Les changements climatiques peuvent servir les ennemis du Canada, signale le SCRS

Jim Bronskill, La Presse Canadienne
Les changements climatiques peuvent servir les ennemis du Canada, signale le SCRS

OTTAWA — Les bouleversements provoqués par les changements climatiques pourraient rendre le Canada plus vulnérable au chapitre des approvisionnements alimentaires et énergétiques ainsi que dans l’Arctique, prévient le Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS).

Selon une analyse récente du SCRS, les changements climatiques menaceront la sécurité nationale, car les pays et autres acteurs tenteront de renforcer leur place sur l’échiquier économique ou d’exploiter les nouvelles faiblesses de leurs adversaires.

Le SCRS juge que les changements climatiques pourraient alimenter les tensions internationales, contribuer à l’instabilité et grever les ressources.

Ce document a été obtenu par La Presse Canadienne en vertu de la Loi d’accès à l’information.

Le service de renseignement canadien énumère une série de menaces que le Canada pourrait devoir affronter à l’avenir comme les ingérences étrangères et l’apparition d’un «terrorisme électrique» — la violence extrême liée à l’extraction de minéraux critiques.  La transition vers une énergie verte pourrait s’accompagner d’une forme de violence extrême. Un autre scénario mentionne des tentatives d’influencer les conditions météorologiques par géo-ingénierie.

Le niveau de danger diffère d’un pays à l’autre, croit Tom Deligiannis, un chargé de cours de l’Université Wilfrid-Laurier, en Ontario.

«Il y a des pays qui ont la capacité, les ressources et la volonté d’utiliser les pressions économiques ou toute autre forme de coercition afin de profiter du contexte engendré par les changements climatiques, dit-il. Je ne pense pas que cela représente un grand risque pour le Canada. C’est beaucoup plus inquiétant pour les petits pays émergents plus vulnérables.»

En 2021, le SCRS disait déjà craindre la montée de la violence de groupes prônant des solutions radicales à la lutte contre les changements climatiques ou de gens voulant préserver leur actuel mode de vie.

Aujourd’hui, des acteurs hostiles pourraient cibler certains secteurs afin de profiter des changements climatiques, ce qui peut faire des torts supplémentaires et disproportionnés au Canada, peut-on lire dans la dernière analyse du service de renseignement.

Par exemple, la production alimentaire pourrait décroître à cause des changements climatiques, souligne le SCRS. Certains pays pourraient être tentés d’acquérir une grande quantité de terres agricoles et de fertilisants afin d’assurer leur propre approvisionnement alimentaire au détriment du Canada et de ses alliés.

Des pays malintentionnés pourraient tenter de voler des recherches et des innovations techniques qui peuvent contribuer à faire pousser des cultures résistantes à la sécheresse, indique l’analyse. Les ressources en eau peuvent devenir moins fiables pour les récoltes ou la consommation.

La sécurité énergétique du Canada peut aussi être sapée si les fournisseurs étrangers devenaient peu fiables.

«Le Canada pourrait rencontrer des difficultés à obtenir à l’étranger des composantes pour les énergies solaire et éolienne qu’on ne peut pas produire au pays.»

Dans le nord du pays, la fonte du pergélisol pourrait endommager les infrastructures, ce qui rendrait les régions arctiques encore moins habitables, prévoit le SCRS. D’autres pays pourraient contester la souveraineté canadienne dans l’Arctique, car la fonte des glaces crée de nouvelles voies navigables dans ce secteur.

La concurrence pour acquérir les ressources naturelles qui seront dorénavant accessibles sera plus féroce dans les régions nordiques, craint le SCRS. «Ces secteurs vulnérables figurent parmi les défis que le Canada et ses alliés devront relever en raison des changements climatiques.»

M. Deligiannis estime qu’il sera prudent pour le gouvernement fédéral de réfléchir et d’élaborer un plan pour affronter ces possibilités. «C’est utile pour lui d’avoir une analyse de certaines des conséquences des changements climatiques au Canada.»

L’extraction de minéraux essentiels aux énergies vertes est considérée comme un moyen de sauver la planète, rappelle Gabrielle Daoust, une professeure adjointe de l’Université du Nord de la Colombie-Britannique.

Une telle activité soulève de difficiles questions politiques et morales, souligne-t-elle. Les communautés autochtones «sont déjà les plus vulnérables aux répercussions des changements climatiques et sont affectées de manière disproportionnée par la croissance du développement minier attribuable aux changements climatiques».

Le Centre intégré d’évaluation du terrorisme indiquait en mars que la concurrence internationale pour les réserves de lithium et de cobalt pourrait provoquer «des rébellions et des conflits transfrontaliers» qui pourraient nuire aux intérêts canadiens à l’étranger, particulière dans les endroits où des entreprises canadiennes sont présentes.

Le Canada a ses propres réserves de cobalts, mais ses réserves de lithium sont moins développées, mentionne la note.

Le Centre craignait des actes violents commis autant par des opposants à l’exploitation axés sur les combustibles fossiles que par des opposants aux énergies vertes. 

M. Deligiannis et Daoust expriment des inquiétudes à propos de considérer les opposants aux pipelines comme des extrémistes. Ils rappellent que les militants écologistes sont déjà la cible des agences de sécurité de l’État.

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