Motoneigistes de père en fille

Par Christiane Dumont
Motoneigistes de père en fille

Chez les Robitaille, une famille d’agriculteurs de Mont-Saint-Grégoire, la soif de liberté, l’amour des engins, le goût d’expéditions lointaines se vivent de père en fille. Ils carburent à la neige, au froid, aux belles machines. Et aussi au danger qui les attend au détour.

Nancy Robitaille est passée pratiquement sans transition du berceau à la motoneige. «Maman nous plaçait dans une carriole fermée, mon frère Jarod et moi, avec plein de coussins et de couvertes en poil», confie-t-elle. Après cela, Nancy Robitaille était fin prête à recevoir sa première motoneige, une Kitty Cat que son père lui a offerte pour ses trois ans. Celle qui s’apprête à ouvrir la garderie Les Petits Cochons roses, à Mont-Saint-Grégoire, en garde un souvenir attendri: «Ça rentrait dans la valise du char. Jarod avait deux ans, et il me suivait dans un traîneau accroché à l’arrière».

Puis sont venus les slaloms, les chasses au trésor et les courses d’accélération, qu’elle contribuait à organiser et auxquels elle participait: «Je battais les gars au slalom, c’était drôle», soutient celle qui dirige maintenant le Club Apollon à Mont-Saint-Grégoire.

Rien ne lui fait peur, semble-t-il. «Les Chic-Chocs, en Gaspésie, c’est vraiment beau. J’aime ça. Je trouve toujours très drôle quand les gars bougonnent parce qu’il y a une fille dans le groupe et puis qu’après, ils ne sont pas capables de suivre. La trail d’une journée, ça libère. Tu penses à rien. Tu prends de l’air. Ça défoule, ça change les idées», confie-t-elle. Et le danger semble faire partie du décor. «Quand je pars avec mon père au chalet, il nous arrive toutes sortes d’anecdotes: on manque de gaz, on se perd, on avance sur un lac qui n’est pas assez gelé, expose-t-elle. Une fois, j’ai attendu trois heures dans les monts Valin, parce qu’un relais était fermé et qu’on a manqué d’essence.» Son père ajoute: «Moi, j’étais pas sûr de me rendre. J’ai cogné à une porte de maison pour me faire mener à la première station d’essence.» Après quoi, il est reparti secourir sa fille et ses deux compagnons, qui commençaient sérieusement à trouver le temps long sous les épinettes.

Le père

Yvan Robitaille se souvient d’un de ses amis qui a manqué une courbe et qui a été littéralement poignardé au visage par une branche. «Il y avait tellement de sang. Dans le bois, où trouver une ambulance? C’est ma blonde qui l’a sauvé. Elle a sorti une serviette sanitaire de sa trousse et l’a trempée dans la neige pour la glacer, avant de la poser sur sa joue. Malgré ses fractures, mon ami est resté avec peu de séquelles», conclut-il.

Ces histoires n’altèrent en rien la passion d’Yvan Robitaille. «J’ai commencé en 1969 et je n’ai jamais arrêté depuis, même que j’en fais de plus en plus en vieillissant. Depuis 10 ans, je fais 8000 à 10 000 kilomètres par année. Aussitôt que j’ai une chance, je pars», avoue-t-il. Celui qui pratique aussi le deltaplane motorisé l’été avoue qu’il aime davantage «les paysages d’hiver que le sable». Et il cherche avant tout l’évasion. «Ça prend beaucoup d’expérience et de temps avant de parvenir au feeling que tu te laisses emporter dans la neige plutôt que de conduire ta machine. C’est enivrant, c’est capotant», confie-t-il. Pour goûter à ce plaisir, il vient tout juste de parcourir 1400 kilomètres en trois jours avec son frère dans les monts Valin. «Il faisait -37, -38 degrés le matin. On aime ça!», lance-t-il.

En 45 ans, l’agriculteur s’est procuré au moins 35 motoneiges, dont une 800ZR 800cc qui lui a laissé un souvenir impérissable à cause de sa tenue de sentier, mais aussi du son et de la boucane qui en émanaient. «Je suis un bon client pour l’industrie», lance le semi-retraité, qui préfère aujourd’hui les moteurs quatre temps, silencieux et confortables.

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