Le président de la Chambre s’excuse en comité pour la vidéo à un événement partisan

Sarah Ritchie, La Presse Canadienne
Le président de la Chambre s’excuse en comité pour la vidéo à un événement partisan

OTTAWA — Le président de la Chambre des communes, Greg Fergus, s’est excusé lundi matin devant un comité de députés pour une vidéo qu’il a réalisée et qui a été diffusée lors d’un récent congrès du Parti libéral de l’Ontario.

M. Fergus a indiqué qu’un protocole est en train d’être mis en place pour garantir qu’il obtienne des conseils du greffier de la Chambre et de l’administration sur toute communication future de son bureau.

M. Fergus a été appelé à témoigner devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, qui examine si le président non partisan devrait être puni pour être apparu dans la vidéo dans son habit de cérémonie.

«Je sais que j’ai fait une erreur et je ne la referai plus», a déclaré M. Fergus, ajoutant que si la Chambre des communes décide qu’il n’est pas à la hauteur du poste, il se conformera à cette décision.

La semaine dernière, tous les députés ont voté à l’unanimité pour que le geste du président soit étudié au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, qui doit présenter un rapport à la Chambre des communes au cours de la semaine. 

Le comité a prévu cinq heures d’audiences à ce sujet lundi, avec des témoins parmi lesquels figurent également des greffiers de la Chambre et John Fraser, le député provincial de l’Ontario qui a fait l’objet de la vidéo de M. Fergus.

Erreur de communication?

M. Fraser a occupé le poste de chef par intérim du Parti libéral de l’Ontario jusqu’à l’élection de Bonnie Crombie au début du mois. 

Greg Fergus dit qu’un membre de la famille de M. Fraser l’avait contacté le 27 novembre, lui demandant d’envoyer un message vidéo pour commémorer son passage à un poste élevé au sein du Parti libéral provincial.

M. Fergus a indiqué avoir enregistré la vidéo le 30 novembre dans son bureau, entre deux réunions. Il n’a pas demandé à son chef de cabinet ou au greffier de la Chambre s’il devait le faire.

Le président dit qu’il pensait que la vidéo serait diffusée lors d’un événement privé le 1er décembre avec des membres de «l’équipe de Fraser», et qu’il n’avait aucune idée qu’elle serait diffusée publiquement ou incluse lors du congrès d’un parti.

Il a accepté de fournir au comité des copies de communications liées à la vidéo.

M. Fraser a affirmé aux journalistes que sa femme avait demandé à M. Fergus de réaliser la vidéo, qui faisait partie d’un hommage plus large présenté lors de l’événement du 2 décembre au cours duquel les libéraux de l’Ontario ont annoncé la nomination de leur nouveau chef. 

Il a également mentionné qu’aucun événement privé n’avait eu lieu le 1er décembre et qu’il pensait qu’il y avait eu une erreur de communication concernant la date et l’objectif de la vidéo.

Dans ce qui s’apparente à un hommage personnel, M. Fergus a parlé de sa longue amitié avec M. Fraser et du travail qu’ils ont accompli au fil des ans. 

Mais ses paroles ont été présentées lors de l’événement comme un hommage du président de la Chambre des communes. 

«Une grave erreur»

M. Fergus a déclaré qu’il reconnaît maintenant qu’il n’aurait pas dû faire la vidéo en premier lieu, et qu’il ne comprenait pas comment le fait de parler de son travail politique passé pouvait être perçu comme de la politique partisane.

Le comité lui-même était divisé lundi selon les lignes partisanes, les membres libéraux défendant M. Fergus et acceptant ses excuses. 

Terry Duguid a utilisé une partie de son temps de parole pour demander à M. Fergus de partager ses réflexions sur le fait d’être le premier président noir de l’histoire du Canada, tandis que sa collègue libérale Sherry Romanado a parlé des lettres de soutien qu’elle a reçues pour M. Fergus. 

