À Jakarta, capitale de l’Indonésie, on rencontre beaucoup de gens portant le masque antipollution. Après une journée à marcher dans le centre-ville, on commence à se demander si on ne devrait pas faire comme eux.
En plus de sentir son effet sur la respiration, le smog bouche l’horizon visuel de façon impressionnante. À l’extérieur, le flou dans le champ de vision se trouve à 100 mètres devant nous. On se sent très lourds dans la chaleur humide.
À déconseiller aux écolos et aux amateurs de plein air. Pour une bouffée d’air frais, il faut entrer dans un bâtiment climatisé.
Ce matin, nous partons à pied pour visiter la mosquée et la cathédrale. Dans le centre-ville, la densité du trafic et le peu de feux de circulation nous obligent à faire de grands détours pour trouver des passages piétonniers. Deux fois, nous risquons quand même la traversée, en nous cachant derrière un Indonésien, à travers six rangées d’autos et de motos qui n’ont jamais l’air de vouloir s’arrêter. Pour nous, ça équivaut à plonger du haut d’un tremplin de dix mètres, mais les Indonésiens, eux, s’y déplacent comme des poissons dans l’eau.
Belle surprise
Dans les autres îles d’Indonésie, on n’a vu que de petites mosquées, d’humbles bâtiments coiffés du croissant, symbole de l’islam. Ici, à Jakarta, de très loin, on repère l’étoile dominant le dôme et le croissant en haut du minaret de la mosquée Istiglal. D’une hauteur de 97 mètres, c’est la plus grande mosquée de l’Asie du Sud-Est.
Un accueil particulier est prévu pour les visiteurs étrangers. Le préposé, on sent qu’on le dérange, nous prie d’enlever nos chaussures et de les placer dans un casier. Il vérifie notre tenue: pantalons longs, épaules et bras couverts. Il pose quelques questions: nationalité et durée du séjour à Jakarta. Il propose – c’est son travail, il n’a pas le choix – de nous guider pour visiter la mosquée.
Immense
Nous le suivons dans les escaliers menant aux mezzanines entourant la grande salle. Nous montons silencieusement trois étages, abasourdis devant l’immensité du lieu qui peut accueillir 20 000 fidèles dans la salle de prière et jusqu’à 120 000 dans les jardins et espaces extérieurs.
Pendant que le guide se retire pour répondre au téléphone, on en profite pour observer, de très haut, quelques centaines d’hommes prosternés, face contre terre, et à l’écart, du côté gauche, les femmes, moins nombreuses, toutes voilées. De notre perchoir, la salle est tellement vaste que les fidèles nous apparaissent minuscules, de la taille des fourmis, dans une salle presque vide.
Le dôme, 45 mètres de diamètre, impose le respect. Le guide poursuit son travail et récite son boniment appris par cœur. Difficile d’échanger avec lui. Il s’arrête au point convenu pour la prise de photos. Il nous conduit ensuite dans les autres espaces publics attenants à la salle de prière.
Ambiance et modernité
Admiratifs de l’œuvre de l’architecte indonésien Frederich Silaban (1912-1984), nous apprécions l’ambiance et la modernité de la mosquée. Sans climatisation, le bâtiment ajouré de partout, sans fenêtres vitrées, est conçu pour que l’air circule et que la température s’y maintienne relativement fraîche. Élégance, sobriété, élévation et profondeur se dégagent de l’endroit. On aurait envie de passer beaucoup plus de temps dans ce havre de paix.
En terminant, le guide dit que le nom de la mosquée « Istiglal » signifie « Indépendance ». Elle a été érigée pour remercier Dieu d’avoir libéré le pays de l’hégémonie hollandaise. Avant de partir, il tend l’urne prévue pour les offrandes. Nous y versons quelques pièces pour montrer notre appréciation de l’œuvre architecturale. Nous apprenons par la suite que ce symbole d’ouverture et de modernité de l’islam a été conçu par un architecte de confession chrétienne.
Courte prière
En sortant, nous nous dirigeons tout de suite vers la cathédrale Sainte-Marie, de l’autre côté de la rue. Elle date de 1901, époque des Indes néerlandaises. Deux minces flèches néogothiques s’élèvent à 60 mètres et montrent un assemblage incongru. Ces deux éléments architecturaux finement dentelés, d’une blancheur éclatante, contrastent avec l’austérité du reste du bâtiment. La visite à l’intérieur confirme l’impression.
Habituellement, il fait toujours frais dans les cathédrales, mais ici, les matériaux utilisés en Amérique ou en Europe ne conviennent pas au climat de Jakarta. Sans ouvertures, il y fait une chaleur humide accablante et ça sent le renfermé. On n’a pas d’autre choix que d’y abréger nos prières. Vivement dehors !
Pour retourner à l’hôtel, nous hélons un bajaj, véhicule à trois roues sur lequel est installée une petite cabine, chauffeur à l’avant et passagers à l’arrière. Vous êtes sûrs d’arriver à bon port et ça ne coûte presque rien, mais ça bardasse en masse: émotions garanties, klaxons en continu et bain de gaz carbonique assuré! Croyez-le ou non, on s’y fait et oui, la ville de Jakarta mérite qu’on s’y attarde encore quelques jours.