La Boisserie à Colombey-les-deux-églises

Par Raymond Marier

Aujourd’hui, nous partons pour une semaine de vélo dans une belle région de France, la Champagne-Ardenne, région aux gentilés surprenants. Les gens de Reims s’appellent des Rémois; ceux de Charleville-Mézières, des Carolomacériens; ceux d’Épernay, des Sparnaciens; ceux de Saint-Dizier, des Bragards; ceux de Monthermé, des Baraquins.

De Marseille, nous partons en auto avec nos vélos dans le coffre. Nous avons 682 kilomètres à parcourir, direction nord-est, avant d’arriver à Troyes, notre destination. À 130 km/h sur l’autoroute, ça passe vite. Ça coûte 52,90 euros (74$) de péage et environ 80$ d’essence (2,10$ le litre). Un peu cher, mais la durée du trajet s’en trouve réduite de moitié, six heures au lieu de douze.

Un peu avant d’arriver, un panneau indique la sortie vers Colombey-les-deux-églises. On décide d’y faire un tour, pour aller dire bonjour au grand Charles.

Colombey

De loin, on aperçoit la croix de Lorraine, symbole adopté par la France pendant la Deuxième Guerre mondiale, pour lutter contre la croix gammée. La croix à double traverse dépasse tout le paysage.

En arrivant sur le site du Mémorial Charles de Gaulle, il est passé 17 heures et la préposée dit qu’on n’a pas le temps de faire la visite avant la fermeture. Elle nous suggère d’aller voir le cimetière et la résidence du Général, au village, un peu plus bas, et nous laisse jeter un coup d’œil au rez-de-chaussée où sont exposées les voitures officielles.

À Colombey-les-deux-églises (678 h.), pas besoin de chercher longtemps, le cimetière se trouve à côté de l’église en plein centre du village. Le monument comprend une pierre plate surmontée d’une croix. Tout l’ensemble est blanc. La pierre recouvre trois sépultures: à droite, celles de Charles et Yvonne; à gauche, celle de leur fille, Anne. Une pierre blanche et une croix. Seuls les noms sont inscrits, avec les années de naissance et de décès. Une tombe troublante de simplicité pour un des plus illustres présidents de la France.

À proximité, dans un petit cabanon, se tient un militaire surveillant les lieux. Il dit qu’il y a un garde présent 24 heures sur 24, 365 jours par année depuis l’inhumation du Général, le 9 novembre 1970.

La Boisserie

En continuant à pied pour sortir du village, nous trouvons l’entrée de La Boisserie, résidence musée, qui appartient maintenant au fils de Gaulle. Nous marchons respectueusement dans les sentiers du parc et longeons le jardin. Un boisé au sol couvert de lierre cache la demeure. Le vaste parterre montre un ancien court de tennis, un terrain de mini-golf et un espace pour la piscine d’été, tout ça destiné aux enfants et aux petits-enfants. Cette promenade permet de sentir l’intimité du Général.

En contournant la maison, on passe devant la tour carrée abritant son lieu de travail. On l’imagine, assis au bureau, devant la fenêtre avec vue sur les champs vallonnés. À l’entrée, une dame nous invite à visiter le rez-de-chaussée: la salle à manger, le salon, la bibliothèque et le bureau. Les autres pièces sont privées, toujours occupées par la famille.

Encore sous le choc de la simplicité du cimetière, nous apprenons qu’il avait acheté cette propriété en viager, seul arrangement que lui permettaient ses moyens, à Colombey, entre Paris et ses quartiers militaires. À l’intérieur, comme à l’extérieur, simplicité et sobriété se dégagent des petites pièces, des fenêtres à carreaux et du mobilier classique de l’époque. Les objets et photos exposés sont décrits à l’encre bleue sur de simples feuilles blanches épinglées à côté.

Quantité de petits détails révèlent l’homme; par exemple, sa collection de lampes de mineurs, les photos, le meuble secrétaire de sa femme. Pendant ses années de présidence, il tenait à y revenir une fin de semaine sur deux. Il avait fait installer le téléphone dans une pièce fermée, sous l’escalier, pour ne pas être dérangé.

Testament

À l’Élysée, il utilisait ses propres assiettes et ustensiles pour les repas en famille et n’acceptait la vaisselle de l’État que pour les réceptions officielles. Un de nos amis aime raconter que le Général avait fait installer un compteur d’électricité dans ses appartements privés à l’Élysée afin de payer sa consommation personnelle d’électricité.

Son testament, rédigé en 1952, stipulait qu’il ne voulait pas que la France lui érige quelque monument, mausolée ou autre chose du genre et que, si on le faisait, ce serait à l’encontre de ses dernières volontés.

Cette visite chamboule nos idées. Que penser de l’homme qui a tourné le dos à l’Angleterre et aux États-Unis, deux pays qui ont grandement contribué à «sauver» la France? Que penser de ses phrases explosives, le «Je vous ai compris» en Algérie et le «Vive le Québec libre» du balcon de l’hôtel de ville de Montréal? On ne le sait plus. La Boisserie montre la simplicité, la dignité, l’honneur, le patriotisme et le sens de la famille de l’homme d’État.

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