Aide médicale à mourir: un groupe demande d’inclure les patients atteints de démence

Stephanie Taylor, La Presse Canadienne
Aide médicale à mourir: un groupe demande d’inclure les patients atteints de démence

OTTAWA — Un groupe exhorte le gouvernement fédéral à permettre aux personnes atteintes de troubles comme la maladie d’Alzheimer et la démence de demander l’aide médicale à mourir avant leur déclin cognitif.

La présidente et directrice générale de Mourir dans la dignité Canada, Helen Long, affirme que le public soutient fermement l’idée de permettre aux personnes atteintes de troubles neurocognitifs de demander une aide à mourir avant que leur maladie ne leur fasse perdre la capacité de consentir.

La revendication pour permettre un meilleur accès pour ces patients fait suite à la décision d’Ottawa, après des mois de débat, de retarder l’extension de l’admissibilité aux personnes souffrant uniquement de maladie mentale.

Le gouvernement a légiféré pour obtenir une pause de trois ans, après que plusieurs provinces eurent déclaré au ministre fédéral de la Santé que leurs systèmes n’étaient pas prêts à mettre en œuvre la politique.

L’organisation de Mme Long, ainsi que d’autres partisans de l’idée, soutiennent que les personnes souffrant d’une maladie mentale intolérable devraient avoir le même droit à la procédure que les personnes souffrant d’une condition physique débilitante.

«Compte tenu de ce qui s’est passé avec le délai lié aux troubles mentaux, je pense que c’est le moment pour nous de vraiment nous concentrer sur les demandes anticipées», a expliqué Mme Long.

«Cela dit, vous savez, les troubles mentaux restent quelque chose qui nous tient à cœur.»

Le groupe a commandé un sondage à Ipsos qui a révélé que 83 % des Canadiens interrogés soutiennent les demandes anticipées pour les personnes diagnostiquées avec une maladie «grave» qui finira par leur faire perdre la capacité de décider.

L’enquête a été menée auprès de 2000 Canadiens en mars et on ne peut lui attribuer une marge d’erreur.

Un comité mixte spécial de sénateurs et de députés chargé d’envisager d’élargir l’accès à l’aide à mourir a recommandé qu’Ottawa accepte les demandes avant le déclin cognitif, a rappelé Mme Long.

Cela nécessiterait une modification du droit criminel.

Le Québec a adopté l’année dernière une loi permettant aux personnes aux premiers stades de maladies dégénératives graves comme la maladie d’Alzheimer de demander l’aide à mourir, et d’arriver à cette procédure une fois que leur état s’est aggravé.

La province a déclaré qu’une modification du Code criminel était toujours nécessaire pour que les médecins ne commettent pas de crime, mais Ottawa n’a pas encore accédé à sa demande de modification.

«J’espère qu’il y a suffisamment d’éléments réunis pour qu’il y ait peut-être une certaine volonté politique de changer de direction dans ce dossier», a indiqué Mme Long.

La Société Alzheimer du Canada a déclaré que les personnes atteintes de démence méritent le même accès à l’aide médicale à mourir et devraient avoir la possibilité de faire une demande à l’avance, après un diagnostic et des plans pour des soins futurs.

Un débat sur plusieurs années

Le gouvernement fédéral a présenté sa première loi sur l’aide à mourir en 2016, après que la Cour suprême du Canada eut statué l’année précédente que les adultes souffrant d’un «problème de santé grave et irrémédiable» avaient droit à l’aide à mourir.

Environ trois ans plus tard, un tribunal du Québec a jugé qu’il était inconstitutionnel d’exiger que le décès d’une personne soit raisonnablement prévisible pour la rendre admissible à l’aide médicale à mourir.

En 2021, les libéraux ont mis à jour la loi pour refléter la décision du tribunal inférieur.

Le Parlement a ensuite accepté un amendement du Sénat visant à supprimer une exclusion pour les personnes dont le seul problème sous-jacent est une maladie mentale.

Le gouvernement a légiféré sur une période de deux ans pour que les systèmes et les praticiens se préparent, puis a ajouté une prolongation d’un an début 2023.

Mais des détracteurs qui ont témoigné devant une réunion spéciale l’automne dernier ont déclaré que ce n’était pas assez long, car les questions clés concernant l’élargissement de l’admissibilité restaient toujours sans réponse.

Par exemple: comment les praticiens pourraient-ils juger si une personne a des pensées suicidaires, déterminer sa probabilité de guérison ou prendre en compte le manque d’accès au traitement en raison de circonstances telles que la pauvreté?

L’Association canadienne pour la santé mentale et d’autres ont prévenu que les personnes souffrant de maladie mentale devaient d’abord avoir un meilleur accès à de l’aide, tandis que des défenseurs des personnes vivant avec un handicap ont fait part de leurs craintes quant à la manière dont cela pourrait mettre les personnes vulnérables en danger.

Le ministre fédéral de la Santé, Mark Holland, a finalement proposé de reporter l’élargissement au moins jusqu’en mars 2027. Mais il a ajouté que le gouvernement continue de croire que la souffrance mentale est égale à la souffrance physique.

Le chef de l’opposition conservatrice, Pierre Poilievre, s’est engagé à abandonner complètement l’élargissement s’il remporte les prochaines élections.

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