Des parents condamnés à travailler pour le bien de leur enfant à besoins particuliers

Ugo Giguère, La Presse Canadienne
Des parents condamnés à travailler pour le bien de leur enfant à besoins particuliers

MONTRÉAL — Avoir un enfant est un engagement pour la vie. Lorsque cet enfant a des besoins particuliers, en raison d’un handicap physique, intellectuel ou d’un trouble du spectre de l’autisme, par exemple, cet engagement devient d’autant plus prenant. Pour ces parents, le poids financier de prendre soin de leur enfant peut même les forcer à mettre une croix sur la retraite.

La chercheuse Mireille Chaumont-Goneau s’est intéressée à la situation financière de parents de jeunes adultes qui dépendent d’eux en raison de besoins particuliers. Elle cherchait à connaître leur perception de la retraite ainsi que les différences entre les pères et les mères dans leur planification financière.

L’étudiante à la maîtrise en études des populations a présenté le fruit de son travail lundi dans le cadre d’un midi-conférence dans les locaux de l’Institut national de recherche scientifique (INRS). Parmi les constats qui ressortent de ses entretiens avec dix couples hétérosexuels québécois vivant avec leur enfant d’âge adulte ayant des besoins particuliers, elle révèle que la moitié d’entre eux ne croit pas pouvoir cesser de travailler après l’âge de 65 ans.

Pour ces gens qui doivent parfois fournir des soins, en plus de subvenir aux besoins de base de leur enfant, la retraite ne fait pas partie des choix qui s’offrent à eux. La nécessité d’un revenu d’emploi les oblige à demeurer sur le marché du travail.

Malgré tout, la chercheuse dit ne pas percevoir de détresse, mais plutôt être témoin d’une grande résilience chez ces familles. «Les parents s’adaptent à la situation, ils foncent et ils font tout pour que leur enfant soit bien», résume-t-elle.

Selon ce qu’a pu observer Mme Chaumont-Goneau dans le cadre de ses travaux, élever un enfant à besoins particuliers entraîne d’importants impacts financiers pour la famille. On parle de pertes d’heures travaillées, de freins à l’avancement de la carrière, voire même de changement d’emploi ou de cessation d’emploi pour demeurer à la maison.

Ces conséquences affectent d’ailleurs les femmes de manière disproportionnée, souligne la chercheuse, dont les résultats démontrent que les mères héritent majoritairement du fardeau des soins, des tâches domestiques et des tâches organisationnelles de la famille.

De plus, les coûts associés aux besoins particuliers de l’enfant entraînent des dépenses plus élevées qui plombent davantage la santé financière de la famille. Certains ont dû s’endetter ou non toujours pas fini de payer leur prêt hypothécaire. Ainsi, les parents parviennent difficilement à accumuler des économies en vue de la retraite.

Pour ajouter au problème, les parents qui rêvent d’une retraite doivent épargner pour trois et non seulement pour deux, car même à l’âge adulte leur enfant demeure dépendant et nécessite les mêmes soins.

Dans certains cas, des parents prévoient même de verser de l’argent dans un fonds visant à assurer un revenu à leur enfant afin qu’il puisse subvenir à ses besoins après leur décès. Cela vient à nouveau limiter leur capacité à planifier leur retraite.

À l’aide!

Mireille Chaumont-Goneau retient de ses rencontres un appel à l’aide lancé par ces parents souvent laissés à eux-mêmes. Plusieurs ont déploré un manque de soutien et surtout un manque d’information. Plusieurs participants ayant assisté à la conférence ont martelé le fait que les familles doivent se battre constamment pour obtenir de l’aide ou simplement pour découvrir que des programmes existent sans jamais en avoir été informés.

Elle souligne que la proche aidance est payante pour l’État. «Certains participants ont dit qu’ils aimeraient avoir une aide financière plus importante. Ils aimeraient que ce soit pris en compte que le gouvernement fait des économies quand leur enfant n’est pas en CHSLD», mentionne-t-elle.

Au-delà de l’argent, c’est surtout le répit que recherchent les parents. Ils n’ont pas hésité à parler ouvertement de leur épuisement avec Mme Chaumont-Goneau. La chercheuse espère d’ailleurs que ses travaux puissent mener à des changements afin d’offrir un meilleur accompagnement aux parents d’enfants à besoins particuliers.

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