L’Alberta répond qu’elle ne tolèrera pas le plafond d’émissions de GES d’Ottawa

Bob Weber, La Presse Canadienne
L’Alberta répond qu’elle ne tolèrera pas le plafond d’émissions de GES d’Ottawa

L’Alberta et deux groupes d’affaires importants ont publié des réponses officielles à un projet fédéral de plafond d’émissions alors que la ministre de l’Environnement de la province devait rencontrer son homologue fédéral.

«Ce plafond n’est ni réaliste ni efficace, ne permettra pas d’atteindre ses objectifs d’émissions grandioses et ne sera pas toléré en Alberta», indique la réponse officielle de la province.

Le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, devait rencontrer lundi la ministre de l’Environnement et des Aires protégées de l’Alberta, Rebecca Schulz.

M. Guilbeault a déclaré qu’Ottawa imposerait un plafond des émissions de 2030 à un niveau inférieur de 35 à 38 % à celui de 2019 et que les entreprises pourront acheter des crédits de compensation pour se donner de la flexibilité.

Le plan du ministre Guilbeault accorderait une certaine flexibilité aux entreprises individuelles grâce à l’achat de crédits.

Les préoccupations de l’Alberta ont été reprises par l’Association canadienne des producteurs pétroliers et le Business Council of Alberta, un groupe de pression de la grande entreprise.

Tous trois affirment qu’un plafond d’émissions aurait pour résultat l’opposé des objectifs visés.

«Il y a d’autres politiques existantes et proposées qui contribueront plus efficacement aux objectifs de réduction des émissions à long terme du Canada», a écrit l’association.

Le conseil a déclaré que ces objectifs seraient «mieux atteints grâce à un prix du carbone robuste et transparent».

La réponse officielle de l’Alberta à la proposition d’Ottawa indique que le plafond nuirait au travail que la province poursuit avec succès «depuis des décennies» pour réduire les émissions.

Il indique que la production des sables bitumineux a déjà dépassé les prévisions utilisées pour établir la limite proposée de 100 mégatonnes et que la technologie nécessaire pour réduire suffisamment les émissions n’existe pas encore.

Le document répète les arguments selon lesquels le plan d’Ottawa viole la Constitution.

La valeur du pétrole à risque

L’Alberta est l’un des rares endroits en Amérique du Nord où les émissions de gaz à effet de serre augmentent et est de loin le plus grand émetteur du Canada. Les sables bitumineux ont récemment établi un record de production et restent parmi les producteurs de pétrole les plus émetteurs de carbone au monde.

Les économistes conviennent qu’un plafond de production n’est peut-être pas le moyen le plus efficace d’un point de vue économique pour atteindre les objectifs climatiques du Canada fixés par l’accord de Paris.

Andrew Leach, économiste de l’énergie à l’Université de l’Alberta, affirme que cibler les sables bitumineux pourrait signifier que le Canada perdrait la valeur du pétrole produit. Réduire les émissions ailleurs pourrait avoir le même impact climatique à moindre coût – un objectif qui pourrait être atteint grâce à une taxe carbone importante et généralisée.

M. Leach, dans une entrevue, a déclaré qu’environ 90% des émissions provenant de l’agriculture ne sont pas tarifées, même si cette industrie libère à peu près la même quantité de carbone que les sables bitumineux.

«Vous n’allez pas résoudre ce problème au Canada en vous attaquant à un seul secteur», a-t-il déclaré.

Néanmoins, M. Leach a noté que l’argument de l’Alberta n’est pas non plus entièrement cohérent.

Bien qu’elle ait imposé un prix du carbone sur les émissions industrielles depuis 2004, M. Leach a déclaré que la province s’opposait à des mesures telles que les normes sur les carburants propres et la réglementation du réseau électrique.

«Il y a simultanément un engagement en faveur de la réduction des émissions et une opposition à toute politique susceptible de réduire les émissions», a-t-il expliqué.

Il a ajouté que l’argument constitutionnel de l’Alberta est plus faible que sa position anti-plafonnement. Bien que la Cour suprême se soit récemment prononcée contre deux initiatives fédérales environnementales, ces décisions n’appuient pas beaucoup l’argument de l’Alberta sur le plafond d’émissions, a-t-il déclaré.

La Cour a statué dans le passé qu’Ottawa pouvait réglementer les gaz à effet de serre. Il est également difficile pour l’Alberta de prétendre que le gouvernement fédéral n’a aucune compétence sur tout ce qui affecte la production, a déclaré M. Leach – la réglementation des pipelines en étant un exemple.

Dans une déclaration envoyée par courriel, Steven Guilbeault a déclaré: «Mettre un plafond sur la pollution est essentiel à la compétitivité à long terme du secteur pétrolier et gazier dans une économie mondiale qui progresse vers zéro émission nette d’ici 2050. Nous continuerons de consulter le secteur à mesure que nous élaborons notre approche. Aucune industrie ne devrait être autorisée à polluer de manière illimitée et nous espérons que le gouvernement de l’Alberta comprendra à quel point cette politique est bénéfique et essentielle pour notre environnement et notre économie.»

Note aux lecteurs: Version corrigée. Dans une dépêche transmise le 6 février sur une dispute entre l’Alberta et le fédéral, La Presse Canadienne avait rapporté que M. Guilbault souhaitait imposer un plafond de 100 mégatonnes aux émissions provenant des sables bitumineux. Dans les faits, le gouvernement fédéral veut imposer un plafond des émissions de 2030 à un niveau inférieur de 35 à 38 % à celui de 2019.

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