L’attentat commis par Veltman a miné la foi des victimes envers le Canada

Maan Alhmidi, La Presse Canadienne
L’attentat commis par Veltman a miné la foi des victimes envers le Canada

LONDON, Ont. — D’autres proches des membres de la famille musulmane tués par un suprémaciste blanc à London, en Ontario, se sont adressés vendredi au tribunal, lors de l’audience de détermination de la peine. Certains ont déclaré que cet attentat avait miné leur foi dans un «Canada terre de tolérance».

Nathaniel Veltman, âgé de 23 ans, a été reconnu coupable en novembre de quatre chefs de meurtre au premier degré et d’un chef de tentative de meurtre, pour avoir fauché avec sa camionnette la famille Afzaal, qui se promenait tranquillement un soir de juin 2021.

Le procès s’était déroulé jusqu’ici à Windsor, mais les procédures de détermination de la peine, y compris les «déclarations des victimes», se déroulent maintenant à London, lieu de l’attentat.

Au fil de dizaines de déclarations déchirantes des victimes de cette tragédie, les Afzaal sont restés dans la mémoire de leurs proches au Canada et à l’étranger comme des personnes chaleureuses et généreuses.

Salman Afzaal, 46 ans, sa femme Madiha Salman, 44 ans, leur fille de 15 ans, Yumna, et la grand-mère de 74 ans, Talat Afzaal, ont été tuées le 6 juin 2021. Le jeune fils du couple, âgé de neuf ans, a été grièvement blessé, mais il a survécu.

La famille avait quitté le Pakistan pour s’établir au Canada en 2007.

Veltman a déclaré qu’il les avait ciblés avec sa camionnette parce que d’après leurs vêtements et la barbe portée par Salman Afzaal, il a conclu qu’ils étaient musulmans.

Dans une déclaration lue devant le tribunal par la Couronne, le cousin de Madiha Salman, Omar Ahmed, qui vit au Pakistan, a déclaré qu’il avait grandi en voyant ses proches partir vers les pays occidentaux en quête de meilleures opportunités. «Le rêve américano-canadien était l’objectif final, a-t-il déclaré au tribunal. Mais voilà comment prend fin le rêve.»

La représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie, Amira Elghawaby, est à London cette semaine pour l’audience de détermination de la peine. Dans un communiqué, elle écrit que «le Canada a connu le plus grand nombre d’attaques ciblées et meurtrières contre des musulmans parmi tous les autres pays du G7».

Elle décrit les meurtres de Veltman comme «la deuxième attaque de masse contre les musulmans au Canada», après la tuerie de la mosquée de Québec en 2017, qui a fait six morts.

«Le choc, l’horreur et la consternation que l’islamophobie peut devenir mortelle sont une prise de conscience avec laquelle de nombreux musulmans canadiens doivent lutter depuis des années», a écrit Mme Elghawaby. «La haine contre tout Canadien constitue une menace directe à la sûreté et à la sécurité de tous les Canadiens.»

Loi sur le terrorisme

Le procès Veltman était le premier procès pour meurtre au premier degré au pays où on a soumis à un jury les lois canadiennes sur le terrorisme.

La juge Renee Pomerance, qui a présidé le procès, avait expliqué aux jurés l’automne dernier qu’ils pouvaient déclarer Veltman coupable de meurtre au premier degré s’ils convenaient à l’unanimité que les procureurs avaient établi que l’accusé avait l’intention de tuer les victimes et qu’il avait prémédité et planifié son attaque.

Mais elle a également indiqué aux jurés qu’ils pourraient parvenir au même verdict de meurtre au premier degré s’ils estimaient que ces meurtres constituaient une «activité terroriste».

La composante «terrorisme» ne constitue pas une accusation distincte et les jurys au Canada n’ont pas le droit d’expliquer comment ils sont parvenus à leur verdict. On ne sait donc pas clairement quel rôle – le cas échéant – les allégations de terrorisme ont pu jouer dans leur décision de le déclarer coupable de meurtres au premier degré.

Par contre, la juge Pomerance peut évoquer cette question dans le cadre du processus de détermination de la peine à imposer à Veltman.

Les procureurs ont soutenu au procès que l’attentat de London était un acte de terrorisme perpétré par un «suprémaciste blanc» autoproclamé. La défense a soutenu que Veltman n’avait pas l’intention criminelle de tuer les victimes et n’avait pas prémédité ni planifié l’attaque.

Au cours du procès, Veltman a mentionné qu’il avait été influencé par les écrits d’un homme qui a assassiné 51 fidèles musulmans en 2019 dans deux mosquées de la Nouvelle-Zélande.

Il a également déclaré qu’il envisageait d’utiliser sa camionnette, achetée un mois plus tôt, pour perpétrer une attaque. Il a aussi expliqué qu’il avait recherché des informations en ligne sur ce qui se passait lorsque des piétons étaient happés par des véhicules à différentes vitesses.

Il a expliqué au jury qu’il avait ressenti une «envie pressante» de happer la famille Afzaal lorsqu’il les a vus marcher sur le trottoir, sachant qu’ils étaient musulmans grâce à leurs vêtements — il avait aussi remarqué que l’homme du groupe portait une barbe.

Les jurés ont également visionné une vidéo où Veltman avouait à un enquêteur que son attaque était motivée par le «suprémacisme blanc». Le tribunal a également appris que dans un manifeste écrit les semaines avant l’attentat, il se décrivait comme un suprémaciste blanc et colportait des théories complotistes non fondées sur les musulmans.

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