Guilbeault salue le compromis «monumental» à la COP28, mais des ONG sont prudentes

Jordan Omstead, La Presse Canadienne
Guilbeault salue le compromis «monumental» à la COP28, mais des ONG sont prudentes

Le ministre canadien de l’Environnement a qualifié de «monumental» l’accord conclu mercredi à l’issue du sommet des Nations unies sur le climat, qui a convenu pour la première fois de «s’éloigner» des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques.

L’accord approuvé par les quelque 200 pays participants a été salué par certains observateurs comme un tournant historique dans ces négociations mondiales sur le climat — et un compromis plus ferme que la proposition avancée plus tôt cette semaine à Dubaï. 

Nombreux sont ceux qui ont mis en garde contre ce qu’ils qualifient de failles et de distractions dans cet accord. Des lacunes qui pourraient saper au final l’action nécessaire pour respecter l’engagement mondial visant à maintenir l’augmentation de la température à 1,5 degré par rapport aux niveaux préindustriels.

«Ce résultat est monumental (…) La COP28 a donné le ton pour les prochaines années, alors que nous poursuivons nos efforts pour lutter contre la crise climatique», a écrit le ministre Steven Guilbeault sur la plateforme X.

Plus tard en conférence de presse, M. Guilbeault a parlé d’une «entente qui nous donne une chance de nous battre pour maintenir la vision de 1,5 degré Celsius». 

Il s’est réjoui que le «texte final renforce l’importance de la mobilisation des ressources financières provenant de différentes sources». 

Le ministre, qui sort de cette conférence «très optimiste» pour la suite des choses, a également souligné la mise en oeuvre d’un fonds pour les pertes et préjudices face aux changements climatiques. 

«Ce fonds fournira aux communautés et aux pays vulnérables les ressources dont ils ont besoin pour faire face aux pires répercussions des changements climatiques», a-t-il mentionné mercredi soir, heure locale. 

Le Canada y contribuera à hauteur de 16 millions $. 

«Plusieurs lacunes»

Quelques minutes après l’ouverture de la session de mercredi à Dubaï, le président de la COP28, Sultan al-Jaber, a donné son approbation au document central – une évaluation de l’écart entre les cibles et la réalité dans le monde, et la manière de corriger le tir – sans donner aux critiques la possibilité de commenter. Le négociateur en chef d’une coalition de petits pays insulaires a déclaré que son groupe n’était pas présent dans la salle lorsque le président émirati de la COP28 a affirmé que l’accord était conclu.

L’accord de 21 pages demande aux pays signataires d’abandonner les combustibles fossiles dans leurs systèmes énergétiques «en accélérant l’action au cours de cette décennie critique», afin d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050.

En conférence de presse, M. Guilbeault a déclaré que, bien que les accords de la COP n’aient jamais été aussi ambitieux qu’il l’aurait souhaité, c’est la «première fois que nous reconnaissons que nous devons réduire notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles». 

L’élu libéral a affirmé qu’il aurait aimé voir un langage plus fort concernant le charbon, mais a noté que pour certains pays, il était «difficile» de voir le charbon être mentionné.

Liz McDowell, directrice principale des campagnes du groupe environnemental Stand.earth, estime toutefois que l’accord est affaibli par des «distractions dangereuses». Elle souligne notamment que ce compromis laisse la porte ouverte aux soi-disant «combustibles de transition», comme le gaz naturel, et qu’il n’engage pas les pays riches à financer cette transition énergétique.

«De retour au pays, nous sommes déterminés à tenir le gouvernement canadien responsable des engagements qu’il a pris ici à Dubaï pour éloigner notre économie des combustibles fossiles», a déclaré Mme McDowell dans un communiqué.

Le gouvernement canadien a fait plusieurs annonces au cours de ce sommet de deux semaines. Ottawa a ainsi dévoilé son plafond d’émissions pour l’industrie pétrolière et gazière, et son projet de réglementation visant à réduire considérablement les émissions de méthane de ce secteur.

L’accord de mercredi est allé plus loin qu’un projet d’accord qui avait provoqué un tollé en début de semaine à la COP28. Cette proposition préparée par la présidence de cette COP ne faisait aucune mention d’une réduction ou d’une élimination progressive des combustibles fossiles, appelant plutôt les pays à réduire la consommation et la production de combustibles fossiles «d’une manière juste, ordonnée et équitable».

M. Guilbeault s’est dit «très déçu» par la première mouture. Le Canada a alors travaillé avec une coalition d’autres pays pour préparer un texte à présenter à la présidence. 

Son rôle de co-facilitateur lui a permis de «rencontrer souvent» le président de la COP28, M. Al-Jaber, et «a donné au Canada un rôle important dans ces négociations», a indiqué le ministre fédéral aux journalistes.

Catherine Abreu, une voix importante dans les milieux politiques canadiens en matière de climat, a déclaré que l’accord de mercredi marquait «un tournant extraordinaire» pour les négociations qui, depuis 30 ans, se concentraient sur les émissions, mais pas sur leur cause. 

Il y a deux ans, le projet d’accord issu du sommet de Glasgow était le premier à mentionner l’utilisation des combustibles fossiles, mais en la limitant au charbon. L’accord de Dubaï constitue donc le premier texte négocié portant sur tous les combustibles fossiles, après l’échec d’une tentative similaire lors du sommet de l’année dernière en Égypte.

Mais Mme Abreu a également souligné ce qu’elle appelle certaines des lacunes de l’accord, comme le fait de demander uniquement une suppression progressive des subventions «inefficaces» aux combustibles fossiles.

«Nous veillerons à ce que les pays les plus responsables de la crise climatique, comme le Canada, qui ont le plus profité de la destruction de notre atmosphère grâce à la production de combustibles fossiles, paient pour la transition énergétique», a écrit dans un communiqué Mme Abreu, directrice de «Destination Zero», un organisme sans but lucratif qui oeuvre pour la justice climatique et les transitions vers les énergies renouvelables.

Danielle Smith rassurée

La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, l’une des deux seules dirigeantes de provinces canadiennes à assister aux négociations, a déclaré mercredi qu’elle était encouragée par le succès de l’Alberta et de la Saskatchewan à repousser «les voix de ceux qui étaient obsédés» par l’élimination progressive du pétrole et du gaz naturel. Elle a affirmé que la «position extrême» avait été rejetée lors de la conférence.

Le document convenu mercredi constitue un élément central de l’accord de Paris de 2015, qui oblige les pays à évaluer périodiquement leurs engagements pour limiter le réchauffement au seuil de 1,5 degré, afin d’éviter certains des impacts les plus catastrophiques du changement climatique. Le sommet de Dubaï a marqué la fin du premier processus de «bilan mondial» prévu par l’accord de Paris.

Jusqu’à présent, la planète s’est réchauffée d’environ 1,2 degré depuis le milieu des années 1800 et les scientifiques s’attendent à ce que cette année soit la plus chaude jamais enregistrée.

Le bilan mondial souligne que les pays sont loin d’être sur la bonne voie pour réduire leurs émissions conformément à la cible. Selon les engagements nationaux actuels, les émissions mondiales de gaz à effet de serre devraient diminuer de 2 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019. Pour tenter d’atteindre la cible de 1,5 degré, l’accord reconnaît qu’il faut adopter des réductions «profondes, rapides et durables» des émissions mondiales de 43 % d’ici 2030 et de 60 % d’ici 2035.

Pour accélérer cette transition, l’accord prévoit de tripler la capacité d’énergie renouvelable et de doubler le taux annuel d’efficacité énergétique d’ici 2030.

– Avec des informations de l’Associated Press

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