Patrimoine à vendre

Par Mario Wilson
Patrimoine à vendre
Fabriquée de chêne au tout début du vingtième siècle

Lors de la vente finale des biens de la communauté de religieuses de Pointe-Claire à Montréal, il n’y avait pas là que des objets à caractère religieux. Loin de là. Les Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame qui occupent les lieux depuis plusieurs décennies devront quitter avant la fin de l’année, la bâtisse étant devenue un gobe-sous sans fond pour la poignée de religieuses toujours dans les lieux.

Il n’est pas facile de dire ce qu’il adviendra de l’édifice, cet immense couvent, mais chose certaine, le moulin situé sur le même terrain, datant de 1709, fait déjà partie des préoccupations du conseil municipal qui constate à regret le départ de la communauté.

Évidemment, une évaluation des biens encore en place (puisque le diocèse conservera les objets de piété, les œuvres d’art de certaines religieuses et les archives), une évaluation donc, devenait nécessaire pour bien orienter la vente finale des biens usuels.

Des pièces absolument merveilleuses, comme de raison, mais une quinzaine de bibliothèques à sections comme celle de la photo de notre chronique. Ces «barrister’s bookcases» comme les nomment les anglophones demeurent des meubles très populaires, principalement parce que le déménagement ne pose jamais problème, mais surtout parce que le contenu ne souffre pas non plus du poids de la poussière.  

Si vous descendez vers le sud la rue de la Cathédrale à Montréal et que vous avez l’occasion de jeter un coup d’œil dans la vingtaine de bureaux de l’Archevêché à votre gauche, vous y verrez des dizaines de ces bibliothèques exactement semblables à celle-ci, toutes plus propres les unes que les autres.

En effet, les plus beaux meubles que j’examine fréquemment sont ceux des communautés religieuses, des presbytères et même des sous-sols d’église. Toujours entretenus avec une attention plus que particulière, on ne devine pas toujours l’âge en jugeant de l’état de la pièce! Et les meubles du couvent de Pointe-Claire n’ont pas fait exception à la règle.

Évidemment surprises par l’évaluation de leurs nombreuses bibliothèques à sections, les religieuses qui m’ont fait faire le tour du propriétaire semblaient très heureuses des résultats anticipés de la vente de la fin de semaine dernière.

Fabriquée de chêne au tout début du vingtième siècle, une telle bibliothèque se vend au détail à un prix de 1000 dollars. Facile à calculer, c’est simplement 250 dollars de la section. La tête et la base constituent pour ainsi dire un cadeau offert avec l’achat.

Je n’ai pas encore (malgré la très forte tentation), acheté sur les lieux une ou deux belles pièces lors de cette évaluation.  Par contre, j’ai reçu un bien précieux cadeau de la communauté. En effet, parmi une panoplie de verres à boire, de vases en verre clair et de bouteilles anciennes, j’ai fait la découverte d’un petit «shooter» portant la mention: Vignoble / Dietrich-Jooss / Iberville.

Devant mon étonnement et ma joie bon enfant, les religieuses m’en ont fait cadeau. Je suis revenu à la maison plein de nostalgie en me remémorant ce grand Alsacien à la voix si unique. Nous avions à l’époque, encore une fois, raté une très belle occasion de poursuivre une aventure unique vouée à un avenir plus que prometteur.

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