Étude de l’ISQ: 56 % des ados participants ont vécu de la violence en sport à l’école

Katrine Desautels, La Presse Canadienne
Étude de l’ISQ: 56 % des ados participants ont vécu de la violence en sport à l’école

MONTRÉAL — Plus de la moitié des élèves du secondaire sondés dans une étude de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) ont subi de la violence dans les milieux sportifs au Québec, notamment de la violence physique, psychologique ou à caractère sexuel. 

Cette étude dont les résultats ont été dévoilés jeudi a été menée auprès de 19 642 jeunes de 14 ans et plus issus des écoles publiques et privées de la province. De cet échantillon, 47 % pratiquent un sport organisé. 

Les données recueillies montrent que 56 % des répondants ont subi une forme de violence de la part d’une personne en position d’autorité ou d’un pair depuis le début de leur parcours sportif.

Lorsqu’on parle d’une personne en position d’autorité dans le parcours sportif d’un élève, il peut s’agir d’un professeur, un entraîneur, un préparateur physique, des membres de l’équipe médicale, etc. «Ça peut être tout intervenant qui est en contact avec le jeune durant sa pratique sportive», a expliqué Sylvie Parent, chercheuse à la Chaire de recherche Sécurité et intégrité en milieu sportif de l’Université Laval.

Toutes formes de violence confondues, 40 % des adolescents ont été victimes d’au moins un geste de la part d’une personne en situation d’autorité. 

L’ISQ met en garde que les résultats de cette étude ne peuvent pas être transposés à l’ensemble des jeunes du secondaire pratiquant un sport. Il s’agit d’un portrait sur une situation pour combler un manque d’information sur cette problématique. 

«On a un grand besoin de données et dans les dernières années il y a eu des constats et des écrits à ce sujet comme quoi c’est bien beau vouloir faire des politiques, des programmes de prévention et d’intervention, mais on n’a pas de chiffres», a mentionné Jasline Flores, coordonnatrice aux enquêtes de santé de l’ISQ. L’Institut a été interpellé par des experts de ce domaine et le ministère de l’Éducation pour remédier à cette lacune d’informations. 

Le type de violence le plus rapporté par les élèves est celui de la violence psychologique ou de négligence. Plus du quart ont dit avoir vécu ces genres de violence de la part d’une personne en situation d’autorité. 

Dans sa présentation des résultats, l’ISQ donne en exemple que certains adolescents ont pu avoir été rejetés volontairement, critiqués de manière excessive, entre autres sur leurs performances, ou encore avoir fait l’objet d’injures ou d’actions les ayant humiliés ou ridiculisés.

«Dans toutes les études qu’on a à travers le monde, la violence psychologique ressort comme la forme de violence la plus fréquente», a commenté Mme Parent. Selon elle, il faudrait interpeller les autorités pour creuser sur l’impact que la violence psychologique peut avoir sur les autres formes de violence. 

«Ça passe aussi par diverses stratégies de prévention parce qu’on sait que c’est ancré dans les façons de faire (…) il faut revoir peut-être les outils qui sont disponibles pour faire autrement», ajoute-t-elle.

L’étude révèle également que 16 % des jeunes sportifs sondés ont connu de la violence «instrumentale» de la part de personnes en position d’autorité. Cela inclut de forcer ou demander à un élève d’utiliser des moyens pour qu’il ou elle atteigne le poids idéal dans son sport (exemple: jeûne total; vomissements; pilules amaigrissantes; produits diurétiques, laxatifs ou anabolisants).

Demander à un jeune de restreindre ses liens avec son réseau social pour qu’il s’investisse mieux dans son sport ou encore lui demander de s’entraîner ou le forcer à le faire malgré une blessure connue ayant une contre-indication médicale sont d’autres exemples de violence «instrumentale». 

Mme Parent explique que tout type de violence, peu importe dans quel milieu il est vécu, a des répercussions sur les victimes. Le sport à l’école n’y fait pas exception. On voit que les jeunes auront tendance à décrocher du sport, avoir une plus faible estime de soi ou une détresse psychologique, entre autres. 

Violences sexuelles, pas seulement en sport d’élite

Parmi les sportifs ayant participé à l’étude, 11 % ont été victimes d’au moins un geste de violence physique venant d’un individu responsable (13 % des garçons et 9 % des filles). Également, 8 % ont été victimes d’au moins un geste de violence sexuelle de la part d’une personne en situation d’autorité (9 % des filles et 6 % des garçons).

Les violences sexuelles ont aussi été commises par des pairs: 14 % en ont été victimes (16 % des filles et 11 % des garçons). 

Concernant la violence sexuelle, Mme Parent a indiqué que des études précédentes pointent dans le même sens que ces données. Ce qui a davantage surpris la chercheuse, ce sont les âges auxquels ces événements sont survenus.

Pour les gestes perpétrés par les coéquipiers, 25 % ont été vécus pour la première fois à l’âge de 10 ans ou avant; 40 % entre 11 et 13 ans; 36 % chez les jeunes de 14 ans ou plus. 

Du côté des personnes en situation d’autorité, 28 % des gestes à caractère sexuel ont été subis par des jeunes de 10 ans ou moins; 33 % de 11 à 13 ans; 39 % à l’âge de 14 ans ou après. 

«Ça vient enlever toute la perspective des gens qui pensent souvent que c’est des athlètes d’élite qui vivent cela. (…) Peu importe le niveau sportif, ça transcende l’ensemble, et ce sont des éléments importants à adresser», affirme Mme Parent. 

Un suivi nécessaire 

Mme Flores fait valoir que de commencer à mesurer la violence dans les milieux sportifs des écoles du Québec sert à tracer la voie pour de futures enquêtes. «C’est un point de départ, mais il faudrait pouvoir le répéter à intervalle régulier pour voir l’évolution du phénomène, mais il faut le mesurer de la même façon. Après, on pourra appuyer nos programmes sur des données plus fiables», dit-elle. 

Pour effectuer une prochaine étude sur le même enjeu, l’ISQ doit recevoir un mandat de la part d’une organisation ou d’un ministère, précise-t-elle. 

Mme Parent estime qu’une étude de suivi permettra d’évaluer adéquatement quel type d’intervention fonctionne. 

Selon la chercheuse, le Québec «est un leader» sur le plan de la recherche et des interventions en comparaison avec d’autres pays. Elle souligne au passage que le premier Congrès international sur la recherche en sport sécuritaire aura lieu au Québec l’année prochaine. 

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

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