Les villes se tournent de plus en plus vers l’activité internationale

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne
Les villes se tournent de plus en plus vers l’activité internationale

MONTRÉAL — «Je pense qu’on a une occasion à saisir pour redéfinir nos relations avec l’international, entre les villes et le provincial, avec le fédéral parce qu’au final, ce qu’on veut c’est que nos villes rayonnent, que le Québec rayonne.»

C’est en ces mots que la mairesse de Gatineau, France Bélisle, a résumé les raisons pour lesquelles les villes doivent s’investir dans l’activité internationale, lors d’une conférence, mercredi, devant quelque 400 convives réunis à l’invitation du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM).

Mme Bélisle participait à une table ronde sur le sujet de la diplomatie municipale en compagnie de ses vis-à-vis de Montréal, Valérie Plante, de Québec, Bruno Marchand, et de Sherbrooke, Évelyne Beaudin. Il était d’ailleurs frappant de constater que trois des quatre dirigeants de ces grandes villes québécoises étaient des femmes, signe d’un important changement de garde dans le monde municipal québécois.

Montréal, ville internationale

Certes, l’activité internationale de ces quatre villes varie grandement, Montréal par exemple étant dans une situation assez particulière, elle qui accueille 70 organisations internationales et six sièges sociaux d’organismes des Nations unies. Malgré tout, Mme Plante a expliqué que même pour la métropole, l’activité internationale s’est complètement transformée depuis l’époque des villes jumelées.

«On est passé de relations plus symboliques à quelque chose de beaucoup plus tactique maintenant. On entre dans des réseaux. On est moins dans le bilatéral, plus dans le multilatéral», a-t-elle fait valoir, prenant pour exemple la création de C40, qui regroupe les maires et mairesses de 94 grandes villes de 49 pays qui se sont donné leurs propres objectifs de lutte contre les changements climatiques. 

«C’est une façon pour les grandes villes à travers le monde de pouvoir dire à d’autres paliers de gouvernement: si nous on est capables de le faire au niveau des villes, qu’est-ce qu’on attend pour bousculer les choses, aller plus vite, au niveau des États?»

Pouvoir limité face à «ton banquier»

Bruno Marchand, premier magistrat de Québec, a toutefois averti que si les villes peuvent très bien utiliser l’international pour faire pression sur les gouvernements, elles n’ont pas intérêt pour autant à se positionner comme un contre-pouvoir.

«Face au gouvernement actuel, on ne veut pas jouer la ‘game’ du contre-pouvoir. Ça ne veut pas dire qu’on est toujours d’accord, mais cette histoire de contre-pouvoir, elle est très malaisante pour les villes parce que 70, 75, 80 % de ce qui vient hors taxes des villes, vient du gouvernement du Québec pour une route, pour un parc, pour l’adaptation aux changements climatiques, pour l’économie. Donc, jouer le contre-pouvoir avec ton banquier, ce n’est pas super le ‘fun’», a-t-il fait remarquer.

M. Marchand, récemment rentré d’un voyage en Scandinavie qu’il a dû défendre devant certaines critiques, a fait valoir qu’il est nécessaire de sortir, d’aller voir ailleurs pour apprendre des meilleures pratiques pour éviter la stagnation. «On aime tellement être unique, on aime tellement être extraordinaire, on aime tellement être bon, grandiose, grandiloquent, dire qu’on n’a pas besoin d’apprendre des autres et finalement, cette fausse vertu qu’on s’accorde fait en sorte qu’on ralentit le pas. Parce qu’à se trouver extraordinaire, à ne pas se comparer, nécessairement on ne voit pas les opportunités d’apprendre.»

Les villes pas toutes égales

La mairesse de Sherbrooke, Évelyne Beaudin, a toutefois ramené tout ce beau monde «sur le plancher des vaches», selon son expression. Les villes n’ont pas toutes les mêmes moyens, a-t-elle fait valoir, soulignant que le suivi en matière internationale relevait uniquement des élus, dans son cas. «Si le gouvernement nous finançait, nous subventionnait carrément les salaires d’employés qui seraient dédiés aux relations internationales, je pense qu’eux-mêmes bénéficieraient du fait qu’on ait une expertise permanente et nous on en bénéficierait parce que tout ne serait pas à reconstruire à chaque élection.»

Aussi, a-t-elle rappelé, le Québec compte 1100 municipalités, dont certaines sont tellement petites que l’international est le dernier de leur souci. Pour illustrer son point, elle a raconté un récent passage dans le village de Saint-Denis-De La Bouteillerie, dans Kamouraska. «Quand tu as un employé et demi dans ta municipalité, parce que tu as 515 personnes, que ton plus grand enjeu c’est un problème d’odeur d’égout dans ton centre de village, les relations internationales, c’est vraiment, vraiment loin. Comment veux-tu faire face aux défis du 21e siècle quand tu vis aux crochets de l’État pour le moindre dollar?»

Qu’à cela ne tienne, Bruno Marchand estime que c’est aux grandes villes à assumer leurs responsabilités et d’emmener avec elles des représentants de plus petites municipalités. Car les occasions sont bien là, insiste-t-il. «Quand nous étions en Finlande, les entrepreneurs nous ont dit: c’est le temps plus que jamais de faire des affaires avec nous parce qu’on ne fait plus d’affaires avec la Russie et on ne fera plus de développement d’affaires en Chine. La Finlande se tourne vers de nouveaux marchés.» 

Quand l’international est dans ta cour

France Bélisle, de son côté, a bien déridé l’auditoire en expliquant pourquoi elle n’avait toujours pas voyagé. «Pas encore, j’essaie de sécuriser mes votes au conseil municipal avant de me déplacer à l’international!», a-t-elle lancé. Mme Bélisle, élue comme indépendante, doit en effet faire face à des élus dont certains sont regroupés dans une opposition bien organisée. Par contre, elle souligne qu’elle rencontre sur une base continue plusieurs ambassadeurs installés dans la capitale fédérale voisine. «Ç’a l’air banal, mais ça permet d’établir des fondations durables qui ne sont pas seulement des relations publiques, mais qui deviennent des relations humaines qui permettent du développement économique, du développement culturel.»

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