Des députés du Parti conservateur, du NPD et du Bloc québécois ont fait savoir que l’incident les avait amenés à remettre en question le jugement de M. Fergus. Les bloquistes et les conservateurs lui ont demandé de démissionner.

La députée bloquiste Claude DeBellefeuille a invité M. Fergus à garder en tête la possibilité qu’il serait préférable qu’il quitte par lui-même. 

«Parce que ce que vous avez fait, oui c’est une erreur, mais ce n’est pas une petite erreur. C’est une grave erreur», a-t-elle déclaré. 

Elle a rappelé à M. Fergus que son prédécesseur avait appris cette leçon à ses dépens. 

Anthony Rota a démissionné à la fin du mois de septembre, après avoir résisté aux appels des députés de l’opposition qui lui demandaient de démissionner. 

Le scandale a commencé lorsque M. Rota a invité un vétéran ukrainien de la Seconde Guerre mondiale, âgé de 98 ans, à la Chambre des communes et l’a honoré en tant que «héros» lors d’une visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky. 

Après l’événement, il a été révélé que l’ancien combattant, Yaroslav Hunka, avait combattu dans l’unité nazie connue sous le nom de division Waffen-SS Galicia. 

Après la démission de M. Rota, sous les feux de l’actualité internationale, M. Fergus a été élu président de la Chambre le 3 octobre et s’est engagé à rétablir le respect et la bienséance dans les débats parlementaires. 

Dans une «ligue différente»

L’ancien président de la Chambre et député conservateur Andrew Scheer, qui s’est joint à la commission pour la réunion de lundi, a soutenu que M. Fergus avait un passé «hyperpartisan» en tant que député et qu’il semblait encore trop proche de cette politique partisane.

«La règle fondamentale pour être président est aussi l’une des règles les plus faciles à suivre, c’est-à-dire qu’il ne faut pas faire de choses partisanes», a dit M. Scheer. 

«Si vous étiez un joueur de hockey, que vous étiez sur le point de jouer un match et que vous voyiez l’arbitre dans son uniforme en train de faire un discours d’encouragement au vestiaire de l’équipe adverse, le contexte n’aurait pas d’importance, n’est-ce pas? Vous ne voudriez pas que cet officiel arbitre votre match», a-t-il ajouté.

M. Fergus a répondu qu’il pensait qu’il était important de noter qu’en tant que député du Québec, lui et M. Fraser étaient dans «une ligue différente». 

«Je reconnais également que le député a raison», a-t-il ajouté. 

M. Fergus a indiqué qu’il avait mis en place un protocole afin d’obtenir l’avis de l’administration de la Chambre sur toute communication future émanant de son bureau. 

Eric Janse, greffier intérimaire de la Chambre des Communes, a déclaré à la commission lundi matin qu’il n’avait pas été consulté au sujet de la vidéo. 

«Je pense que mon conseil aurait été de ne pas procéder de cette manière, ou au moins de sonder les partis», a évoqué M. Janse, ajoutant qu’il avait le sentiment que «cela allait peut-être un peu trop loin dans la sphère partisane».

M. Janse a indiqué que l’équipe d’administration de la Chambre réfléchissait à la possibilité d’informer davantage les présidents sur la non-partisanerie à l’avenir.

Le comité fera des recommandations sur l’opportunité de sanctionner M. Fergus pour ses actions, et il appartiendra à la Chambre des Communes de déterminer ce qui se passera par la suite.

M. Fergus a reconnu que ses collègues pourraient lui demander de démissionner. Bien que les députés ne puissent pas forcer le président à démissionner par un vote, il a déclaré qu’il accepterait la décision de la Chambre. 

«Si la Chambre décide qu’ils n’ont plus la confiance dans mon travail, que je ne peux pas regagner la confiance des députés, que je ne peux pas exécuter les responsabilités de président en apprenant de cette erreur, avec un désir profond et sincère de corriger le tir (…) absolument je vais partir», a-t-il dit.

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