MONTRÉAL — Le cofondateur et PDG de Northvolt Amérique du Nord, Paolo Cerruti, avoue avoir été surpris par les réactions négatives et le ressac qui ont suivi l’annonce de l’implantation de l’usine de batteries de la firme suédoise en Montérégie.
Devant un parterre de quelque 650 convives invités par la Chambre de commerce du Montréal Métropolitain, dont un contingent d’aspirants sous-traitants pour le méga-projet de 7 milliards $, M. Cerruti a imagé le vif contraste entre la réaction québécoise et celle de la population suédoise quand l’entreprise s’est lancée dans un projet du genre dans le pays scandinave.
«En Suède, on a dû fermer la salle dans laquelle on faisait des journées publiques où on invitait les citoyens. On a dû fermer les portes pour des questions de sécurité, non pas parce qu’il y avait des protestations, mais parce que des gens allaient au stade pour chanter et pour nous soutenir et pour dire comment ils étaient contents qu’on soit là.»
«Un accueil un peu différent»
«On a eu un accueil un peu différent ici, a-t-il poursuivi, suscitant les rires de son auditoire. Ça nous a surpris, honnêtement», mais c’est ainsi qu’il dit découvrir le Québec, «comment les gens fonctionnent, comment les médias fonctionnent».
Paolo Cerruti ne cache pas sa surprise de voir que ce sont des environnementalistes qui se dressent sur son chemin, affirmant que «ce serait une erreur de mettre en opposition la protection de l’environnement avec le projet et la vision de Northvolt. On veut la même chose».
Une vingtaine d’entre eux étaient d’ailleurs à la porte de l’hôtel où il prononçait son allocution, mardi, pour réclamer «le métro gratuit, pas des batteries».
Il a toutefois vite compris que l’immense terrain de 170 hectares qui chevauche les municipalités de McMasterville et Saint-Basile-le-Grand, qui abritait autrefois l’usine d’explosifs C-I-L, est un espace vert avec lequel il doit faire preuve de la plus grande délicatesse à la suite de ses trois jours de rencontres avec les citoyens.
Préoccupations légitimes
«J’ai rencontré des gens intéressés, informés, curieux, qui étaient prêts à nous faire confiance, mais pas à n’importe quel prix. J’ai entendu des préoccupations légitimes, surtout liées à l’environnement. (…) Certains redoutent la perte de biodiversité et la disparition de milieux humides. Je leur réponds que ces milieux humides sont le résultat d’efforts de décontamination rendus nécessaires après 120 ans d’exploitation d’une usine d’explosifs au passé controversé.
«Nous avons entendu l’importance de proposer des solutions novatrices qui rencontrent les exigences du ministère de l’Environnement et de la société.»
Plus tard, en mêlée de presse, Paolo Cerruti dira avoir été «rassuré» par ces rencontres. «La vaste majorité des gens voyait vraiment le projet de manière favorable et positive. Il y a des voix dissidentes. Je crois que les voix dissidentes existeront toujours. Je ne crois pas que nous aurons une adhésion à 100 %, mais déjà le niveau d’adhésion est très élevé.»
Des milieux de valeur inégale
Mais l’homme d’affaires estime tout de même que ces milieux humides n’ont pas tous la même valeur. Ainsi, par exemple, il souligne qu’«il y a des zones qu’on a nous-mêmes dit qu’on n’y touchera pas, parce qu’on pense qu’il y a une vraie valeur environnementale. Il y a notamment un cours d’eau intermittent qui fait une sorte de boucle sur un coin du terrain et ça, c’est vraiment quelque chose qu’on ne va pas toucher.»
Dans d’autres cas, toutefois, ce qu’il décrit s’apparente davantage à des trous de remblaiement remplis d’eau stagnante pour lesquels il manifeste peu d’amour. «Il y a des zones humides, qui sont en fait le résultat d’un fossement du terrain lorsque la remédiation et la décontamination du terrain a eu lieu où l’eau a stagné. Il y a de la qualité de milieux humides très très différente et on va proposer des solutions – en fait on a proposé des solutions au ministère de l’Environnement – pour tenir compte de la qualité différente de ces milieux.»
Cependant, dans tous les cas, il s’en remet à l’expertise des autorités gouvernementales. «Nous sommes en train de finaliser la discussion avec le ministère de l’Environnement. Ils sont en train d’évaluer. Je souhaite que ce soit eux qui donnent l’avis final. Je ne veux pas les influencer, donc je préfère attendre leur « feedback » final et leur décision avant de commenter», affirme-t-il, tout en se défendant d’avoir demandé ou de s’être fait offrir des allégements réglementaires.
Manifestants du secteur public
À défaut d’allégements environnementaux, Northvolt a tout de même obtenu une aide inédite des pouvoirs publics. Ottawa et Québec ont ensemble consenti 2,7 milliards $ pour soutenir la construction de l’usine de 7 milliards $. Cela ne s’arrête pas là: les deux gouvernements sont prêts à allouer jusqu’à 4,5 milliards $ additionnels pour soutenir la production une fois que celle-ci sera lancée.
Cette importante aide gouvernementale est souvent invoquée par les syndicats représentant les employés du secteur public qui sont dans une difficile négociation pour le renouvellement des conventions collectives de leurs membres. Ceux-ci se sont fait entendre bruyamment durant la conférence qu’ils ont réussi à interrompre à quatre reprises grâce à un stratagème bien organisé. Ils avaient en effet payé pour occuper quelques tables discrètement, se levant sans avertissement à plusieurs minutes d’intervalle pour scander chacun leur tour des slogans et faire entendre des sifflets. Les policiers montréalais ont été appelés à les évacuer à chacune de leurs interventions.