Un débat électoral bien organisé, mené de main de maître par les étudiants Elizabeth Litjens et Samuel-Alexandre Bernier, et sans affrontement majeur a eu lieu le 2 octobre, au Théâtre des Deux Rives.
Pourtant les sujets de controverse ne manquaient avec le passage d’un pipeline au Québec, le droit à l’avortement ou encore la contestation de la loi québécoise sur la laïcité.
Le peu d’accrochages entre les candidats s’explique entre autres par certaines positions du candidat conservateur, Martin Thibert, qui le mettent en décalage avec celles de son parti.
«Je suis le premier candidat au Canada qui a confronté son chef», a-t-il déclaré non sans une certaine fierté. Il a affirmé sans hésitation: «Moi, je ne suis pas en faveur des pipelines. En tant que candidat et futur député du comté de Saint-Jean, je ne serai jamais en faveur. Mon parti a beau être en faveur, moi je ne le serai jamais.»
Au respect de la décision éventuelle du Québec de ne pas voir un oléoduc traverser son territoire, il a répondu: «Est-ce que le Parti conservateur respecterait cette demande-là? Je suis loin d’être certain. Moi, je vais être un de ceux qui vont s’opposer. Je vais défendre l’intérêt des Québécois.»
Sur la taxe carbone, il soutient comme son parti qu’elle ne fonctionne pas, mais il n’est pas aussi catégorique sur son abolition: «Je ne suis pas certain qu’il faut l’éliminer, il faut la rediriger», nuance-t-il en déplorant que les citoyens en assument la plus grande part alors que ce sont les grands pollueurs qui doivent être taxés.
Quant au droit des femmes à l’avortement qu’il soutient, le candidat conservateur a dit que son chef ne rouvrira pas le débat. Mais il a ajouté: «J’espère que mon chef va tenir parole. Je lui remettrai dans la figure comme je l’ai fait lundi sur d’autres dossiers.»
Priorités
Interrogés sur ses priorités s’il est élu député de Saint-Jean, André-Philippe Chenail, du Parti vert, a placé en tête de liste une offre plus grande de transport en commun et la participation fédérale au prolongement du REM (Réseau express métropolitain) jusqu’à Saint-Jean.
Martin Thibert, candidat du Parti conservateur, a mis l’accent sur l’agriculture tout en reprochant aux libéraux de l’avoir sacrifié depuis quatre ans.
Christine Normandin, candidate bloquiste, a d’abord mentionné la gratuité scolaire comme priorité, une compétence provinciale. Elle y a ajouté l’agriculture et la nécessité de travailler en partenariat avec les agriculteurs pour la protection de l’environnement. La protection de la rivière Richelieu est aussi prioritaire pour elle.
Répliquant à son adversaire conservateur, le député libéral sortant Jean Rioux a défendu la compensation de 3,9 G$ promise aux agriculteurs touchés par les concessions faites sur la gestion de l’offre dans les accords de libre-échange avec l’Europe et l’Asie. Le prolongement du REM jusqu’à Saint-Jean et la création de logements à prix abordable sont parmi ses priorités.
Laïcité
Alors que les autres candidats ont écarté toute contestation de la loi de la laïcité de l’État québécois par leur parti, M. Rioux a répété que son chef Justin Trudeau avait été clair et «pour l’instant», il n’avait pas l’intention d’intervenir.
Sur toutes les demandes formulées par le premier ministre québécois François Legault, la bloquiste Normandin est d’accord. Le candidat vert, M. Chenail l’est aussi, mais il se montre prudent sur l’imposition d’un test des valeurs aux immigrants pour éviter la discrimination. M. Thibert a défendu les tests de français pour les immigrants.
Environnement
Le candidat conservateur a plaidé que son parti mise sur les innovations en environnement plutôt que la taxe carbone. La candidate bloquiste a présenté la péréquation verte, un concept lancé par son parti, pour récompenser les provinces les plus performantes.
Le candidat vert a dénoncé avec vigueur l’exploitation des sables bitumineux de l’Alberta. Le candidat libéral a défendu la taxe sur le carbone comme la mesure la plus structurante pour changer les habitudes des Canadiens tout en faisant état d’autres engagements.
Quant à l’achat du pipeline Trans Mountain par le gouvernement sortant, M. Rioux a invoqué des raisons économiques et l’impossibilité de cesser l’exploitation du pétrole du jour au lendemain.
«Ne vous faites pas berner pas les discours de transition», a répliqué M. Chenail demandant au candidat libéral combien de petites fourchettes en plastique les Chinois fabriqueront avec le pétrole canadien. Pour le candidat vert, l’heure n’est plus aux demi-mesures pour réagir au réchauffement climatique.
Pour Mme Normandin, la menace du passage d’un pipeline au Québec justifie l’indépendance du Québec. «Tout ce qui passe chez nous, passe par nous», a-t-elle résumé.