L’ambassadeur israélien demande à Trudeau d’être clair sur la Cour internationale

Dylan Robertson, La Presse Canadienne
L’ambassadeur israélien demande à Trudeau d’être clair sur la Cour internationale

OTTAWA — L’ambassadeur israélien au Canada se joint à ceux qui demandent aux libéraux fédéraux d’exprimer clairement la position d’Ottawa alors que la Cour internationale de justice examine une allégation selon laquelle son pays commet un génocide contre les Palestiniens.

«Israël exhorte le Canada à ne laisser aucune place à des interprétations erronées sur une question qui est limpide», a déclaré jeudi l’ambassadeur Iddo Moed dans un communiqué.

M. Moed soutient que de nombreux alliés du Canada ont exprimé une position claire dans ce dossier qui, selon lui, aura des implications pour l’ordre international fondé sur des règles.

La Cour internationale de justice, organe judiciaire principal des Nations unies, a tenu deux jours d’audiences publiques, la semaine dernière à La Haye, alors que l’Afrique du Sud soutient qu’Israël commet un génocide contre les Palestiniens dans la bande de Gaza.

Des militants du Hamas ont tué 1200 personnes et pris environ 250 otages, le 7 octobre, lors d’une série d’attaques dans le sud d’Israël, selon les autorités israéliennes.

Israël a riposté avec une force considérable à Gaza, insistant sur le fait que ses attaques visaient à éliminer le Hamas et ses partisans, et non les civils palestiniens.

Ces attaques israéliennes ont également interrompu les livraisons d’approvisionnement et d’électricité, conduisant à une crise humanitaire et à des appels désespérés pour obtenir de la nourriture, des médicaments et de l’eau dans la bande de Gaza. Seule une aide humanitaire limitée a été autorisée à entrer à Gaza au cours des 100 derniers jours.

Le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, affirme que plus de 24 000 personnes ont été tuées dans le conflit. Les autorités du Hamas ne font aucune différence entre les civils et les combattants dans leurs bilans.

Plus de 100 otages israéliens ont été libérés lors d’un cessez-le-feu temporaire en novembre, mais Israël croit que plus de 100 autres étaient toujours captifs à Gaza et qu’au moins deux douzaines étaient morts pendant leur détention.

L’Afrique du Sud a déclaré que même si elle condamne le Hamas pour son agression brutale du 7 octobre, rien ne justifiait l’ampleur de la riposte israélienne à Gaza. 

Pretoria a demandé au tribunal international d’ordonner à Israël de cesser son assaut sur le territoire palestinien, affirmant que les déclarations de hauts responsables israéliens suggèrent une politique de punition collective et d’anéantissement des Palestiniens.

Le droit de se défendre

Israël a rejeté catégoriquement l’allégation de génocide et a fait valoir devant le tribunal qu’elle avait le droit de se défendre contre le Hamas et que l’allégation de l’Afrique du Sud était «faussée». Les avocats israéliens affirment que les déclarations passionnées de certains représentants du gouvernement à Jérusalem ne reflètent pas la politique de l’État hébreu.

Le premier ministre Justin Trudeau n’a jamais précisé si le Canada était d’accord avec les allégations sud-africaines, ni même si Ottawa reconnaîtrait la décision de la Cour internationale dans le cas où elle déclarerait Israël coupable de génocide.

Interrogé sur la position canadienne en conférence de presse vendredi dernier, il a déclaré que le soutien du Canada à la Cour internationale de justice ne signifiait pas qu’Ottawa appuyait la «prémisse» sud-africaine.

Dans une déclaration publiée un peu plus tard le même jour, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a repris la même rhétorique, mais elle a également indiqué que le crime de génocide requiert «des preuves irréfutables» juridiques convaincantes et que le seuil est «élevé».

Interrogé encore mercredi, M. Trudeau a insisté sur le fait que sa position était claire, mais de nombreuses organisations ont estimé que les déclarations du premier ministre prêtaient à confusion.

«Je ne vais pas commenter ce qui pourrait être une conclusion éventuelle d’un processus, que nous soutenons, à mesure qu’il se déroule», a déclaré M. Trudeau.

Le Canada n’a pas publié de déclaration sur l’affaire jusqu’à ce que l’Afrique du Sud et Israël aient fait valoir leurs arguments devant le tribunal. À ce moment-là, de nombreux pays avaient déjà publié des déclarations indiquant s’ils respecteraient les conclusions de la Cour internationale et ce qu’ils pensaient de ce dossier.

Mark Kersten, professeur de criminologie à l’Université de Fraser Valley, en Colombie-Britannique, a déjà soutenu que le gouvernement canadien a recours à un «langage confus» pour éviter de prendre position dans un dossier qui pourrait diviser davantage le caucus libéral et l’électorat canadien.

Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes a lancé une campagne de rédaction de lettres, exhortant les libéraux à abandonner le «langage déroutant et ambigu» autour de cette affaire et à s’opposer à la requête de l’Afrique du Sud.

L’Afrique du Sud affirme que plus de 50 pays soutiennent sa cause, dont les 22 membres de la Ligue arabe. La plupart des pays occidentaux qui soutiennent traditionnellement Israël sont restés neutres dans ce dossier ou ont carrément rejeté la thèse sud-africaine — un élément souligné par l’ambassadeur Moed jeudi.

Les cabinets de M. Trudeau et de Mme Joly n’ont pas répondu jeudi aux critiques de l’ambassadeur israélien ni à une autre demande pour préciser la position du Canada dans ce dossier. 

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a déclaré aux journalistes jeudi que la décision du tribunal devrait être respectée par le Canada. Pour leur part, les conservateurs ont jugé l’affaire sud-africaine sans fondement.

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