Les banques alimentaires observent un achalandage «sans précédent»

Stéphane Rolland, La Presse Canadienne
Les banques alimentaires observent un achalandage «sans précédent»

MONTRÉAL — L’insécurité alimentaire s’aggrave de façon «dramatique» au Québec au moment où les banques alimentaires connaissent un achalandage sans précédent, prévient le directeur général des Banques alimentaires du Québec (BAQ), Martin Munger. 

En seulement un an, le nombre de personnes qui fréquentent son réseau de 1300 organismes communautaires a bondi de 30 % pour s’établir à 872 000 personnes en mars 2023, selonle Bilan-Faim 2023, dévoilé mercredi. Il s’agit d’un bond de 73 % par rapport au bilan de 2019, avant la pandémie. 

«Sur la population du Québec, c’est une personne sur dix qui fréquente les banques alimentaires pour se nourrir, s’inquiète M. Munger en entrevue. Ça devient un problème de société.»

 Le nombre de paniers de provisions, pour sa part, a doublé en quatre ans, passant de 345 000 à 682 000. 

Si les données du Bilan-Faim sont les données fiables les plus récentes, la situation semble s’être dégradée depuis la collecte de données faite en mars, constate M. Munger. «Ce que j’ai comme message des gens sur le terrain, c’est que ça a continué à augmenter (l’achalandage)». 

Pour les ménages, la hausse du prix du panier d’épicerie a été l’élément le plus douloureux et le plus persistant de l’augmentation récente de l’inflation. En septembre, le rythme annuel de l’inflation alimentaire s’établissait à 5,9 %, selon Statistique Canada. L’inflation alimentaire atteignait 9,8 % en 2022, un sommet depuis 1981.

La relative modération de l’inflation est une bien mince consolation pour les gens qui vivent de l’insécurité alimentaire. «Si l’inflation a diminué un peu, c’est que les prix augmentent pareil, souligne M. Munger. La situation empire.»

Avoir un emploi n’est plus une garantie qu’on échappera à l’insécurité alimentaire. En fait, de plus en plus de gens qui fréquentent les banques alimentaires ont un emploi.En 2023, 18,5 % des utilisateurs tiraient la majorité de leurs revenus d’un emploi, comparativement à 13,5 % en 2019. 

Le portrait au Québec est similaire à celui de l’ensemble du pays, selon des données de Banques alimentaires Canada publiées le même jour. Le nombre de visites dans une banque alimentaire a bondi de 32 % en un an en mars 2023 et de 78,5 % par rapport à mars 2019. 

Une aide de Québec réclamée

Les banques alimentaires vont avoir besoin de fonds supplémentaires de la part du gouvernement du Québec pour répondre à la demande, plaide M. Munger. Dans le réseau de BAQ, 75 % des organismes ont dit qu’ils avaient manqué de denrées pour répondre à la demande.

«Je dirais qu’il y a de l’ouverture, mais on n’a pas eu de réponse ferme à ce jour et j’ajouterais que ça presse. On a besoin d’une réponse rapide, parce que lancer des commandes de cette envergure-là: la chaîne d’approvisionnement est serrée à l’heure actuelle.»

BAQ réclame 18 millions $ «pour se rendre jusqu’au 31 mars». L’association estime que l’augmentation de l’achalandage représente un coût de 57 millions $. Une partie a été absorbée grâce aux dons et à des gains d’efficacité, mais les organismes ont besoin d’un coup de pouce du gouvernement pour combler une partie de l’écart, plaide M. Munger. 

Si le gouvernement Legault a financé d’importants projets liés aux infrastructures des banques alimentaires (entrepôt, réfrigérateur), l’aide d’urgence pour s’ajuster à l’inflation a, pour sa part, été déployée au compte-gouttes. 

Les banques alimentaires avaient réclamé une aide d’urgence ponctuelle de 24 millions $, en prévision du budget du Québec publié en mars. Le gouvernement ne leur avait finalement octroyé que 2 millions $. Une autre aide de 6 millions $ a été accordée en juillet. 

Ces sommes supplémentaires ont déjà été épuisées. «On recommence à avoir des trous dans les tablettes et à avoir des fils devant les banques alimentaires», déplore M. Munger. 

Il y a un coût financier à étaler l’aide sur plusieurs annonces durant l’année, répond le dirigeant de l’association. «Je pense qu’on pourrait avoir encore de meilleurs prix lors des achats si on avait un montant qui n’est pas à la pièce. (…) À chaque fois, il faut repartir la machine et on ne bénéficie pas des mêmes rabais de volumes.»

À Québec, le porte-parole libéral en matière de solidarité sociale, Greg Kelley, a qualifié la situation de «catastrophique». Il demande au gouvernement d’accorder rapidement les 18 millions $ demandés. «La ministre Rouleau ne semble pas entendre le cri du cœur de nos banques alimentaires», dénonce-t-il. 

La ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau, promet que le gouvernement sera «au rendez-vous», mais elle n’a pas voulu s’avancer sur le montant octroyé lors d’une mêlée de presse dans les corridors de l’Assemblée nationale. «Je vois très bien ce qui se passe sur le terrain, je suis très à l’écoute.» 

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