La PDG du Musée canadien de l’histoire espère tourner la page sur un passé trouble

Mickey Djuric, La Presse Canadienne
La PDG du Musée canadien de l’histoire espère tourner la page sur un passé trouble

GATINEAU, Qc — Caroline Dromaguet a commencé à travailler au Musée canadien de l’histoire comme guide durant l’été où, étudiante, elle était tombée en amour avec le monde muséal.

Au fil des ans, elle a vu les expositions changer, tout comme son parcours personnel et professionnel. C’est au musée qu’elle a obtenu son premier «emploi d’adulte», et 25 ans plus tard, elle est arrivée au sommet de la hiérarchie.

En décembre dernier, après avoir été présidente et chef de la direction intérimaire pendant deux ans, Mme Dromaguet a été nommée PDG permanente du Musée canadien de l’histoire. Cette société d’État fédérale est responsable à la fois du musée d’histoire, à Gatineau, et du Musée canadien de la guerre, à Ottawa, de l’autre côté de la rivière des Outaouais.

«Je me sens extrêmement choyée», avouait Mme  Dromaguet dans une récente entrevue avec La Presse Canadienne, décrivant sa nomination comme «assez inattendue».

Son prédécesseur, Mark O’Neill, avait démissionné en 2021 à la suite d’allégations de harcèlement en milieu de travail. Il était en congé de maladie depuis l’été 2020, lorsqu’une enquête indépendante a été ouverte.

Mme Dromaguet, première femme francophone à occuper ce poste, est désormais chargée de revoir les politiques du musée, après des années de remous, et de maintenir l’engagement de faire avancer davantage la vérité et la réconciliation avec les Autochtones.

Un rapport publié il y a deux ans montrait que la structure de l’entreprise était «essentiellement axée sur le contrôle» et que les employés n’éprouvaient «aucun sentiment d’appartenance collective au niveau organisationnel».

Le rapport d’évaluation du milieu de travail, commandé par le Musée, a par ailleurs conclu que la culture actuelle de l’entreprise ne favorisait pas l’innovation. Les employés ont aussi décrit de mauvais comportements, notamment «des humiliations, des reproches, des soupçons et de la méchanceté», ainsi que des «actes découlant d’un leadership axé sur la peur».

La pandémie de COVID-19 est arrivée pendant cette période tumultueuse, et Mme Dromaguet admet que le télétravail a encore affaibli la communication et la connexion en personne entre les employés. «Nous avions besoin d’établir un sentiment de confiance entre nous et avec l’organisation», dit-elle aujourd’hui. 

Invoquant les lois sur la confidentialité, Mme Dromaguet a refusé de fournir des détails sur les allégations de harcèlement, le nombre de personnes finalement sanctionnées ou toute éventuelle indemnité de départ versée. 

«Comme tout le monde, j’ai lu (à ce sujet) sur nos plateformes publiques. Personnellement, je ne peux pas parler de cette période. J’étais ici à ce moment-là, mais les résultats sont là et sont accessibles au public», a-t-elle seulement indiqué. Elle refuse également de dire si elle a elle-même été témoin ou victime de harcèlement.

Tolérance zéro sur le harcèlement

Elle était par contre tout à fait disposée à parler de l’approche adoptée depuis par la société pour lutter contre les mauvais comportements. «C’est quelque chose dont nous étions tous responsables», a déclaré la PDG, ajoutant que la société avait défini ses «valeurs fondamentales» en milieu de travail, l’une des six recommandations du rapport d’évaluation d’avril 2021.

«Agir avec intégrité est l’une de ces valeurs, et j’y crois fermement, et personne ne devrait avoir un laissez-passer en matière de (mauvais comportement).»

Les cinq autres recommandations sont aussi mises en œuvre, assure Mme Dromaguet: stabiliser l’équipe de direction; proposer de la formation, de l’encadrement et du perfectionnement professionnel en matière de leadership; créer un sentiment de confiance et d’appartenance collective; définir la culture souhaitée; et lever les obstacles à la diversité et l’inclusion.

Les ressources humaines ont également renouvelé leur politique sur le harcèlement et la violence en milieu de travail.

Par ailleurs, l’organisation s’emploie à restituer des objets aux communautés autochtones, et publiera bientôt les résultats d’un plan triennal axé sur les relations avec les Autochtones et l’adoption de nouvelles politiques.

«J’aime croire que l’aiguille bouge, mais je ne veux pas tout tenir pour acquis. Je pense que nous allons dans la bonne direction, mais c’est un travail continu», a déclaré Mme Dromaguet.

Elle admet que contribuer à une telle transformation culturelle a demandé beaucoup de collaboration et d’écoute de sa part. Elle attribue également à un nouveau programme de «parcours d’expérience des employés» la conduite de nouveaux changements.

«C’est beaucoup de travail. Le changement est difficile. Mais je suis vraiment inspirée de voir cet engagement du personnel et ça semble très positif.»

Alors que le rapport d’évaluation souligne des améliorations, Mme Dromaguet avoue qu’elle a appris que la culture en milieu de travail est aussi importante que la culture affichée sur les murs du musée.

Debout dans le salon Haida Gwaii du Musée canadien de l’histoire, elle montre du doigt son accrochage préféré: «Étoile du matin», d’Alex Janvier, qui orne le dôme de la salle, sept étages plus haut.

Achevé en seulement trois mois en 1993 avec l’aide de son fils Dean, le tableau illustre le point de vue de l’artiste dénésuline sur l’histoire de la Terre que nous habitons et exprime l’espoir d’un respect mutuel. «Ça raconte vraiment une belle histoire d’humains qui cohabitent et vivent ensemble, commente Mme Dromaguet. Je trouve ça inspirant, pour notre travail et notre cheminement vers la réconciliation. C’est une belle inspiration pour moi et un rappel constant.»

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