Contributions à la caisse caquiste: le PQ demande une enquête

Patrice Bergeron, La Presse Canadienne

QUÉBEC — Le Parti québécois réclame une enquête du Directeur général des élections (DGEQ) pour «stratagème de remboursement caché» sur le financement de la Coalition avenir Québec (CAQ).

On apprenait dans les médias de Québecor mercredi que la municipalité de Saint-Louis-du-Ha! Ha! avait remboursé illégalement deux dons versés à la CAQ par sa mairesse et sa directrice générale pour discuter avec la ministre Andrée Laforest lors d’une soirée de financement.

Cela fait suite à toute une série de révélations sur les collectes de fonds de la CAQ en janvier et février qui ont mené François Legault à renoncer au financement public pour son parti. 

«C’est certain que si ça s’est fait comme ça, il faut (que la mairesse et la directrice générale remboursent) la municipalité», a reconnu la ministre Laforest. Selon elle, il n’y avait aucune ambiguïté que c’était écrit qu’il s’agissait d’un cocktail de financement de son parti sur l’invitation. Elle a ajouté que les élus ont suivi une formation en éthique et un guide d’éthique. 

Dans une lettre transmise au directeur général des élections, Jean-François Blanchet, la présidente du PQ, Catherine Gentilcore, rappelle que selon la loi, «toute contribution doit être versée par l’électeur lui-même à même ses propres biens et ne peut faire l’objet d’un remboursement». 

Mme Gentilcore demande au DGEQ d’effectuer «une vérification sur la conformité des contributions effectuées (à la CAQ) par des maires et mairesses, conseillers et conseillères et par de hauts fonctionnaires municipaux».

«Remboursement caché»

Qui plus est, la dirigeante du PQ soupçonne un «stratagème de remboursement caché». 

La directrice générale de Saint-Louis-du-Ha! Ha! soutient en effet dans l’article que si elle avait voulu cacher la contribution, elle aurait fait comme d’autres municipalités et l’aurait inscrite dans les frais de déplacement.

«La simple évocation de l’existence d’une telle pratique est en soi très grave et mérite à notre avis votre attention», écrit Mme Gentilcore à M. Blanchet.

«Si un tel stratagème est effectivement utilisé, cela signifie que de nombreuses contributions auraient possiblement été faites en contradiction avec les règles de financement des partis politiques», craint-elle. 

Le DGEQ enquête déjà sur le versement par un couple endeuillé de dons de 200 $ à la CAQ pour pouvoir rencontrer la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, dans sa croisade contre l’alcool au volant. 

Rappelons que depuis le 23 janvier, la CAQ a été éclaboussée par les controverses sur ses méthodes de collecte de fonds.

La Presse Canadienne a révélé que 503 sur 1138 maires et préfets du Québec avaient contribué à la caisse électorale de la CAQ depuis les dernières élections municipales de 2021, pour un total de près de 100 000 $.

L’opposition accuse des députés caquistes d’avoir fait miroiter l’accès à des ministres en échange d’un don de 100 $ au parti lors d’activités de financement.

Le Soleil avait d’ailleurs révélé que Mme Guilbault et son collègue à l’Économie, Pierre Fitzgibbon, étaient de loin les ministres les plus populaires invités à des cocktails de financement caquistes: 16 participations en 16 mois. Incidemment ce sont deux ministères qui attribuent beaucoup de subventions, avait alors souligné le PQ.

En janvier, La Presse Canadienne a révélé des messages du député caquiste Louis-Charles Thouin qui invitait les élus municipaux de sa circonscription à rencontrer la ministre Guilbault en échange d’une contribution à la caisse de la CAQ. 

Dans un autre message obtenu par La Presse Canadienne, le député Gilles Bélanger invitait aussi des maires à rencontrer Mme Guilbault, en échange d’une contribution de 100 $.

Selon une capture d’écran obtenue par Québec solidaire, le député Yves Montigny a invité un entrepreneur de sa région à rencontrer un ministre dans un cocktail en échange d’une contribution de 100 $ à la caisse du parti.

La commissaire à l’éthique et à la déontologie de l’Assemblée nationale, Ariane Mignolet, enquête sur le cas de M. Thouin, mais a refusé les demandes d’enquête de l’opposition sur MM. Montigny et Bélanger.  

Elle enquête également sur le cas du député caquiste de Chauveau, Sylvain Lévesque, précisément sur l’utilisation par un membre du personnel du bureau de circonscription, dans l’exercice de ses fonctions, du matériel informatique et de l’adresse courriel officielle fournis par l’Assemblée nationale pour mousser les activités de financement partisanes de la Coalition avenir Québec .

On ne peut faire miroiter un privilège en appâtant les élus municipaux avec un ministre dans un cocktail de financement — la loi interdit de contribuer à un parti dans l’intention d’obtenir une contrepartie.

Le ministre Bernard Drainville a reconnu que des élus municipaux discutaient avec lui de leurs dossiers lors des activités de financement, alors que la directrice générale de la CAQ, Brigitte Legault, affirmait plutôt que les échanges entre le ministre et les maires étaient de l’ordre de la conversation brève, du «saupoudrage».

La loi permet à tout citoyen de contribuer jusqu’à 100 $ par an à la caisse d’un parti, mais la contribution doit être faite «sans compensation ni contrepartie», pour «éviter qu’un parti ou qu’un candidat se trouve dans une situation où il se sentirait redevable face à la contribution versée par un donateur et s’assurer que chaque donateur agit volontairement pour verser sa contribution, de son propre chef et à même ses propres fonds, sans subir de pression ou de promesse d’une tierce personne», stipule Élections Québec.

Le 8 février, M. Legault a annoncé par la suite que son parti allait renoncer au financement populaire, c’est-à-dire aux contributions des individus: la CAQ fait ainsi une croix sur environ 1 million $ recueillis en dons par an.

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