Justin Trudeau refuse de céder à Québec les pleins pouvoirs en immigration

Stéphane Rolland, La Presse Canadienne
Justin Trudeau refuse de céder à Québec les pleins pouvoirs en immigration

MONTRÉAL — Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, refuse d’accorder à Québec tous les pouvoirs en matière d’immigration. Le premier ministre François Legault réitère pour sa part que son gouvernement envisage «toutes les options» sans dévoiler son jeu. 

La réponse est «non». Ottawa ne permettra pas le rapatriement des pouvoirs, a tranché M. Trudeau en conférence de presse, vendredi matin, après une rencontre avec M. Legault. «Le Québec a déjà plus de pouvoir en immigration que n’importe quelle autre province, parce que c’est très important de protéger le français.»

«Moi, ce qui m’intéresse, c’est de faire fonctionner le système d’une meilleure façon, ce n’est pas une question de qui a le contrôle de quoi», ajoute-t-il. 

À la suite de leurs rencontres, les deux premiers ministres ont toutefois souligné certains enjeux liés à l’immigration sur lesquels leurs gouvernements sont prêts à travailler, lors de deux conférences de presse distinctes. Ils ont d’ailleurs convenu de se rencontrer à nouveau d’ici le 30 juin pour faire le point.

M. Legault a toutefois réitéré qu’il envisage «toutes les options» pour réduire «rapidement» le nombre de demandeurs d’asile et de travailleurs temporaires au Québec, et ce, avant même la rencontre de juin. 

Le chef caquiste a toutefois refusé d’ouvrir son jeu. «Il est trop tôt pour répondre à  (cette) question.»

Il a qualifié la situation de «très inquiétante». «Il y a urgence d’agir, a déclaré M. Legault. (…) Notre capacité d’accueil est dépassée. Il nous manque d’enseignants. Il nous manque d’infirmières. Il nous manque de logements et ça pose un véritable problème pour l’avenir du français au Québec.»

En vertu d’un accord Canada-Québec signé en 1991, le Québec contrôle le volume d’entrée de ses futurs résidents permanents, les immigrants économiques, ainsi que leur intégration et francisation. L’immigration économique a représenté 66 % de l’immigration permanente en 2022.

Le fédéral s’occupe des réfugiés, de la réunification familiale et des enjeux liés à la citoyenneté.

La revendication des pleins pouvoirs en immigration pour le Québec fait partie du programme nationaliste de la Coalition avenir Québec (CAQ) depuis 2015, mais jamais le parti n’a réussi à obtenir gain de cause.

Devant l’afflux de nouveaux arrivants, le gouvernement du Québec réclame aussi 1 milliard $ au fédéral pour les dépenses engagées dans l’accueil des demandeurs d’asile depuis 2021. Ottawa n’a avalisé que 155 millions $ de la facture et le lieutenant québécois du gouvernement Trudeau, Pablo Rodriguez, a invité Québec à en discuter autour de la table de négociations – d’où cette rencontre au sommet Legault-Trudeau. 

Sans s’engager sur un montant spécifique, M. Trudeau a laissé la porte ouverte aux demandes financières du gouvernement Legault. «On reconnaît que ça met une pression non seulement sur le budget du Québec, mais aussi sur les systèmes de santé, les systèmes d’éducation. C’est pour ça qu’on est là pour travailler avec Québec.»

M. Legault affirme avoir senti une «ouverture» de la part de M. Trudeau sur certaines demandes, notamment l’accélération du traitement des dossiers des demandeurs d’asile et qu’une partie des demandes de renouvellement de la part des travailleurs temporaires soient refusées. 

Il dit avoir observé la même ouverture pour un resserrement des visas des travailleurs étrangers, comme Ottawa l’a déjà fait avec le Mexique et pour que la connaissance du français fasse partie des exigences pour les travailleurs temporaires choisis par Ottawa. 

M. Trudeau, pour sa part, a dit que sa conversation avec M. Legault avait été «extrêmement productive». Il a dit qu’il y avait eu «une montée de l’immigration temporaire partout au Canada».

«On est content de travailler avec le gouvernement du Québec pour reconnaître cette problématique.»

Des discussions sur la santé

Au sujet de la santé, M. Trudeau a dit qu’il pourrait y avoir une entente bilatérale entre Ottawa et Québec au sujet des transferts de santé. «Je suis très confiant qu’avant la fin du mois, on va pouvoir annoncer un accord», assure-t-il. 

Si aucune entente n’est signée d’ici la fin mars, le fédéral a laissé entendre que Québec pourrait perdre près de 1 milliard $ de fonds fédéraux. 

Au sujet des programmes d’assurance médicaments et d’assurance dentaire, Québec et Ottawa sont «en train de discuter (…) sur le comment, si on peut arrimer nos programmes et s’assurer qu’il y ait un partage et un respect des compétences».

«L’important, c’est de s’assurer que les aînés et que les gens vulnérables qui n’ont pas d’assurance dentaire aient accès à des soins dentaires, ajoute M. Trudeau. Je pense qu’on peut tous s’entendre là-dessus.»

M. Legault, pour sa part, a défendu les champs de compétences du Québec. «C’est un des sujets qui a été abordé par M. Trudeau: transfert en santé, assurance dentaire, assurance médicaments. Bon d’abord, ce qui est important, c’est de respecter les compétences du Québec et la santé, c’est un champ de compétence des provinces.»

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