CBC/Radio-Canada va supprimer 600 emplois pour économiser 125 millions $

Stéphane Rolland, La Presse Canadienne
CBC/Radio-Canada va supprimer 600 emplois pour économiser 125 millions $

MONTRÉAL — CBC/Radio-Canada va supprimer 600 emplois dans le cadre de compressions budgétaires de 125 millions $. 

Le diffuseur public en a fait l’annonce à ses employés, mardi, en après-midi. En tenant compte des quelque 200 postes déjà vacants, cela représente 800 postes, ce qui équivaut à 10 % des effectifs.

Dans un communiqué, la direction du diffuseur public attribue cette décision à la hausse des coûts de production, à la diminution des revenus publicitaires à la télévision et à la concurrence des géants du numérique. 

Des 600 postes, environ 250 seront liés à Radio-Canada tandis qu’un autre 250 proviendra du réseau anglophone CBC. Une centaine de postes seront liés aux services administratifs. 

Le nombre égal de compressions entre les deux services soulève des critiques de la part d’employés tandis que le réseau CBC représente une plus grande part du budget de la société d’État. 

Les compressions seront «progressives» et s’échelonneront sur les 12 prochains mois. Au Syndicat des travailleuses et travailleurs de Radio-Canada (STTRC-CSN), on accuse la société d’État d’être «incapable de répondre aux questions élémentaires concernant les postes visés». 

Le président du STTRC-CSN, Pierre Tousignant, a dit que les employés du diffuseur public étaient «atterrés et inquiets» après leur rencontre avec la direction. «Si la haute direction veut faire la démonstration que l’ébauche de plan présentée aujourd’hui constitue la meilleure des options, elle devra faire preuve de clarté et de transparence au cours des prochaines semaines pour nous permettre de traverser cette période difficile», réagit-il dans un communiqué. 

En novembre, la présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada, Catherine Tait, avait évoqué «des décisions difficiles à prendre» au moment où la société d’État doit composer avec un manque à gagner annuel de 100 millions $. La société doit plutôt réduire ses dépenses de 125 millions $. 

Le contexte est difficile pour les télédiffuseurs traditionnels qui doivent faire concurrence aux géants du web et aux plateformes de diffusion en continu pour attirer les revenus publicitaires et l’auditoire. 

Le Groupe TVA a annoncé plus tôt en novembre qu’il mettait à pied 547 personnes, soit 31 % de ses effectifs.

La semaine dernière, le président et chef de la direction de BCE, Mirko Bibic, avait dit, lors d’une conférence à Montréal, que l’heure était grave tandis que Bell Média vivait des moments difficiles. Les services de nouvelles, qui comprennent les bulletins des chaînes Noovo et de CTV, ont enregistré une perte de 40 millions $ l’an dernier.

Une question de financement?

«Pleinement engagée» envers le diffuseur public, la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a défendu, plus tôt, les investissements de son gouvernement dans CBC/Radio-Canada au moment où le Conseil du Trésor demande à l’appareil gouvernemental fédéral de réduire ses dépenses de 3 %. 

Quant à cette directive, la ministre a dit qu’aucune décision n’avait été prise touchant CBC/Radio-Canada, lors d’une mêlée de presse à Ottawa. «On fait un exercice partout à travers le gouvernement, puis ça implique les sociétés d’État sur les efforts de restructuration des dépenses, mais pour ce qui est de CBC/Radio-Canada, il n’y a pas de décision finale qui a été prise encore.»

Le bureau de la présidente du Conseil du trésor dit être incapable de confirmer si le 3 % est un chiffre moyen ou s’il est le même partout. Il réfère cependant à un document public qui précise que «cela représente une réduction d’environ 3 % des dépenses admissibles dans la plupart des ministères et organismes d’ici 2026-2027».

Le leader parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien, juge que le fédéral est responsable des compressions. «S’il y a des coupes aujourd’hui, c’est parce que le gouvernement du Canada n’a pas donné suite aux besoins de Radio-Canada.»

Il s’est dit déçu que Radio-Canada soit autant touché que le service anglais de CBC. «En plus que le français est en déclin, on est un peu déçu de voir que les coupes sont aussi sévères chez Radio-Canada que chez CBC.»

Mme St-Onge n’a pas voulu s’avancer sur la répartition des coupes entre les services anglais et français. «Je pense que c’est des questions qui doivent être demandées à la direction de CBC/Radio-Canada parce qu’ils sont indépendants dans leur gestion interne.»

Chez les conservateurs, la porte-parole en matière de Patrimoine, Rachael Thomas, a refusé de répondre aux questions des journalistes en quittant le parlement.

En soirée, le chef conservateur, Pierre Poilievre, a réagi sur Twitter après avoir ignoré les demandes d’entrevues. Il a accusé le gouvernement Trudeau d’avoir versé des primes «à des cadres incompétents» du diffuseur public. «Je parie qu’aucun des porte-parole préférés de Trudeau ne sera licencié – ils recevront simplement d’autres primes.»

Le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice, a qualifié la situation de «catastrophique», lors d’une mêlée de presse à Ottawa. «Ça fait des années qu’on perd des journalistes, des reporters, que des salles de nouvelles qui ferment par centaines partout à travers le pays. (…) Je m’inquiète aussi pour la qualité de notre débat public et le fait qu’on puisse avoir ce contre-pouvoir absolument essentiel dans une société démocratique.»

– Avec des informations de Michel Saba

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