Encore trop peu de femmes en relève d’entreprise

Par Charles Poulin
Encore trop peu de femmes en relève d’entreprise
Annick Surprenant a pris la relève d'entreprise chez Thermovision en 2010.

Plus nombreuses que par le passé, le nombre de femmes à la tête d’une entreprise québécoise atteint 36%. Pourtant, elles demeurent rares celles qui se lancent dans la relève d’entreprise.

Pour souligner la Journée internationale de la femme, Le Canada Français a voulu interviewer des entrepreneurs de la région ainsi que des intervenants proches des femmes en affaires pour savoir s’il existait un frein à la relève d’entreprise au féminin.

Le sondage Indice entrepreneurial québécois 2016, effectué par Entreprises Québec en collaboration avec la Caisse de dépôt et placement du Québec, révèle que 36% des entreprises sont dirigées par des femmes. Par contre, elles utilisent la voie de la relève (6,6%) ou encore le rachat (4,8%) deux fois moins souvent que les hommes (12,7% et 8,2%). Serait-ce parce qu’il y a des barrières qu’elles doivent affronter et dont les hommes sont dispensés?

À l’unanimité, autant les entrepreneurs que les intervenants affirment que non. Elles ont l’éducation pour le faire et la société est ouverte aux femmes à la tête d’une entreprise. Ce seraient plutôt des raisons personnelles qui freineraient leurs ardeurs au chapitre de la relève d’entreprise.

«Je crois que c’est encore beaucoup dû au manque de confiance, estime la conseillère aux entreprises chez Femmessor, Mélanie Jacob. Il y a certaines contraintes comme le côté familial, mais le premier facteur demeure la confiance. Je pense que plusieurs estiment qu’il faille encore en faire plus que les hommes.»

Expérience

La présidente de Thermovision, Annick Surprenant, et la directrice générale de BMR Groupe Yves Gagnon, Geneviève Gagnon, affirment toutes deux ne pas avoir senti de pressions supplémentaires parce qu’elles étaient des femmes.

«En fait, j’avais plus à prouver que je n’étais pas seulement là parce que j’étais la fille de mon père, croit Mme Gagnon, qui a pris la barre de l’entreprise en 2005. C’était ça le défi. Et je crois que toutes les relèves d’entreprise doivent composer avec ça.»

Annick Surprenant, elle, a pris la relève de son père Jean-Guy en 2010, mais préparait son arrivée depuis 2000 chez Thermovision qui fabrique des portes d’armoire de cuisine sur le boulevard industriel à Saint-Jean-sur-Richelieu. Si elle a été victime de ce qu’elle perçoit être des «moments cocasses», elle n’a pas été obligée de surmonter des obstacles supplémentaires à ceux des hommes.

«Rien qui ne m’aurait arrêtée, laisse-t-elle tomber. S’il y a eu des embûches, ce n’est pas parce que j’étais une femme, mais plutôt parce que j’étais en situation de relève d’entreprise. Être une femme n’est ni un frein ni un désavantage.»

Pour elle, le succès de la relève repose sur la relation entre les parents et les enfants. «J’ai dû apprendre à distinguer mon père de l’entrepreneur», soutient-elle.

Raisons personnelles

Autant Mme Surprenant que Mme Gagnon estiment qu’il n’y a pas de raisons systémiques qui freinent la relève au féminin. Toutes deux pensent que chaque femme a ses raisons bien personnelles de reprendre l’entreprise familiale ou non.

«Je pense que nous avons de plus en plus notre place. Je vois de plus en plus de femmes d’affaires dans mon entourage, avoue Mme Surprenant. Il faut simplement vouloir prendre la relève et aimer ce qu’on fait.»

«Je pense que certaines femmes accordent encore une importance plus grande à la perception des autres, ajoute Mme Gagnon. Pour d’autres, le frein sera la conciliation travail-famille. À ce chapitre, nous avons toutes un concept d’équilibre de vie familiale différent. La seule chose que je dirais aux femmes, c’est de s’écouter et de laisser faire ce que les autres vont penser.»

Évolution

Le milieu de l’entrepreneuriat a bien évolué au cours des dernières années, que ce soit dans les usines, dans les bureaux ou même chez les financiers.

«En tant que banquier, lorsque j’approche une situation de relève, que ce soit un homme ou une femme devant moi n’entre pas dans mes considérations, souligne le directeur de comptes chez Desjardins Entreprises Haut-Richelieu-Yamaska, Oliver Akerblom. On regarde l’historique, les compétences, la formation. Les barrières à l’entrée ne sont pas ce qu’elles étaient il y a 20 ou 30 ans.»

Au cours des 12 dernières années, Geneviève Gagnon a pu percevoir l’évolution des mentalités.

«On voit la différence, affirme-t-elle. Oui, les choses changent. Je crois que de plus en plus de femmes osent prendre la relève et s’assument comme femmes de carrière. Elles s’affirment plus et ça change les perceptions.»

M. Akerblom croit que les technologies de l’information ont ouvert des portes à des réseaux auparavant inaccessibles aux femmes.

«Le réseautage se fait différemment, soutient-il. Le monde des affaires a beaucoup changé avec les technologies de l’information. Une femme peut vendre au Brésil ou en Indonésie maintenant. Elle a des contacts complètement différents de ceux de ses parents.»

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