Les Québécois poseront un «regard neuf» sur l’énergie nucléaire

Patrice Bergeron, La Presse Canadienne
Les Québécois poseront un «regard neuf» sur l’énergie nucléaire

QUÉBEC — Les Québécois commenceront à poser «un regard neuf» sur l’énergie nucléaire dans les années à venir.

C’est ce à quoi s’attend l’industrie canadienne du nucléaire au terme de son plus important congrès à s’être tenu dans l’histoire récente, alors qu’une campagne de promotion du nucléaire est par ailleurs lancée dans les réseaux sociaux. 

L’Association nucléaire canadienne (ANC) a tenu ses assises annuelles à Ottawa la semaine dernière et l’industrie est en «pleine croissance», selon son président, John Gorman, qui voit un bel avenir pour cette filière au Québec. 

Hydro-Québec est membre de l’ANC et avait délégué des représentants, dans le contexte du déclassement de la centrale de Gentilly-2, a précisé M. Gorman.

«Je m’attends à ce que les Québécois posent un regard neuf sur le nucléaire, dans le contexte des changements climatiques et de la nécessité de produire beaucoup plus d’électricité», a-t-il déclaré en entrevue avec La Presse Canadienne jeudi.

Y a-t-il de la place pour une industrie nucléaire d’envergure dans ce bastion de l’hydro-électricité que constitue le Québec depuis les années 1960?  

«Absolument», a assuré le grand patron de l’ANC. 

Hydro-Québec a écarté la production d’énergie nucléaire dans son plan d’action d’ici à 2035, mais le gouvernement Legault a déjà manifesté des signes ambivalents d’ouverture, devant la hausse de la demande d’électricité et les besoins estimés pour décarboniser l’économie d’ici à 2050, soit remplacer les énergies fossiles par des énergies propres. 

John Gorman a affirmé qu’on assiste à une «renaissance» du nucléaire partout au pays, que ce soit avec de petits réacteurs modulaires, une nouvelle technologie, ou éventuellement avec la remise à neuf de la centrale Gentilly-2, toutefois actuellement en cours de déclassement depuis 2012 – mais Hydro a reçu une analyse de la société AtkinsRéalis sur sa relance potentielle. 

La relance de Gentilly-2 impliquerait un investissement de plusieurs milliards de dollars, mais l’ANC soutient que le nucléaire demeure une source d’énergie parmi les plus abordables et fiables: Hydro estimait déjà à 3,4 milliards $ les coûts de réfection de la centrale en 2012.   

M. Gorman a reconnu toutefois que le recours au nucléaire est confronté à un enjeu d’acceptabilité sociale au Québec, alors que dans d’autres provinces il est plus généralement accepté, même que taux d’appui est en augmentation, selon les données de l’ANC.

Les inquiétudes voire la psychose survenues après la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011 se sont estompées et l’industrie de la production d’énergie nucléaire se targue aujourd’hui d’être une des plus sécuritaires, a argué le haut-dirigeant de l’ANC.

L’industrie nucléaire canadienne mise beaucoup sur les petits réacteurs modulaires, une nouvelle technologie en déploiement dans d’autres provinces dont il reste cependant des éléments à éprouver, a reconnu M. Gorman.

L’Ontario, la Saskatchewan et le Nouveau-Brunswick vont de l’avant avec cette technologie et l’ANC s’attend à ce que le Québec embarque aussi.

Une campagne de promotion de l’énergie nucléaire a été lancée récemment dans les réseaux sociaux: «Les Canadiens pour Candu», du nom du réacteur conçu au pays dans les années 1950 et 60 qui équipe les centrales canadiennes et qui a même été vendu à l’étranger.   

AtkinsRéalis, anciennement SNC-Lavalin, est dépositaire de la technologie de ces réacteurs et est à l’origine de cette campagne.

La Presse Canadienne a demandé une entrevue à AtkinsRéalis, mais la gestionnaire Communications externes et relations médias, Laurence Myre Leroux, a refusé jeudi.

Rappelons que le nucléaire a toujours été un enjeu délicat au Québec depuis les années 1960, lorsque le gouvernement libéral lui a tourné le dos pour miser sur l’hydroélectricité et les barrages de la Baie-James.  

À l’automne 2023, le ministre de l’Énergie et de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, avait énoncé que le nucléaire était un «incontournable» et qu’il fallait l’évaluer parmi les options, mais le premier ministre François Legault avait pour sa part affirmé: «pour l’instant, on ne touche pas à ça».

Le président d’Hydro-Québec, Michael Sabia, avait quant à lui affirmé que «le nucléaire ne fait pas partie» du plan d’action 2035 présenté par la société d’État.    

On peut toutefois y lire: «Nous étudierons également le potentiel du site existant de Gentilly-2 pour accueillir une centrale nucléaire ou des petits réacteurs modulaires. Ces options seront analysées en fonction de leur maturité technologique, de leur coût et de leur acceptabilité sociale.»

L’ANC soutient que la technologie nucléaire permet actuellement d’éviter l’émission de 80 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) en remplaçant les combustibles fossiles.

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