Des manifestants propalestiniens se disent calomniés par les politiciens canadiens

Alessia Passafiume, La Presse Canadienne
Des manifestants propalestiniens se disent calomniés par les politiciens canadiens

OTTAWA — Les organisateurs d’une manifestation propalestinienne qui a perturbé une réception du week-end mettant en vedette le premier ministre Justin Trudeau affirment qu’ils sont injustement diffamés.

L’événement, qui devait inclure la première ministre italienne Giorgia Meloni, a été brusquement annulé lorsque des manifestants ont bloqué les entrées du Musée des beaux-arts de l’Ontario.

La police de Toronto a déclaré qu’il n’y avait eu aucun blessé lors de la manifestation d’environ 400 participants et qu’aucune arrestation n’avait été effectuée, mais des enquêtes sont en cours.

Dalia Awwad, organisatrice du groupe connu sous le nom de Mouvement de la jeunesse palestinienne, a accusé les élus de diffamer intentionnellement les manifestants dans le but d’éviter de parler de la position du Canada sur la guerre entre Israël et le Hamas.

«C’est aussi une tentative des politiciens de détourner le discours du rôle qu’ils ont joué dans le génocide», a affirmé lundi Mme Awwad.

Il s’agit d’une tentative, a-t-elle poursuivi, «de faire en sorte que ces manifestations soient le problème alors que le problème est le rôle que joue ici l’État canadien».

Le gouvernement canadien ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si Israël commet un génocide dans la bande de Gaza, une affaire que l’Afrique du Sud a défendue devant le plus haut tribunal de l’ONU.

Les libéraux fédéraux ont déclaré qu’ils croyaient en la Cour internationale de Justice en tant qu’institution et qu’Israël devait faire ce qu’il pouvait pour limiter les pertes civiles, tout en condamnant le Hamas pour son attaque contre Israël.

La guerre a commencé après les attaques du 7 octobre, au cours desquelles des militants ont tué 1200 personnes et pris 250 autres en otages. Depuis lors, les forces israéliennes ont bombardé le territoire palestinien contrôlé par le Hamas, et le ministère de la Santé de Gaza affirme que 30 000 Palestiniens sont morts dans un contexte d’aggravation de la crise humanitaire.

Des manifestations ont eu lieu fréquemment partout au Canada ces derniers mois. Des groupes juifs et musulmans avertissent qu’ils constatent une augmentation des comportements haineux, alors que la police signale une augmentation des crimes motivés par la haine.

Lors de la manifestation de samedi à Toronto, des manifestants ont bloqué les entrées de la galerie d’art et empêché de nombreux participants d’y entrer. Ni M.Trudeau ni Mme Meloni ne sont entrés dans la salle, qui a été brièvement fermée. Le ministre du Développement international, Ahmed Hussen, a tenté d’entrer par l’entrée principale, mais les manifestants lui ont bloqué le chemin et l’ont suivi pendant deux pâtés de maisons alors qu’il était flanqué de policiers et qu’il tentait d’entrer dans un endroit plus sécurisé.

Certains manifestants ont directement confronté M. Hussen, affirmant qu’il était honteux qu’il se qualifie de musulman. «Vous êtes complice du génocide. Vos mains sont rouges. Vous êtes complice du meurtre des membres de ma famille et de mes amis», lui a dit un manifestant.

Clivages

Dans une publication diffusée dimanche sur les réseaux sociaux, l’ancien ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a qualifié les manifestants de la galerie de «voyous» antisémites.

La galerie «n’était pas sécurisée. Et c’était leur objectif. Ils ne veulent pas que leurs concitoyens canadiens se sentent en sécurité», a déclaré M. Mendicino dans une série de messages sur X.

«Vous enfreignez la loi, vous devriez être arrêté, accusé et poursuivi. (…) Ces voyous pensent avoir remporté une victoire la nuit dernière, mais tout ce qu’ils ont fait, c’est perdre le soutien du public et se mettre dans l’embarras. Il est temps que cette folie cesse.»

Amira Elghawaby, la représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie, a dénoncé une «ruée constante» pour présenter les manifestations propalestiniennes comme une menace à la sécurité publique.

Agir ainsi «est à la fois erroné et dangereux, tout comme les tentatives visant à obscurcir les faits sur les raisons pour lesquelles des manifestations pacifiques ont lieu», a-t-elle commenté, lundi, sur les réseaux sociaux.

Deborah Lyons, l’envoyée du Canada pour la lutte contre l’antisémitisme, a qualifié l’annulation de «résultat direct d’une soumission aux exigences irrationnelles d’une cohorte incontrôlable et bruyante, alimentant leur détermination».

Michael DeForge, organisateur de la section torontoise des Écrivain.es contre la guerre en Palestine, a déclaré qu’il s’agissait d’une victoire dans le cadre des efforts visant à obtenir un changement de cap de la part des politiciens.

Il a affirmé que Justin Trudeau était «complice de la mort des Palestiniens».

M. DeForge a également décrit Mme Meloni comme une «figure de proue du nationalisme d’extrême droite» et quelqu’un qui «a soutenu le génocide des Palestiniens».

Giorgia Meloni et Justin Trudeau ont tous deux plaidé en faveur d’une solution à deux États au conflit, dans laquelle un État palestinien indépendant existerait aux côtés d’Israël.

L’Italie a également travaillé de concert avec les pays du G7 pour lutter contre le meurtre de civils palestiniens.

Une manifestation devant l’hôpital Mount Sinai, à Toronto, le mois dernier, a suscité une large condamnation de la part des critiques qui considéraient l’emplacement comme un choix délibéré.

Dans une déclaration écrite commune, les trois groupes qui ont organisé la marche ont nié les accusations d’antisémitisme.

«Nous condamnons les politiciens canadiens qui présentent à tort la manifestation comme ciblant l’hôpital», ont écrit les groupes dans un communiqué.

Zoe Newman, une organisatrice de l’association Jews Say No to Genocide, était présente lors de la manifestation de samedi et a contesté le fait qu’elle soit qualifiée d’antisémite.

«Il est très troublant de voir l’antisémitisme utilisé d’une manière qui en altère et déforme le sens», a-t-elle déclaré lundi dans une entrevue. «Trudeau rencontre quelqu’un dont les opinions sont étroitement liées à l’antisémitisme et ce n’est pas considéré comme antisémite, mais notre manifestation est antisémite.»

Elle a soutenu que cette formulation renvoie au racisme anti-palestinien qui présente tous les Palestiniens comme violents et dangereux.

Mme Newman a souligné que, puisque les manifestations propalestiniennes ont été qualifiées d’antisémites, les autres manifestants appréciaient sa présence, en particulier lorsqu’elle porte des vêtements qui montrent clairement qu’elle est juive.

«Je trouve que c’est une chose incroyablement puissante lors d’une manifestation, a-t-elle dit. Cela peut donner à certaines personnes un réel sentiment de sécurité», en particulier lorsque les critiques du gouvernement israélien sont confondues avec les critiques de l’ensemble du peuple juif.

«La présence là-bas de quelqu’un qui est juif et qui parle en tant que juif peut contribuer à compliquer ce récit.»

— Avec des archives de Sonja Puzic.

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