avec ça», a pour sa part fait valoir le ministre de l’Environnement, Benoit Charette.

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