Énergies fossiles: des scientifiques pressent Ottawa d’imposer un plafond au plus tôt

Stéphane Blais, La Presse Canadienne
Énergies fossiles: des scientifiques pressent Ottawa d’imposer un plafond au plus tôt

MONTRÉAL — Des scientifiques et universitaires exhortent le gouvernement Trudeau à presser le pas et à imposer dès 2025 un plafond sur les émissions du secteur des énergies fossiles.

Devant l’imminence de la saison des incendies de forêt, plus de 200 scientifiques et universitaires ont expédié une lettre au ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, mardi, pour signaler l’urgence d’imposer un plafonnement aux compagnies pétrolières et gazières.

Ils estiment qu’il faut plafonner les émissions de ces industries en 2025 «au plus tard», donc ce qui nécessite, selon eux, que le projet de règlement soit publié avant cet été.

«Si ce n’est pas cet été, ce sera au début de l’automne», a répondu le ministre de l’Environnement mardi, dans un échange avec La Presse Canadienne.

«On travaille fort pour y arriver», a indiqué Steven Guilbeault qui soutient qu’à sa connaissance, le Canada est le seul pays producteur de pétrole au monde à «mettre en place ce genre de mesures».

Alors, a-t-il ajouté, «il faut un peu inventer le modèle, donc c’est sûr que ça prend un peu plus de temps que ce que je souhaiterais».

La «meilleure» mesure

Selon les signataires de la lettre, «il n’y a pas de meilleure réponse au problème croissant des émissions du Canada» que le plafonnement des émissions du secteur des énergies fossiles.

«Aucune autre politique gouvernementale n’aurait un impact aussi concret sur notre avenir climatique que la réelle réduction des émissions du secteur des énergies fossiles canadien», a indiqué Amy Janzwood, professeure associée au Département de science politique et à l’École d’environnement de Bieler, de l’Université McGill.

Les signataires réclament en outre d’éliminer «toutes les échappatoires actuellement prévues dans le cadre publié en décembre dernier».

Le gouvernement fédéral a annoncé en décembre un cadre réglementaire pour plafonner les émissions de gaz à effet de serre du secteur pétrolier et gazier, afin que les industries les réduisent d’au moins le tiers d’ici 2030.

Le système de plafonnement et d’échange proposé vise à limiter la pollution, et non pas la production, et il prévoit des assouplissements «afin de répondre à la demande mondiale de pétrole et de gaz».

Le gouvernement fédéral propose de plafonner les émissions en 2030 de 35 à 38 % sous les niveaux de 2019, mais en réalité, si l’on tient compte des assouplissements, l’industrie pourra produire ses niveaux d’émissions de 20 à 23 % sous les niveaux de 2019, à condition que les entreprises achètent des crédits de compensation ou qu’elles contribuent à un fonds de décarbonation.

Selon les scientifiques et universitaires qui ont signé la lettre, ces assouplissements ne permettront pas vraiment de diminuer les émissions.

«Permettre tous ces passe-droits, c’est tout simplement autoriser les compagnies pétrolières et gazières à acheter leur droit de polluer plutôt que de réduire leurs émissions réelles. Cela serait un échec pour le Canada dans l’atteinte de ses objectifs pour 2030 ou 2050», a déploré Éric Pineault, professeur à l’Institut des sciences de l’UQAM.

Le ministre ne partage pas cet avis.

«Même quand j’étais chez les écologistes, je n’étais pas d’accord avec ce point de vue», a indiqué le ministre Guilbeault.

Il croit que les entreprises soumises au plafonnement «vont d’abord et avant tout investir dans la réduction à la source» des GES.

Acheter des crédits compensatoires «vient avec un coût énorme», alors «c’est sûr qu’ils vont le faire de façon limitée», a expliqué le ministre de l’Environnement.

Les signataires font valoir que la prochaine décennie sera cruciale pour réduire les émissions et maintenir l’augmentation de la température à 1,5 degré Celsius.

«Notre climat ne supportera pas de retard supplémentaire: des feux de forêt aux inondations, en passant par les vagues de chaleur extrême, les Canadiens et Canadiennes subissent déjà les effets dévastateurs du changement climatique», soulignent-ils dans la lettre.

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