La Chine souhaite améliorer ses relations diplomatiques avec le Canada

Dylan Robertson, La Presse Canadienne
La Chine souhaite améliorer ses relations diplomatiques avec le Canada

OTTAWA — La Chine souhaite améliorer ses relations diplomatiques avec le Canada.

Toutefois, on ignore si Ottawa prêtera l’oreille à l’ode chinoise. Certains experts croient toutefois qu’il existe des raisons pratiques pour améliorer la coopération entre les deux pays.

L’ambassadeur chinois Cong Peiwu dit que pour y parvenir, le gouvernement canadien devra cesser de vouloir  se concentrer sur les désaccords.

Cette année a déjà marqué une reprise des négociations de haut niveau.

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a eu un long appel avec son homologue chinois, Wang Yi, en janvier, suivi d’une rencontre en Allemagne, en février. Ils n’avaient eu qu’une brève conversation en 2023.

Lors des deux réunions, la Chine a exposé ses exigences en faveur de meilleures relations, notamment une acceptation par le Canada de la responsabilité des tensions diplomatiques – comme l’a dit M. Cong, «la responsabilité n’incombe pas à la Chine».

Pékin souhaite également un «respect mutuel», ce qui impliquerait de ne pas reconnaître l’indépendance de Taïwan, et une «coopération gagnant-gagnant», ce qui signifie moins de restrictions commerciales et scientifiques.

Selon Jeremy Paltiel, un professeur de l’Université Carleton, à l’heure actuelle, la pire relation du Canada est celle avec la Chine.

«Les Chinois disent : «Vous n’offrez rien, alors pourquoi devrions-nous jouer le jeu ? Si vous venez juste pour critiquer, alors nous ne sommes pas intéressés»», a-t-il déclaré.

M. Paltiel a indiqué qu’il serait difficile pour Ottawa de trouver un sujet sur lequel travailler ensemble qui n’irriterait pas le public canadien ou le gouvernement américain. Tous deux envisagent de plus en plus la recherche scientifique sous l’angle de la sécurité ou de la propriété intellectuelle, a-t-il affirmé.

Néanmoins, les priorités de Pékin pourraient être exploitées pour devenir quelque chose d’utile pour le Canada, a-t-il suggéré.

Une forme de «coopération gagnant-gagnant» pourrait consister à accepter d’exporter de petites quantités de gaz naturel liquéfié. Les deux pays pourraient qualifier une telle démarche d’axée sur la réduction des émissions mondiales de carbone en offrant à la Chine une autre alternative au charbon.

D’autres pays ont trouvé des moyens de coopérer sans renoncer à leurs valeurs, a soutenu M. Paltiel.

Le premier ministre australien Anthony Albanese est devenu l’automne dernier le premier dirigeant de son pays à se rendre à Pékin depuis sept ans.

Son gouvernement a convaincu la Chine d’abandonner les restrictions commerciales, a noté M. Paltiel, même s’il continue de soulever des questions de droits de la personne avec Pékin et de travailler avec les États-Unis sur les sous-marins nucléaires.

À peu près au même moment, Mme Joly s’est engagée à entreprendre une «diplomatie pragmatique» et à s’engager davantage auprès des États avec lesquels le Canada a de profonds désaccords.

Son bureau a affirmé que cette approche avait été démontrée par sa visite en mars en Arabie Saoudite.

Mme Joly n’a pas indiqué si une visite en Chine était à l’horizon.

L’obstacle de l’opinion publique

Le Conseil d’affaires Canada-Chine affirme que l’industrie canadienne perd du terrain devant ses concurrents américains, australiens et européens, qui s’approprient la part de marché du Canada en Chine pour des produits tels que les aliments pour animaux de compagnie.

Un sondage mené l’automne dernier auprès de 143 entreprises canadiennes a révélé que «l’opinion du public et des entreprises à l’égard de la Chine demeure un énorme obstacle».

Quelque 58 % ont déclaré que le risque que la Chine détienne arbitrairement du personnel affectait toujours négativement leur entreprise, plus de cinq ans après que la Chine a arrêté les Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor à la suite de la détention à Vancouver de Meng Wanzhou, cadre de Huawei.

