Le Canada Français : le virage vers la presse d’information

Le Canada Français : le virage vers la presse d’information
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En juin 1908, Gabriel Marchand est élu député libéral de la circonscription de Saint-Jean. Il cède alors la propriété du journal à la Compagnie de publication du Canada Français, mais il en demeure l’éditeur jusqu’à son décès, survenu subitement le 16 septembre 1910. Le 30 décembre de la même année, on avise les lecteurs que les ateliers de production déménageront dans un nouvel édifice et qu’il est possible que le journal ne soit pas publié la semaine suivante. On sollicite leur patience : « L’amélioration de notre journal les récompensera de leur indulgence par la suite. » Le 27 janvier 1911, on annonce, en effet, un changement majeur : dès la prochaine livraison, le journal comptera seize pages, plutôt que huit, et il sera illustré. Il est plausible de croire que les nouveaux propriétaires-éditeurs se sentent obligés de réagir face à la présence des grands quotidiens d’information montréalais sur le marché de Saint-Jean. La concurrence est féroce ; il faut donc l’affronter. Afin de conquérir de nouveaux lecteurs, le journal lance un grand concours de popularité et d’abonnement au cours duquel plus de 1600 cadeaux sont offerts: deux magnifiques pianos à 450 $ chacune (total 900$) ; cent montres en or garanti 20 ans à 15$ chacune (total 1 500$); mille cinq cents super photogravures de six célèbres chefs d’oeuvre de la peinture moderne à 2$ chacune (total 3 000$) sont offertes . En tout, 5 400$ de cadeaux. Ces photogravures étaient: La Cigale d’Edouard Bisson; Le Christ devant Pilate de Michel Munkaczy; Le Médecin de Luc Fildes; Le Feu de Prairie de Zygma Adjukiewicz; Le Pont de Londres de Fred Morgan et Le Départ de Jules Girardet.

 

La métamorphose du journal est importante. La page éditoriale, qu’on retrouve à la page 8, conserve toujours son lien avec le Parti libéral, mais le reste de l’hebdomadaire n’est plus construit autour de cette unique motivation de faire valoir le point de vue du Parti. Le journal d’opinion semble vouloir céder la place au journal d’information. À l’image des grands médias de masse, il est beaucoup mieux structuré : à côté des dépêches internationales, du « Courrier de Paris » et des « Nouvelles des États-Unis », qui constituent le cœur des nouvelles internationales et qui sont présentées dès les premières pages, on retrouve la chronique « À travers le Canada », les « Nouvelles de St-Jean » et les « Correspondances de la campagne ». Les nouvelles locales occupent une page entière. On y retrouve pêle-mêle des mondanités, des faits divers, des informations sur la vie politique municipale et quelques nouvelles économiques. Les « correspondances de la campagne » sont composées selon le modèle établi dans la presse d’information : classées selon les municipalités plus ou moins limitrophes à Saint-Jean, elles proposent des brèves qui relatent essentiellement des mondanités et des faits divers locaux. Le journal manifeste toujours de l’intérêt pour le commerce et l’agriculture, et cette chronique, considérablement enrichie, occupe une page entière. Elle informe les lecteurs sur le cours des denrées et la qualité des récoltes, mais elle prodigue aussi quelques conseils en matière d’agriculture. De nouvelles sections cherchent à séduire un lectorat plus varié : on cible toute la famille avec une page « Mode pratique » pour les femmes, et une « Page amusante » offre des bandes dessinées aux enfants. Cette section ne paraîtra que du 3 février 1911 au 7 juillet 1911 et présentera notamment les bandes dessinées « C’est bon pour lui, le mauvais garnement » et «  Ne maltraitez les chiens errants ». Les annonces publicitaires sont nombreuses, mais elles sont loin d’occuper une part aussi importante du contenu que dans les quotidiens nationaux : des commerçants et des hommes d’affaires locaux partagent les pages de l’hebdomadaire avec des commerçants montréalais et des publicités nationales. Bref, on reprend ici la recette qui a fait le succès de la grande presse d’information.

 

L’expérience ne fait cependant pas long feu puisque dès le mois de décembre de la même année, le journal, quoique toujours illustré, ne compte plus que douze pages. À la fin de la guerre, en 1918, il est revenu à un format de huit pages, les illustrations ont disparu – à l’exception des annonces publicitaires – et l’éditorial a réintégré la une.

 

Jusqu’au 30 août 1934, le nombre de pages du journal oscille entre six et huit par numéro.

 

À ce moment-là, un nouveau coup de barre est donné. En rupture avec la pratique habituelle du journal, et parce que la direction se dit sensible au goût des lecteurs, on adopte le format tabloïd afin de rendre le journal plus attrayant et plus facile à lire.

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