Ministres aux cocktails de financement: Tanguay contredit Coderre

Patrice Bergeron, La Presse Canadienne
Ministres aux cocktails de financement: Tanguay contredit Coderre

QUÉBEC — Le chef libéral intérimaire Marc Tanguay contredit l’aspirant pressenti à la direction du PLQ Denis Coderre sur l’enjeu controversé de la participation des ministres aux cocktails de financement du parti.  

Dans une entrevue avec La Presse Canadienne, M. Coderre avait laissé entendre que s’il formait le prochain gouvernement, ses ministres pourraient prendre part à des cocktails de financement et les citoyens pourraient venir leur parler de leurs dossiers pour les sensibiliser. 

Il était appelé à se prononcer en raison de la controverse qui éclabousse la Coalition avenir Québec, accusée par l’opposition de faire miroiter un accès à des ministres en échange d’un don de 100 $ à la caisse du parti dans un cocktail.

Pour M. Coderre, un cocktail de financement était un «plateau exceptionnel» pour les ministres. 

En mêlée de presse mardi, M. Tanguay a rétorqué qu’un cocktail de financement n’est pas le lieu pour qu’un citoyen informe un ministre ou le sensibilise sur des dossiers. 

«Ce n’est pas la place pour ça», a argué M. Tanguay en mêlée de presse au parlement mardi.  

«Vous faites un don de 100 $ à un parti politique parce que vous appuyez ses idées, parce que vous êtes fédéraliste, vous êtes libéral, ou parce que vous êtes indépendantiste, avec les trois autres partis. Alors, vous appuyez un parti politique pour ses idées et vous faites le don parce que vous voulez participer à la capacité du parti à projeter ses idées puis à participer au débat démocratique.»

Si on rencontre un ministre dans une activité partisane pour mousser un enjeu ou un projet, il s’agit de lobbyisme et on est assujetti à la loi, a tenu à préciser M. Tanguay, donc il faut s’inscrire au registre des lobbyistes. 

«Un ministre qui est dans une activité de financement puis, woup! il commence à se faire parler d’un dossier. Il doit, de façon proactive, dire: je vous arrête, mon bon ami, ce n’est pas le lieu, ce n’est pas le moment pour parler de cela, je vous invite à respecter la Loi sur le lobbyisme puis, le cas échéant, de prendre rendez-vous avec moi.»

M. Coderre avait fait valoir que les ministres devraient continuer à pouvoir prendre part aux cocktails de financement des partis, comme le permet d’ailleurs la loi. Tout citoyen a le droit de verser jusqu’à 100 $ par an à une formation politique, mais pas pour obtenir une contrepartie.  

Selon M. Coderre, il est normal que des personnes titulaires de charges publiques comme les élus soient en contact avec des citoyens, gens d’affaires ou d’autres élus qui discuteront avec elles d’enjeux qui les préoccupent ou de dossiers à faire progresser.

«Moi, je ne suis pas fonctionnaire, si je suis élu, je suis là pour représenter une population, alors si on a des fonctions, les gens viennent nous parler, pas juste du Canadien et de la victoire de la veille, ou de l’expansion de la Ligue nationale de baseball, ils viennent nous parler de leurs dossiers et nous sensibiliser», avait-il plaidé.

Qui plus est, selon lui, un élu prend une meilleure décision s’il est mieux renseigné par les personnes intéressées, les parties prenantes. 

«La connaissance, c’est le pouvoir. En sachant une chose, tu vas prendre en considération ce que les gens te disent. (Une activité de financement), c’est un plateau extraordinaire.»

La semaine dernière, le Parti libéral avait déjà laissé entendre que s’il formait le prochain gouvernement, il ferait participer les ministres aux activités de financement de la formation, mais les candidats ou candidats pressentis pourraient très bien prendre une autre position et mettre en jeu l’idée.  

Le Parti québécois a fait savoir que s’il formait le prochain gouvernement, ses ministres ne participeraient pas aux activités de financement, tandis que la CAQ, à la suite de la controverse, a mis fin à la récolte des dons des citoyens. 

Le cadre législatif actuel est suffisant pour encadrer la participation des ministres aux activités, nul besoin de le resserrer, avait assuré M. Tanguay, c’est la méthode de sollicitation et la contrepartie qu’on fait miroiter qui causent problème, selon lui.

«La présence d’un ministre à une activité de financement soulève toutefois le risque qu’un échange intervenu dans le cadre de l’activité puisse aboutir à une décision ayant une apparence de constituer un avantage fourni en échange d’une contribution», avait cependant écrit Élections Québec à La Presse Canadienne dans un courriel répondant à une série de questions sur le financement des partis.

La CAQ est dans la tourmente depuis le 23 janvier dernier en raison de controverses sur ses méthodes de collectes de fonds. 

La Presse Canadienne a révélé des messages de députés caquistes qui invitaient des élus municipaux à des cocktails de financement du parti en laissant entendre que ce serait une occasion pour faire avancer des dossiers.

Deux élus caquistes, Sylvain Lévesque et Louis-Charles Thouin, sont visés par une enquête de la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale.

La Presse Canadienne avait également appris que près de la moitié des maires, soit 503 sur 1138, ont contribué au financement de la CAQ depuis les élections municipales de 2021, pour un total de près de 100 000 $.

François Legault a annoncé par la suite que son parti allait renoncer au financement populaire, c’est-à-dire aux contributions des individus: la CAQ fait ainsi une croix sur environ 1 million $ recueillis en dons par an. 

Le Soleil avait d’ailleurs révélé que la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, et son collègue à l’Économie, Pierre Fitzgibbon, étaient de loin les ministres les plus populaires invités à des cocktails de financement caquistes: 16 participations en 16 mois. Incidemment ce sont deux ministères qui attribuent beaucoup de subventions, avait alors souligné le PQ.

Québec solidaire a accusé la CAQ d’avoir mis sur pied un «stratagème» de financement, tandis que le Parti québécois a évoqué une méthode «systémique» de financement.

Mardi, le chef caquiste a assuré en Chambre qu’«il n’y a jamais eu de directive donnée, pour inciter les gens à venir à des cocktails parce qu’il y a des ministres». 

M. Coderre devrait faire savoir en juin s’il se lance dans la course à la direction du Parti libéral.

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