Des groupes de lutte contre le cancer exigent un responsable du cancer à Santé Québec

Katrine Desautels et Enzo Trouillet, La Presse Canadienne
Des groupes de lutte contre le cancer exigent un responsable du cancer à Santé Québec

MONTRÉAL — Devant la hausse du nombre de Québécois qui sont diagnostiqués d’un cancer, plusieurs groupes dédiés à la lutte contre le cancer exhortent le gouvernement provincial à mettre sur pied un plan d’action avec des objectifs mesurables et des fonds dédiés.

La Fondation québécoise du cancer, la Société de recherche sur le cancer, Leucan et PROCURE ont dévoilé vendredi matin leur mémoire intitulé: «Le cancer n’attend pas: la future agence Santé Québec doit agir!»

Selon les estimations de la Fondation québécoise du cancer, en 2023, ce sont 67 548 Québécois qui ont reçu un diagnostic de cancer, soit 185 nouveaux cas par jour. Ce nombre est en hausse depuis plusieurs années et cette tendance risque de se poursuivre, notamment en raison du vieillissement de la population, indique-t-on dans un communiqué commun.

La fondation évalue que l’an dernier, 22 500 personnes ont succombé à un cancer dans la province, soit 62 décès par jour.

Les groupes réitèrent leur demande d’octobre dernier d’avoir un plan d’action de lutte contre le cancer chiffré. Vendredi, ils ont fait huit recommandations claires pour que le gouvernement Legault agisse au plus vite.

D’abord, ils lui demandent de nommer un vice-président responsable de l’axe cancer au sein de la future agence Santé Québec. 

Marco Décelles, directeur général de la Fondation québécoise du cancer, a fait savoir qu’il avait eu une rencontre sur le sujet en février avec le ministre de la Santé, Christian Dubé. «Je lui ai mentionné notre grande volonté de voir cela. On a eu un échange de deux ou trois minutes par la suite, il éprouvait certaines réticences, a-t-il affirmé. Mais je n’abandonne pas et c’est pour cela qu’on prend la parole ce matin, ce n’est pas encore tout ficelé, c’est encore le bon moment de les influencer positivement.»

Le cabinet du ministre Dubé n’a pas démenti que M. Dubé avait certaines réticences à nommer une personne responsable de l’oncologie à Santé Québec. 

Accueil favorable aux recommandations

Dans un courriel à La Presse Canadienne, le cabinet a indiqué qu’«au cours des prochaines années, les équipes du ministère responsables des orientations en prévention des cancers continueront d’assurer le suivi de ces orientations avec les équipes de Santé Québec, qui assureront un suivi étroit de leur implantation sur le terrain, notamment en matière de dépistage et de collaboration avec les organismes partenaires». 

De manière générale, le cabinet a dit qu’il accueillait favorablement les pistes de solution présentées par les organismes de lutte contre le cancer, notamment en ce qui a trait à la disponibilité d’autotests et l’accès aux données.

En conférence de presse, vendredi, M. Décelles a insisté sur le fait qu’il faut un responsable du cancer pour s’occuper des défis spécifiques à cette maladie, qui reste la première cause de mortalité au Québec. 

«Présentement, on est tous conscients d’un problème dans la trajectoire en cancérologie, a déclaré M. Décelles. On voudrait avoir un haut gradé de la future agence Santé Québec qu’on va pouvoir directement interpeller lorsqu’il y aura des problématiques très pointues en termes de cancérologie. On est témoin, on voit des choses et là, malheureusement, ça passe par tous les CISSS et les CIUSSS. S’il y a quelqu’un au-dessus de ces gens-là qui peut recevoir ces commentaires et avoir le pouvoir décisionnel de les adresser, c’est inévitable que ça va avoir une amélioration, selon nous.»

«La recherche est un investissement, pas une dépense»

Pour les organismes, un meilleur traitement du cancer passe inévitablement par des innovations sur le sujet.

«Il faut investir en recherche, ça va avoir un impact direct sur la diminution des taux de mortalité. L’un ne va pas sans l’autre, c’est la seule et unique manière d’arriver à un impact concret», a attesté Manon Papin, présidente et cheffe de la direction de la Société de recherche sur le cancer.

Afin de permettre aux chercheurs d’avoir toutes les cartes en main pour innover, une augmentation du budget de la recherche ainsi que  des bourses est conseillée dans le mémoire.

«Le cancer n’attend pas, mais nous on attend, les chercheurs attendent désespérément d’avoir une augmentation pour faire avancer la recherche. (…) Miser sur la recherche et l’apprentissage est un investissement, pas une dépense», a déclaré Mme Papin.

Cette innovation passe par des chercheurs aguerris, mais aussi les étudiants, sur lesquels comptent également les organismes. Ils réclament ainsi une augmentation de l’enveloppe allouée aux bourses d’études et pensent que Québec devrait prendre exemple sur le gouvernement fédéral qui a augmenté la somme des bourses dans son dernier budget dévoilé le 16 avril.

«Au Québec pour une bourse de doctorat c’est 25 000 $ par année et postdoctorat 45 000 $. Au fédéral, via le nouveau budget, au doctorat, 40 000 $ et 70 000 $, alors on peut faire du rattrapage», a comparé Mme Papin.

Cela permettrait à la province de garder plus facilement les jeunes chercheurs québécois.

«Soutenir les jeunes scientifiques ici au Québec, c’est éviter l’exode des cerveaux, c’est affirmer notre pouvoir d’influence dans la recherche contre le cancer à l’échelle mondiale», a rappelé Mme Papin.

Ces innovations ont par exemple comme objectif d’aider le dépistage du cancer. Pour cela, les autotests doivent être disponibles facilement, selon les organismes.

«Moi je me dis: comment c’est possible que personne, aujourd’hui, ne se lève pour dire «au lieu d’investir dans d’autres technologies, pourquoi on ne prend pas celle (d’ici), qui est simple?»», s’étonne M. Décelles.

Du côté du cabinet du ministre de la Santé, on rappelle que des actions ont été entreprises pour favoriser l’accès au dépistage.

«Depuis l’annonce de l’élargissement du programme de dépistage du cancer du sein en février dernier, plus de 25 000 personnes ont déjà pris rendez-vous pour un dépistage du cancer colorectal. Il s’agit d’avancées concrètes qui s’inscrivent dans les priorités du Plan santé afin de miser davantage sur la prévention.»

Parmi les autres recommandations, les organismes veulent que Québec identifie un objectif chiffré de réduction du taux de mortalité liée au cancer dans la province d’ici 2035. 

Ils ont également fait valoir qu’il faut allouer un budget dédié à la recherche fondamentale et clinique sur le cancer ainsi qu’inclure des mesures pour les cancers rares dans le plan d’action du Québec en cancérologie.

De plus, les systèmes informatiques devraient être uniformisés et les données des patients atteints du cancer centralisées afin de diminuer les délais d’attente de résultats et assurer un meilleur suivi tout au long de la trajectoire de soins.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

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