C’est une baisse par rapport aux 70 % qui ont signalé le problème en 2021.

Vina Nadjibulla, vice-présidente de la recherche à la Fondation Asie Pacifique du Canada et principale défenseure de M. Kovrig pendant sa détention, a déclaré que la Chine avait adopté une posture plus affirmée sur la scène mondiale au moment de l’arrestation des deux Michael, ce qui a forcé Washington à revoir sa position. 

Les États-Unis ont limité leur engagement sur les questions de droits de la personne et de commerce. Le commerce croissant de la Chine avec la Russie, malgré l’invasion de l’Ukraine et l’utilisation par Pékin de ballons de reconnaissance, s’est avéré une provocation supplémentaire dans les années qui ont suivi.

Mais à la mi-2023, l’administration Biden a entrepris des réunions de haut niveau avec ses homologues chinois dans l’espoir de remettre les relations sur les rails, une tendance reproduite par ses alliés européens et australiens.

Ce n’est pas grave si le Canada n’agit pas de manière énergique pour faire de même, a déclaré Mme Nadjibulla.

Elle a souligné que malgré le refroidissement des relations et les irritants persistants – comme les inquiétudes du Canada concernant une prétendue ingérence dans les récentes élections fédérales – le commerce bilatéral du Canada avec la Chine s’est en fait développé ces dernières années.

«Nous devons sortir de ce schéma selon lequel nous devons gagner les faveurs de la Chine pour pouvoir entretenir une relation fonctionnelle, a-t-elle dit. L’état de nos relations avec la Chine est ce qu’il doit être, et elles évoluent dans le sens d’être plus fonctionnelles pour servir nos intérêts.»

Il faut un certain engagement avec la Chine, a affirmé Mme Nadjibulla, sur la sécurité dans la région indopacifique et sur les questions transnationales telles que l’arrêt du flux de fentanyl.

Elle a soutenu qu’Ottawa devrait dénoncer les actions chinoises en mer de Chine méridionale qui portent atteinte aux frontières internationales des Philippines et continuer à soutenir Taïwan.

La Chine considère la démocratie comme une région séparatiste qui doit être placée sous l’autorité de Pékin, et M. Cong a déclaré qu’Ottawa enfreignait une politique de longue date consistant à ne pas intervenir dans la position de la Chine à l’égard de Taïwan.

Mme Nadjibulla a qualifié 2023 d’«année marquante pour les relations Canada-Taïwan» avec une série d’accords signés sur des questions allant de la santé publique à l’investissement.

Elle a déclaré que la présidence canadienne cette année d’un bloc commercial de la région du Pacifique pourrait amener Ottawa à aider Taïwan à entrer dans ce groupe.

«J’espère qu’à mesure que nous stabilisons nos relations avec (Pékin), nous ne perdrons pas de vue le fait que nous devons continuer à approfondir notre engagement avec Taïwan et que nous ne laissons aucune forme de pression ou d’autocensure intervenir dans l’équation», a-t-elle ajouté.

Le député libéral John McKay a soutenu que le Canada devrait aller encore plus loin.

«Notre nation a souvent échoué à adopter une position ferme sur cette question, optant plutôt pour une approche prudente consistant à ne pas offenser le gouvernement chinois», a-t-il déclaré lors d’une conférence organisée le mois dernier par l’Institut pour la paix et la diplomatie.

«Cette réticence à adhérer pleinement aux aspirations de Taïwan non seulement sape nos propres valeurs, mais envoie le message que nous sommes prêts à faire des compromis sur les principes au nom des intérêts économiques.»

La posture fédérale n’a pas empêché Pékin de flirter avec d’autres ordres de gouvernement alors qu’il cherche à reconstruire ses relations au Canada.

Le consul général de Chine à Montréal, Yuming Dai, a déclaré que le premier ministre du Québec, François Legault, serait toujours le bienvenu à Pékin.

«La porte de la Chine reste toujours ouverte», a-t-il écrit dans un courriel à La Presse Canadienne. 

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