La FMOQ envoie une mise en demeure au ministre Christian Dubé

Katrine Desautels, La Presse Canadienne
La FMOQ envoie une mise en demeure au ministre Christian Dubé

MONTRÉAL — La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) a envoyé mercredi une mise en demeure au ministre de la Santé, Christian Dubé, car elle juge qu’elle devrait être davantage consultée avant l’application du projet de règlement qui exige notamment la prise en charge de 13 000 patients vulnérables. 

Le cabinet du ministre de la Santé a confirmé que le projet de règlement sera déposé mercredi prochain. Deux éléments majeurs composent ce projet de règlement: la prise en charge de 13 000 patients vulnérables orphelins de médecin de famille et avoir accès aux données de rendez-vous des cliniques médicales. 

Le cabinet a justifié dans un courriel que le ministre de la Santé «a besoin de meilleures données (s’il) veut connaître les besoins de toutes les régions du Québec», précisant qu’il a tenu des rencontres dans les derniers mois avec la FMOQ à ce sujet.

«Une chose est certaine, nous ne ferons pas de compromis sur notre objectif: renforcer la première (ligne) pour améliorer l’accès pour les Québécois», a soutenu le cabinet dans un courriel.

Du côté de la FMOQ, on demande un meilleur dialogue sur ces questions. «On ne comprend pas la sortie du ministre la semaine dernière avec son projet de règlement qui veut contraindre les médecins à prendre des patients vulnérables ou prioritaires», a déclaré en entrevue le Dr Marc-André Amyot, président-directeur général de la FMOQ. 

Il a dit qu’il partageait la même opinion que le ministre Dubé sur le besoin des patients d’avoir accès à des services. «Là-dessus, il n’y a pas de mésentente. Les médecins de famille, ils sont là pour les patients et les patients les plus malades», a-t-il rappelé. 

Le projet de loi 11 du gouvernement Legault adopté en 2022 demandait la prise en charge de 500 000 patients, mais depuis, les médecins de famille ont endossé plus 930 000 patients. 

Dr Amyot se demande pourquoi les 13 000 patients vulnérables n’ont pas été inclus dans la liste des 930 000 patients. «C’est ça qu’on ne comprend pas», commente-t-il. 

Legault demande une prise en charge 

En conférence de presse à L’Assomption vendredi, le premier ministre François Legault a fait valoir que depuis que la Coalition avenir Québec (CAQ) est au pouvoir, 800 000 Québécois de plus ont été pris en charge par un Groupe de médecine de famille (GMF). 

«Maintenant, ce qu’on entend, c’est qu’il y a des personnes qui ont un GMF, mais quand ils veulent voir leur médecin, il n’est pas disponible avant des semaines. Donc, il faut qu’il y ait une prise en charge qui vienne avec les GMF», a-t-il déclaré. 

M. Legault a été critique à l’endroit de la FMOQ. «La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec est un syndicat qui veut le moins de contraintes possible, mais je pense qu’il est temps que les Québécois soient pris en charge par des GMF.» 

Le PDG de la FMOQ a affirmé avoir écrit au sous-ministre dès qu’il a été sensibilisé à l’enjeu des 13 000 patients vulnérables sans médecins de famille afin d’avoir la liste et savoir dans quelle région ils se trouvent. «Silence radio», selon lui. 

«Nous, on est prêt à les prendre en charge, mais on ne l’a pas cette liste», dénonce-t-il. 

La députée Christine Labrie, de Québec solidaire, est d’accord avec l’intention du ministre Dubé de prioriser les patients vulnérables qui sont sur la liste d’attente. «Après, il y a déjà une charge importante qui est sur les épaules des médecins. Ils ne sont pas les seuls professionnels de la santé qui peuvent agir en première ligne. (…) Je pense qu’on gagnerait à élargir les possibilités de professionnels avec lesquels on peut avoir une consultation», a-t-elle ajouté. 

Elle a fait mention des pharmaciens, physiothérapeutes et infirmières praticiennes qui pourraient répondre aux besoins «sans mettre toute la pression sur un seul type de professionnel».

Mal interpréter les données 

Le péquiste Joël Arseneau a dit être du même avis que M. Dubé en ce qui a trait à l’accès aux données des rendez-vous en clinique. «Les médecins, même s’ils sont considérés comme des travailleurs autonomes qui peuvent s’incorporer, ils doivent rendre des comptes au gouvernement et au système de santé», a-t-il affirmé. 

M. Arseneau appelle toutefois à la prudence lorsqu’il s’agit d’interpréter ces données. «Je pense que ça doit se faire dans une perceptive de travail collaboratif. Visiblement, c’est ce que craignent les médecins: de se voir imposer des règles qui n’auraient pas de commune mesure avec les efforts qu’ils font actuellement.»

La FMOQ s’inquiète en effet de l’interprétation des données, même si elle souhaite aussi un plus grand accès. 

Dr Amyot a expliqué que 35 % de l’activité d’un médecin de famille est faite à l’extérieur du bureau. Si son horaire ne donne aucune disponibilité aux patients pendant une période, il se peut qu’il soit demandé en salle d’accouchement, en obstétrique, en soins palliatifs ou à domicile, en CHSLD, etc. 

Dr Amyot a rappelé qu’il manque entre 1500 et 2000 médecins de famille au Québec. «On a un déficit d’attractivité et de valorisation de la profession de médecin de famille», a-t-il déclaré. 

Selon lui, une cinquantaine de postes de formation en médecine familiale sont laissés vacants par les étudiants «parce qu’on menace les médecins de famille de leur imposer des pénalités». 

«Ce n’est pas la façon de faire, s’insurge le Dr Amyot. On n’a pas besoin de menace. Non seulement on ne comprend pas, mais on avait un objectif de 500 000 (patients) et on en a pris 930 000. Pourquoi on menacerait pour 13 000? On va les prendre.»  

Selon Dr Amyot, cela «détourne l’attention des vrais problèmes», notamment la difficulté d’accès aux soins et d’accès aux chirurgies. 

Il a donné l’exemple d’une personne qui serait en attente d’une chirurgie pour un genou. Elle risque d’avoir besoin d’antidouleurs, d’infiltration et parfois même de morphine pour la soulager en attendant son opération. Cette attente sollicite les médecins de famille.

De plus, ils effectuent en moyenne dix heures par semaine pour des tâches administratives. Le Dr Amyot croit que le ministre de la Santé devrait d’abord s’attaquer à ce problème. 

À la suite du dépôt du projet de règlement, les groupes auront une période de 45 jours de consultation pour faire leurs commentaires. 

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