J’ai gardé un souvenir amusé des deux premiers romans de Matthieu Simard parus en 2004. Il était parmi les premiers écrivains et scénaristes à poser un regard critique sur la génération des «invincibles». Si certains ont parlé du degré zéro du nombrilisme, j’ai plutôt vu là un constat de la condition de l’homme d’après le féminisme.
Matthieu Simard propose aujourd’hui La tendresse attendra (Stanké, 2011), une histoire où l’irréductibilité des êtres est au premier plan. Le narrateur est un écrivain en peine d’amour. Pour reconquérir celle à qui s’adresse son récit, il abandonne l’écriture pour se trouver ce qu’il considère un vrai travail. C’est chez «P. Faulkner, plomberie générale» qu’il sollicite un emploi, avouant ne rien connaître à la plomberie, mais plutôt parce qu’il a habité devant son commerce pendant les huit années passées auprès de son amoureuse.
Lorsque l’écrivain, comme l’appelle Faulkner, commence son nouvel emploi, il rencontre ses collègues: Patrice, le crack d’informatique, Marie-Claude, la photographe, et Moustache, le maître de discipline. Plomberie, ai-je dit? Plutôt un club de rencontres pour une clientèle huppée exigeant la discrétion absolue. À son grand dam, le narrateur a justement été engagé pour écrire des scénarios de séductions.
Afin d’éviter de rendre compte de ses activités littéraires à celle qui l’a quitté, le narrateur ressasse les meilleurs moments qu’ils ont passés ensemble. Ainsi, il se rappelle leur rencontre dans une clinique médicale et leur soudaine envie de faire l’amour. Plus il parle de son ancienne amoureuse, plus nous constatons qu’elle ne supportait pas qu’il soit un écrivain car, à ses yeux, ce n’était pas un véritable métier.
En filigrane, du début à la fin du roman, il y a ce monologue que le narrateur adresse à sa fiancée en-allée. Matthieu Simard semble avoir enduit cette histoire d’amour déçu d’un mince glacis qui craque petit à petit et finit par céder. Il tente également de nous persuader que la profession d’écrivain est semblable à une condamnation à perpétuité dans la prison de son imaginaire. Le moins que je puisse dire, c’est que Matthieu Simard a le sens de l’autodérision.
Qu’est-ce qui fait déraper l’histoire? C’est un Code 2 qui va tout mettre en péril, le secret de la plomberie Faulkner et le marasme amoureux dans lequel le héros s’englue. Un Code 2, c’est une personnalité archiconnue qui exige qu’on assure une confidentialité totale sur sa démarche. Ici, c’est une comédienne, ravissante et mariée, qui veut savoir si elle plaît encore. Elle veut bien répondre aux questions de l’écrivain, mais elle aimerait qu’à son tour il réponde à ses interrogations. De fil en aiguille, l’un et l’autre réalisent qu’ils sont dans un même cul-de-sac affectif dont ils pourraient sortir sans risque tout en apprenant qu’ils peuvent encore séduire.
Ce qui devait arriver se produit et dure jusqu’au jour où Moustache s’amène chez l’écrivain et lui pointe un revolver sur le front. Comment a-t-il appris la liaison entre lui et la comédienne? Une question d’attitude, reconnaît-il. Mais, il y a aussi qu’il s’est pris d’affection pour l’écrivain et, s’il est incapable de l’assassiner comme son travail l’exige, il lui sert un sérieux avertissement. Pourquoi Moustache agit-il ainsi? À chacun des lecteurs d’en découvrir le motif.
Chose certaine, Matthieu Simard nous donne à lire une histoire du 21e siècle dans la simplicité de sa trame comme dans l’analyse du sentiment amoureux dont on croit toujours qu’il peut injecter à celles et ceux qui l’éprouvent une dose d’éternité.