Chemin Roxham: accalmie depuis le récent nouvel accord canado-américain

Marisela Amador, La Presse Canadienne
Chemin Roxham: accalmie depuis le récent nouvel accord canado-américain

MONTRÉAL — Les autorités confirment que la vague massive de réfugiés potentiels entrant au Canada par le chemin Roxham, en Montérégie, a considérablement ralenti depuis la fin du mois de mars, soit depuis l’entrée en vigueur d’un accord entre le gouvernement du Canada et celui des États-Unis prévoyant de refouler les demandeurs d’asile aux postes frontaliers non officiels.

Cet accord suppose que le Canada et les États-Unis sont des pays «sûr » pour les réfugiés potentiels. Il oblige aussi les demandeurs d’asile à demander le statut de réfugié dans le premier pays où ils entrent _ le Canada ou les États-Unis _ et leur interdit de traverser la frontière pour déposer une demande.

Estelle Muzzi, mairesse de la municipalité frontalière de Saint-Bernard-de-Lacolle, confirme que les résidents des environs du chemin Roxham ont signalé une diminution de la circulation piétonnière depuis l’élargissement de l’accord. «Le message passe parce qu’on me dit qu’il a considérablement diminué _ il y a une forte baisse du trafic», a-t-elle précisé dans une récente entrevue.

«Je pense que pour les citoyens de Saint-Bernard-de-Lacolle qui ont été très touchés par la situation, ceux qui habitent juste à côté de la frontière, pour eux, le plus important était de retrouver un peu de paix et de tranquillité.»

Frances Ravensbergen, une militante de l’organisme Créons des ponts, un groupe de défense des réfugiés, ajoute que des bénévoles de la région ont également signalé une baisse du nombre de personnes arrivant pour traverser la frontière par le chemin Roxham. «Les quelques personnes que nous avons vues arriver ne semblent pas être au courant de la nouvelle réglementation et ne réalisent pas que s’ils sont déjà aux États-Unis, elles ne pourront plus jamais demander l’asile au Canada».

Néanmoins, Frances Ravensbergen prédit que des scènes d’arrestations sur des propriétés canadiennes le long de la frontière se reproduiront à travers le pays. Maintenant que les demandeurs d’asile sont empêchés d’utiliser le chemin Roxham, ils essaieront probablement d’entrer au Canada par d’autres endroits le long de la frontière de 9 000 kilomètres qui sépare les deux pays.

Les autorités frontalières signalent également une baisse du nombre de migrants essayant de traverser la frontière entre les points d’entrée officiels. L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a indiqué que du 25 mars au 2 avril, elle a enregistré 191 cas de personnes traversant irrégulièrement. Sur ce total, 144 demandeurs ont été renvoyés aux États-Unis conformément à l’accord élargi ; 54 ont été jugés admissibles à présenter une demande d’asile au Canada.

Avant l’entrée en vigueur du nouveau traité, le gouvernement avait signalé que depuis décembre 2022, environ 4500 personnes traversaient la frontière par le chemin Roxham chaque mois.

Désormais, lorsque des agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ou des policiers locaux interceptent des réfugiés potentiels essayant de traverser à des points de contrôle irréguliers, ils les emmènent à un point d’entrée désigné où des agents des frontières déterminent si leur demande est recevable ou non.

Un demandeur d’asile est autorisé à franchir un poste de contrôle irrégulier dans quatre circonstances: il a des membres de sa famille qui vivent légalement au Canada; il est mineur et accompagné; ils possède des documents légaux comme un visa canadien ou un permis de travail valide; ou sa demande de statut de réfugié soit considérée dans «l’intérêt public».

«Si une personne ne satisfait pas à une exception ou est autrement jugée inadmissible, elle sera renvoyée aux États-Unis. Si la demande d’asile est éligible, le dossier de la personne sera transmis à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour examen, et le personne sera autorisée à entrer au Canada pour poursuivre sa demande de protection», a précisé Maria Ladouceur, porte-parole de l’ASFC, par courriel.

Viviane Albuquerque, une avocate canadienne et américaine en droit de l’immigration basée à Montréal, estime qu’une fois qu’un demandeur d’asile a traversé le chemin Roxham pour se rendre au Canada et qu’il est jugé inéligible pour demander l’asile, il devient presque impossible pour l’individu de demander à nouveau l’asile au Canada. 

«Une fois qu’il y a une détermination basée sur le statut _ une demande de statut de réfugié refusée _ il est très difficile de demander à nouveau le statut de réfugié à moins que (le demandeur d’asile) ne tente de faire appel de la décision devant un tribunal», a expliqué Viviane Albuquerque.

Environ 12 heures après la fermeture du chemin Roxham, une agricultrice de la Montérégie, Évelyne Bouchard, a vu des agents de la GRC escorter une famille de quatre personnes hors de sa propriété.

Mme Bouchard, dont la ferme est située à environ deux kilomètres du chemin Roxham, dit qu’elle a l’habitude de voir la police près de sa maison. À certains moments, elle a trouvé des vêtements et des empreintes de pas inconnues dans la neige sur sa propriété située à Hemmingford.

Il est pour elle bouleversant de voir des personnes être emmenées si peu de temps après que l’accord d’immigration entre le Canada et les États-Unis ait fermé le chemin Roxham à la plupart des réfugiés potentiels. «C’est ce contraste», a-t-elle expliqué. «C’est mon endroit heureux _ ma maison. J’adore cet endroit, et penser que quelqu’un dans ce même type d’espace physique se sent effrayé et vulnérable et qu’il est peut-être en danger est tout simplement déchirant».

Évelyne Bouchard espérait depuis longtemps que le Canada et les États-Unis renégocient l’Entente sur les tiers pays sûrs pour faciliter le dépôt de demandes d’asile par les migrants dans l’un ou l’autre pays. Cependant, pour elle, «c’est juste un tel coup de poing qu’il est allé exactement dans la direction opposée à ce que nous espérions, rendant la situation plus dangereuse et plus difficile et conduisant les gens dans les bois, où ils sont plus susceptibles d’être en danger.»

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