Le contenu de votre toilette ne fait pas juste disparaître lorsque vous tirez la chasse d’eau. Il est envoyé dans de longues canalisations jusqu’à l’usine d’épuration de Saint-Jean-sur-Richelieu afin que soient retirés tous les produits et objets, parfois surprenants, qui arrivent avec les eaux usées.
Amas de cheveux, condoms, pansements, soie dentaire, lingettes, tampons, cigarettes, cotons-tiges, gomme, nourriture de table, fruits et légumes, médicaments, étiquettes de vêtements… Les déchets jetés dans les toilettes ou dans les lavabos passent par le réseau d’égouts avant d’arriver à l’usine d’épuration du secteur Saint-Luc, en bordure de l’autoroute 35.
Les débris plus gros que six millimètres sont récupérés par ce que l’on appelle des «dégrilleurs», des convoyeurs semblables à des tapis roulants grillagés. L’usine de Saint-Jean en compte trois. Une bague, une clé, une carotte… ça ne passe pas!
250 tonnes
Cette étape est la première du procédé d’épuration des eaux usées. Elle permet d’éviter que des déchets ralentissent le processus en bloquant les machines. Les cheveux et la soie dentaire jetés dans la cuvette sont particulièrement dommageables s’ils s’entremêlent dans les pompes. Les médicaments périmés doivent être retournés à la pharmacie pour éviter de contaminer l’eau.
Tous les détritus récupérés par l’usine sont envoyés dans des conteneurs avant d’être transportés vers des sites d’enfouissement. L’usine d’épuration de Saint-Jean-sur-Richelieu recueille chaque année environ 250 tonnes de déchets de toutes sortes provenant du réseau d’aqueduc.
«Les toilettes sont ni plus ni moins que des poubelles. Tout le monde y jette n’importe quoi», déplore Sébastien Marquis, chef de division assainissement à la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu.
Pour l’instant, il n’existe pas d’option pour valoriser les déchets qui se retrouvent dans les toilettes au début du processus d’épuration, ajoute M. Marquis. Les déchets sont donc transportés dans des conteneurs et enfouis dans des sites destinés aux ordures ménagères.
Processus
Une fois que les déchets ont été interceptés par les dégrilleurs, les eaux usées sont débarrassées de toute matière abrasive pour éviter la dégradation des équipements de traitement de l’usine. Le sable et le gravier, plus présents dans l’eau durant l’hiver en raison de l’épandage d’abrasifs, sont retirés et disposés dans des conteneurs.
L’eau est ensuite pompée vers des bassins dans lesquels un coagulant et du polymère sont ajoutés pour former des flocons bruns composés de petites matières en suspension restées dans l’eau.
Cette étape permet également de capter les huiles et les graisses qui ont été jetées dans les toilettes ou les lavabos. «On les voit, l’huile et les graisses, flotter sous forme de bulles à la surface de l’eau dans les bassins. L’eau n’est vraiment pas très belle. Ce n’est certainement pas juste de l’huile de cuisson. Il y a de fortes chances qu’il y ait aussi de l’huile produit par le corps humain», précise M. Marquis.
Décanteur
L’eau passe ensuite dans un décanteur pour extraire les boues avant d’arriver relativement propre à l’étape de la désinfection. En quelques secondes, 216 lampes à rayonnement ultraviolet permettent de détruire les micro-organismes pathogènes. L’eau est ensuite dirigée vers la rivière Richelieu.
Même si l’eau a été traitée et désinfectée à sa sortie de l’usine, elle n’est pas potable. L’eau est déversée par un tuyau qui débouche dans le centre de la rivière Richelieu, de l’autre côté de l’île Sainte-Thérèse.
«L’eau ne coule pas dans le Richelieu à partir des berges, mais dans le lit de la rivière. Juste avant sa sortie de l’usine d’épuration, un échantillonneur analyse automatiquement l’eau chaque jour pour vérifier si les normes de qualité du ministère de l’Environnement sont respectées», indique Sébastien Marquis.
D’autres usines d’épuration le long de la rivière font également le même travail que les installations de Saint-Jean-sur-Richelieu. Elles rejettent l’eau dans la rivière qui se déverse dans le fleuve Saint-Laurent à Sorel-Tracy.
Des tonnes de boue
L’usine produit annuellement 11 000 tonnes de boues déshydratées. Ces boues sont composées principalement de résidus de papier de toilette et de matières fécales qui sont passées dans des pressoirs rotatifs. La matière brune qui en résulte ressemble à des blocs compacts de tourbe.
«La boue déshydratée ne contient plus de déchets. C’est homogène et sec. La boue est composée de beaucoup de fibres, d’azote et de potassium. C’est très bon pour enrichir les terres agricoles», explique M. Marquis.
La boue déshydratée est récupérée tous les jours par camions pour être distribuée à des agriculteurs situés principalement dans la région du Haut-Richelieu.
«Les agriculteurs sont conseillés par des agronomes pour connaître la quantité de boue à étendre sur leur terre en fonction de leur de type de culture, afin d’avoir le taux de fertilisant adéquat», mentionne Sébastien Marquis.
Odeurs
En entrant dans les bureaux de l’accueil de l’usine d’épuration, aucune odeur n’est perceptible. Une fois dans l’usine même, une légère odeur d’égout monte au nez. Les installations et les passerelles sont toutefois propres et bien nettoyées.
L’expérience olfactive est tout autre dans le secteur où sont stockés les boues extraites des eaux usées et les déchets jetés dans les toilettes.
L’odeur est encore plus intense à l’intérieur de l’usine en été, reconnait M. Marquis. «Nous avons des détecteurs pour nous assurer qu’il n’y a pas de gaz nocifs dans les salles. On s’habitue à l’odeur. Ça ne m’empêche pas d’avoir faim le midi!», dit-il en riant.
Rénovations à venir
Construite en 1997, l’usine d’épuration d’eau de Saint-Jean-sur-Richelieu traite environ 22 millions de mètres cubes d’eau par année. La bâtisse est alimentée en eau par 35 stations de pompage, réparties sur tout le territoire. Quelque 120 pompes travaillent simultanément pour faire circuler l’eau dans tout le réseau du système d’épuration.
Depuis 2001, la station est gérée par la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu. L’exploitation est confiée en sous-traitance à Aquatech, une firme québécoise d’exploitation d’infrastructures d’assainissement de l’eau.
La Ville compte sur quatre employés municipaux à temps plein à la station de pompage. Aquatech déploie de son côté une équipe composée de 12 personnes.
Rénovations
L’usine est en fonction cinq jours par semaine, de 7h30 à 16h30. Un opérateur est toujours de garde en cas d’urgence. Les machines de l’usine d’épuration peuvent être contrôlées par ordinateur à partir des bureaux ou à distance.
Des études préliminaires sont en cours en vue de procéder à des rénovations afin de respecter de nouvelles normes gouvernementales, qui entreront en vigueur en 2030.
«En 26 ans, la population de Saint-Jean-sur-Richelieu a augmenté. Il faut améliorer nos capacités de traitement pour répondre à la hausse des quantités d’eau à traiter», mentionne Sébastien Marquis.