L’importance de bien planifier sa relève d’entreprise

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Par Stéphanie MacFarlane
L’importance de bien planifier sa relève d’entreprise
Après avoir préparé sa relève pendant huit ans, Steve Trinque aide maintenant les entrepreneurs à préparer la leur. (Photo : Le Canada Français - Jessyca Viens-Gaboriau)

Le manque et/ou l’absence de relève en entreprise est un des problèmes qui guette le marché du travail au Québec, et le Haut-Richelieu n’y fait pas exception. Steve Trinque, qui a fondé l’agence MXO et qui vient de la vendre à des releveurs, a partagé son expérience avec Le Canada Français afin d’inciter les entrepreneurs à bien planifier leur relève pour assurer la pérennité de leur entreprise.

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) a publié en 2014 une vaste étude sur le manque de relève entrepreneuriale au Québec. Dans ses conclusions, la CCMM évaluait qu’entre 5700 et 10 000 entreprises québécoises pourraient fermer leurs portes au Québec d’ici 2024 en raison du manque de relève. Cela entraînerait la suppression de 79 000 à 139 000 emplois et la perte de 8,2 à 12 G$ en produit intérieur brut.

«Une part de ces emplois et de cette activité économique pourront être récupérés par d’autres entreprises, mais ces effectifs donnent une idée de l’ampleur du problème et auront d’autres répercussions négatives», lit-on dans l’étude Le transfert des entreprises à la relève: un enjeu majeur pour l’économie du Québec et la pérennité des PME.

L’étude conclut également que les «propriétaires sous-estiment beaucoup la complexité de ce passage et le temps qu’il faut pour transférer leur entreprise avec succès.»

Planification
S’il préparait sa relève depuis 2012, Steve Trinque, aujourd’hui accompagnateur en gestion (coach) dans un contexte entrepreneurial, est à même de constater que céder son entreprise à des repreneurs demande une démarche approfondie et surtout, de la préparation.

Au cours d’une entrevue réalisée avant la crise de la COVID-19, Steve Trinque a raconté avoir récemment été en compagnie de cédants qui n’ont pas planifié leur futur. «Ils ont travaillé toute leur vie et n’ont pas de plan de relève. Ils sont rendus à 60-65 ans et ce sont leur femme qui leur dit qu’il leur en reste moins. Ils en sont conscients, mais ils ne savent pas par quel bout s’y prendre. Ma relève, j’ai commencé à la construire en 2012. Ça a pris huit ans. Une fois la décision prise, juste de finaliser la transaction d’un point de vue administratif et légal, ça a pris un an», relate M. Trinque.

S’il y a une recette à suivre, croit-il, c’est de s’obliger à un rythme qui force à la réflexion. «Il ne faut pas seulement être dans l’opérationnel parce qu’un moment donné, on s’aperçoit qu’il y a 25 ans de notre vie qui a passé et on a juste fait ça», poursuit Steve Trinque.

Citant une conférence organisée par le Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ) à laquelle il a assisté, Steve Trinque ajoute que 80% des transactions de repreneuriat consistent à gérer les facteurs humains et émotionnels, et non les aspects financiers et administratifs. «Ce qui va faire que le cédant va accepter, ce sont ses attentes, enchaîne M. Trinque, mais aussi de se mettre dans la peau de l’autre et de se demander ce que sont nos réels besoins.»

Réflexion
Alors qu’il dirigeait MXO, Steve Trinque est allé suivre sa formation pour devenir accompagnateur de gestion. «Le hasard a fait que j’ai eu le prix Personnalité d’affaires de l’année. Il y a des entrepreneurs qui se sont mis à me contacter sans que j’annonce que je faisais du coaching. J’ai commencé à voir un « après MXO ». Mais l’an passé, à pareille date, dans ma tête, j’étais président de l’entreprise jusqu’à 55 ans», relate-t-il.

Même s’il préparait sa relève d’entreprise depuis 2012, moment où il avait acquis Groupe Orange et qu’il voyait en Julien Halde une relève, Steve Trinque a dû réaliser un cheminement personnel pour laisser aller son «bébé».

«Les années ont prouvé que Julien avait la fibre d’un président, et ce, à une vitesse plus rapide que je l’avais pensé», souligne M. Trinque. Au fil du temps, Julien Halde a formé son équipe de repreneurs qu’il a complétée au début de 2019.

«Avec mes 25 années d’expérience, je voyais qu’il y avait des trous, un manque de maturité à certains endroits. J’ai engagé un coach spécialisé en relève d’entreprise. À la fin du mois de mars 2019, il m’a dit qu’il était temps qu’on se jase. Il m’a demandé « qu’est-ce qui va te dire qu’ils sont prêts? » Je ne m’étais jamais posé la question», confie Steve Trinque.

Décision
Il a alors réfléchi à cette question et il s’est rendu compte que ses repreneurs étaient prêts, mais pas lui. «Pour que je lâche le morceau, ma préoccupation à moi était ma liberté financière, concède-t-il. L’autre aspect était ce que j’allais faire après. Il y a un deuil à faire. Dans ma tête, j’avais toujours eu la vision de « Liberté 55 ». Le coach m’a fait réaliser que ça faisait huit ans que je préparais Julien à devenir président et que mon « Liberté 55 » était dans huit ans. Le coach m’a demandé si j’étais à la place de Julien, aurais-je le goût d’attendre encore huit ans?»

Après un voyage d’une semaine en solo à réfléchir, Steve Trinque a pris sa décision. «Quand je suis revenu, j’ai demandé à Julien si une transaction pouvait se faire dans l’année. Il a dit oui, que lui et son équipe étaient prêts. Cela a créé un autre détachement obligé qui est sain. Ce qui m’a amené là, c’est un coach. Sans lui, je serais encore accroché en haut de la falaise», croit M. Trinque.

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