L’expérience du train entre Yogyakarta et Jakarta

Par Raymond Marier
L’expérience du train entre Yogyakarta et Jakarta
Thamrin Jalan

Ce matin, nous faisons nos adieux à Yogyakarta; destination Jakarta, capitale de l’Indonésie. Un taxi réservé par l’hôtel nous conduit à la gare.

Avant de quitter l’hôtel, on règle la note en pensant qu’elle inclut le prix du taxi. Mais non, à la gare, le chauffeur attend d’être payé. Voyant notre surprise, il offre d’appeler à l’hôtel pour vérifier. Pauline parle à la réceptionniste et non, les 70 000 roupies prévues pour ce service n’avaient pas été ajoutées à la facture.

On paie donc le montant demandé par le chauffeur, 35 000 roupies, soit deux fois moins que ce qui était demandé à l’hôtel… Un autre exemple des profits exorbitants réalisés par les intermédiaires du monde touristique.

Problème de langue

Depuis une heure et demie, nous observons le va-et-vient dans la gare tout en ressentant un petit stress. Dans les aéroports, les annonces sont faites en anglais et bien affichées. Ici, on entend de temps en temps un baragouinage au micro, mais on ne comprend rien. Un train arrive, quelques personnes descendent, d’autres montent. Est-ce le nôtre?

L’heure approche. Les voisins ne parlent ni français, ni anglais. On se sert du système D avec le billet, le bout de l’index sur le mot «Jakarta» et une mimique signifiant le départ. D’un geste, le monsieur montre qu’il nous fera signe. C’est du moins ce que nous espérons.

Peu de temps après, presque tout le monde se lève, traverse une voie ferrée et se précipite dans le train qui vient d’arriver. Le monsieur nous regarde, on le suit et nous voilà installés, assis, bagages bien placés au-dessus de nos têtes. Mais, sommes-nous dans le bon wagon? On ne voudrait pas partir dans la mauvaise direction. Eh oui, ça nous est déjà arrivé.

Le temps passe; il ne se passe rien; le stress augmente. À un moment, le train bouge; ça cogne dur, peut-être qu’ils accrochent d’autres wagons. Enfin! Un contrôleur, très sérieux, passe de place en place, accompagné de deux militaires. Il enregistre nos billets. Ouf! On se détend, on en a pour huit heures, dans le bon train, à la bonne place, pour la bonne destination.

Attaque

Dans la verte campagne qui semble paisible, les champs de riz défilent à vitesse variable entre de petits hameaux, quelques maisons de bambou adossées à la voie ferrée. Après deux heures de trajet, dans le wagon de catégorie supérieure, la climatisation s’arrête. Imaginez la chaleur compte tenu des 30 degrés à l’extérieur et des fenêtres qui ne s’ouvrent pas.

Soudain, au passage d’un petit hameau, de jeunes garçons, des ados furieux, lancent des cailloux sur le train qui passe. Bang! Un gros caillou frappe la vitre à la hauteur du visage de Pauline. Nous comprenons pourquoi les vitres sont blindées. Cette colère et cette agressivité nous surprennent; on n’a rien vu de tel partout ailleurs en Indonésie.

À plusieurs reprises, le train s’arrête en pleine campagne pour laisser le passage à un autre train en sens inverse. Quelques enfants courent dans l’allée. Une petite fille un peu plus délurée vient nous parler : «Hello Mister! What is your name? Welcome! Take care! See you tomorrow! Have a nice trip! Bye Bye!» Elle claironne ses petites phrases et montre à tout le monde qu’elle parle anglais, elle. Raymond lui offre une petite balle. «Thank you Mister!».

À 19 h, trois heures plus tard que prévu, il fait nuit noire et le train s’arrête juste avant d’entrer en gare. On attend une autre demi-heure avant de pouvoir débarquer. Mais là, tenez-vous bien, dès qu’on met le pied à terre, on se colle l’un à l’autre pour ne pas être séparés, on s’agrippe à la valise pour ne pas se la faire enlever par quelqu’un qui nous veut du bien, on est pris dans la marée humaine qui sort de plusieurs trains en même temps. Impossible de s’arrêter pour réfléchir.

Assaillis

Une fois dehors, on est assaillis par les chauffeurs de taxi qui ont reconnu des étrangers et demandent un prix de fou pour nous conduire à l’hôtel Cipta. On refuse net. Un chauffeur qui ne parle pas anglais nous montre deux billets de 50 000 et un billet de 10 000. Ça fait 110 000 roupies, 10$. OK, ça va, on veut sortir d’ici.

Une fois dans la voiture, on découvre la jungle de Jakarta: incivilités, bousculades, engueulades, saleté, pollution, bruit infernal, klaxons, embouteillage monstre. Le chauffeur fonce, brûle les feux rouges, se fait engueuler et réussit à se faufiler hors de ce méga embouteillage. Il s’arrête dès qu’il accède à une rue plus tranquille et demande où l’on veut aller. Pauline écrit le nom de l’hôtel et son adresse; elle lui remet le papier. Il ne voit pas; il allume la lumière. Toujours aussi embêté, il met ses lunettes; on se demande s’il sait lire. Un peu plus loin, il s’arrête à un garage pour gonfler les pneus et montre le papier au garagiste. Il se remet en route et on finit par arriver sur la bonne rue. C’est Pauline qui crie « Stop! » en voyant l’affiche de l’hôtel qu’on vient de dépasser. Il fait demi-tour.

Raymond prend les bagages et entre à l’hôtel. Pauline remet au chauffeur deux billets de 50 000 et un billet de 10 000. Il se fâche. Il montre alors 2 billets de 50 000 et un billet de 100 000. Ça fait 200 000 roupies au lieu de 110 000. Ce n’est probablement pas la première fois qu’il la fait celle-là, les billets de 10 000 et de 100 000 sont à peu près de la même couleur. Se sentant flouée et sans recours, elle lui remet la somme en le gratifiant de deux mots qu’il ne comprend pas.

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