Lorsque parut L’épanouissement de l’ombre (Noroît, coll. «Ovale», 2011), des poèmes de Rina Lasnier choisis et présentés par Jocelyne Felx, j’ai cru que c’était là l’ultime hommage rendu à la poétesse, car l’ouvrage résumait très bien les thèmes et préoccupations esthétiques de l’œuvre à laquelle l’écrivaine a consacré sa vie. Mal m’en prit, car voilà que le Père René Pageau, clerc de Saint-Viateur, publie Rina Lasnier, poète de l’essentiel (Lidec, coll. «Célébrité», 2012).
L’auteur n’y a pas seulement esquissé les faits saillants de la vie de Mme Lasnier, surtout les années où elle a habité Joliette. Il a surtout jeté un regard original, intérieur presque intime, sur l’ensemble de sa vie d’écrivaine et de son œuvre poétique.
Je crois que cet essai biographique est un livre essentiel à quiconque veut comprendre le cheminement de la poétesse et des recueils qu’elle a publiés. Il faut d’abord savoir que le Père Pageau a fait partie de ce qui est convenu d’appeler la garde rapprochée de Rina Lasnier, et cela pendant de fort nombreuses années. S’il y a eu dans l’entourage de la poétesse des hommes qui ont marqué sa carrière – notamment, l’anthropologue Marius Barbeau, le critique et essayiste Victor Barbeau avec qui elle a cofondé l’Académie des lettres canadiennes-françaises, le poète Alfred DesRochers et l’économiste nationaliste François-Albert Angers -, elle a, à son tour, veillée sur la carrière de jeunes auteurs, dont Marcel Bélanger et René Pageau. Mais, sans doute, c’est le Père Gustave Lamarche c.s.v. qui a eu la plus grande influence sur son œuvre.
Or, René Pageau a bien connu son aîné le Père Lamarche qui fut un confrère œuvrant dans le diocèse de Joliette. Il lui a d’ailleurs consacré sa thèse de doctorat intitulé Gustave Lamarche, poète dramatique (Université de Rennes, France). Pageau a ensuite publié de la poésie et des essais, notamment une biographie des Pères Wilfrid Corbeil et Fernand Lindsay, et deux ouvrages sur l’artiste Max Boucher c.s.v.
Mais, revenons à Rina Lasnier, poète de l’essentiel. Le regard que l’auteur jette sur la vie de l’écrivaine reprend, pour l’essentiel, l’agenda de sa vie quotidienne, ses us et coutumes dont l’essayiste Éva Kushner nous a appris l’essentiel dans ses ouvrages parus au cours des années 1960, au Québec et en France. Une vie rangée, mais surtout fort occupée pour une femme dont la santé était, dit-on, fragile. Écrire n’était pas pour elle une dilettante, mais une véritable vocation à laquelle elle se consacrait totalement, sans se replier sur elle-même.
Là où le texte du Père Pageau passe du récit biographique, surtout les événements auxquels il a lui-même participé ou dont il a été témoin, à l’étude de l’œuvre de Rina Lasnier me semble une analyse originale et fort éclairante. En effet, on a souvent reproché la grande proximité de ses vers et de la foi catholique, allant jusqu’à la considérer comme mystique. Or, la réflexion que l’essayiste poursuit aussi bien en scrutant les sujets de prédilection de Rina Lasnier que son art poétique en donne une vue intérieure, parce qu’elle-même puisée à la source de la foi chrétienne.
Il reste peu de témoins du quotidien de Rina Lasnier, et le Père Pageau est de ceux-là. Le travail qu’il s’est imposé en communiquant bien plus que des souvenirs anecdotiques fait désormais partie de notre patrimoine littéraire, car il fait comprendre pourquoi «Rina Lasnier est poète de l’essentiel».