Le Canada donne des ateliers sur le fonctionnement de la justice à l’Inde

Dylan Robertson, La Presse Canadienne
Le Canada donne des ateliers sur le fonctionnement de la justice à l’Inde

OTTAWA — Le gouvernement fédéral a donné des ateliers sur le fonctionnement de la justice au Canada à l’Inde malgré les vives tensions qui secouent les deux pays.

Comparaissant au début du mois devant le comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce international de la Chambre des communes, le sous-ministre adjoint pour la région indopacifique, Weldon Epp, a indiqué que le ministère de la Justice et la GRC avaient «déjà organisé des ateliers avec le gouvernement indien pour expliquer quelles seraient [les] normes juridiques» pouvant justifier l’extradition de gens accusés de terrorisme.

«La façon dont l’Inde définit l’extrémisme ou même le terrorisme n’est pas toujours applicable dans le contexte de notre système judiciaire», avait expliqué M. Epp.

L’Inde accuse depuis des décennies les autorités canadiennes d’abriter des extrémistes qui réclament l’indépendance d’un État nommé Khalistan englobant certaines régions du pays.

Ottawa s’est toujours défendu en déclarant que ces militants avaient le droit d’exprimer une opinion.

Les tensions entre les deux pays se sont ravivées en juin à la suite de l’assassinat d’un leader sikh, Hardeep Singh Nijjar, abattu à l’extérieur d’un temple, à Surrey, en Colombie-Britannique.

Trois mois plus tard, le premier ministre Justin Trudeau révélait que les services de renseignement canadiens croyaient que le gouvernement indien avait joué un rôle dans cet assassinat.

Ces allégations avaient mené New Delhi à suspendre les visas pour les visiteurs canadiens et à expulser la majorité des diplomates canadiens présents dans ce pays.

Les autorités canadiennes ont demandé une plus grande coopération de l’Inde qui leur reproche d’avoir fourni peu de preuves des allégations.

M. Epp a dit ne pas s’attendre à d’importants développements avant que la GRC porte des accusations.

Il a mentionné que le Canada et l’Inde avaient depuis longtemps des échanges au sujet du terrorisme, mais ce que les deux pays n’ont pas la même définition de l’extrémisme.

Par exemple: le Canada a rejeté deux fois des demandes d’extradition contre M. Nijjar. Les autorités indiennes l’accusaient d’avoir joué un rôle dans un attentat à la bombe contre une salle de cinéma.

Sushant Singh, un chercheur d’un centre de recherches en politique, à New Delhi, croit que le gouvernement indien veut démontrer qu’il ne se laissera pas intimider. 

«Il faut toujours observer et analyser les coulisses politiques et idéologiques lorsque vient le temps d’expliquer le comportement du gouvernement indien», rappelle-t-il.

Plusieurs membres de la garde rapprochée du premier ministre indien Narendra Modi ont été formés par la violence ayant opposé des éléments séparatistes au gouvernement central dans les années 1980, mentionne le chercheur.

Au Canada, certaines communautés vénèrent encore les gens liés à certains actes terroristes comme l’attentat contre un vol d’Air India qui a tué plus de 300 personnes, dont une majorité de nationalité canadienne, en 1985.

D’autres pays ont accusé des diplomates indiens d’avoir des comportements contraires aux règles internationales. Par exemple, l’Allemagne en a condamné un pour avoir espionné des partisans de l’indépendance du Khalistan. D’autres causes semblables aux États-Unis et au Royaume-Uni n’ont pas mené à des procès.

Depuis les premières réactions outrées de l’Inde aux accusations lancées par Justin Trudeau, les autorités de ce pays ont commencé à rétropédaler, note M. Singh. Aujourd’hui, elles soulignent que les meurtres extrajudiciaires ne sont pas une politique d’État. Le chercheur anticipe que New Dehli tentera de sauver la face en blâmant des éléments voyous au sein de ses services de renseignements.

«Cela démontre qu’elles sont peut-être inquiètes», lance-t-il.

Dans un tel contexte, les ateliers du gouvernement fédéral sur les règles de droit au Canada peuvent être perçus comme une aide constructive plutôt qu’une source d’embarras pour l’Inde, dit M. Singh.

Vijay Sappani, un chercheur de l’Institut Macdonald-Laurier, dit que le moment est venu pour les deux pays de rétablir des relations diplomatiques et commerciales.

Tous deux partagent beaucoup de points en commun. Il cite l’exemple de la collaboration nucléaire et des valeurs du Commonwealth. Le commerce est riche de possibilités: l’Inde prise l’uranium, les lentilles et la potasse de la Saskatchewan.

«Le Canada est le plus proche allié de l’Inde en Occident, affirme M. Sappani. Le conflit actuel n’a aucun sens.»

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