La moitié des usagers pourrait être privée d’aide alimentaire

Daniela Vargas Rojas
drojas@canadafrancais.com

La moitié des usagers pourrait être privée d’aide alimentaire
Le directeur de la SSVP de Saint-Jean, Ian Labelle, demande à la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu de revoir sa décision ayant pour effet de couper la subvention récurrente de 60 000$ par année.  (Photo : (Photo Le Canada Français - Jessyca Viens Gaboriau))

La Société Saint-Vincent de Paul (SSVP) de Saint-Jean perdra dès l’année prochaine la totalité du financement annuel de 60 000$ fournie par Saint-Jean-sur-Richelieu depuis 2010. L’organisme demande à la Ville de reconsidérer l’abolition de la subvention afin d’éviter des coupures importantes. La SSVP, qui lutte contre la pauvreté depuis 150 ans, pourrait être obligée de réduire de moitié la quantité d’aide alimentaire offerte lors des distributions régulières dès cet automne, et ensuite, de priver d’épicerie la moitié de ses 5000 usagers. Cela aurait pour conséquence de refuser d’aider quelque 2500 personnes pour la fin de l’année 2024. 

«L’année passée, on a reçu un chèque à l’automne de 40 000$. On nous avait déjà coupés de 20 000$. Comme on n’a pas été consulté pour les changements de cette politique et qu’on nous a avisés à la dernière minute, on a juste pris l’argent et on a mis le montant manquant en déficit. Le problème est que sans cet argent, on n’a plus les moyens d’acheter certains produits», raconte Ian Labelle, le directeur de la SSVP de Saint-Jean.

Depuis quelques mois, l’organisme n’offre plus de lait à ses usagers à chaque distribution. Avant la SSVP pouvait dépenser 2000$ par mois en lait. Maintenant, elle n’en achète que pour 400$. Son directeur affirme que dès cet été, l’organisme se verra également obligé de couper dans la viande. La SSPV en offrira peu ou pas du tout.

Afin d’avoir suffisamment de denrées, l’organisme va chercher de la nourriture deux fois par semaine chez Moisson Rive-Sud. Toutefois, son directeur affirme que les camions ne sont pas pleins comme avant. Les épiciers offriraient également moins de dons à l’organisme à cause du manque de main-d’oeuvre. 

Coupures à l’automne

«À l’automne, on va être obligé de couper de moitié le nombre de distributions ponctuelles ou le nombre de distributions hebdomadaires. On va y aller par étapes. On espère que cela n’arrivera pas, mais probablement qu’on va enlever la journée de distribution du mardi. Ensuite, on devra restreindre nos critères d’admissibilité pour réduire de moitié nos usagers. Ce qui est triste, c’est que parmi les 5000 personnes qu’on dessert, il y a 1000 enfants. Pour nous, il n’est pas question de faire payer nos usagers pour aucun service. On ne veut pas en arriver là», lance Ian Labelle.

Dans une lettre envoyée à la Ville la semaine dernière, l’organisme annonce à la mairesse que la décision de la ville d’enlever la subvention provoque déjà un déficit opérationnel et met en péril le fonctionnement de l’organisme. Les auteurs de la missive demandent à la ville de revoir la décision et pouvoir ainsi recevoir une subvention qui serait utilisée pour payer le loyer et acheter des denrées additionnelles.

Entre autres dans la lettre, ils nomment la recrudescence de demandes d’aide alimentaire de 20% en raison de l’inflation, de l’augmentation de l’itinérance et de l’afflux de nouveaux arrivants. «On est inquiets, car on voit de plus en plus de personnes intoxiquées qui viennent chercher de l’aide alimentaire. Il y a plus de chicanes dans la ligne. On voit que les gens sont tristes. On a l’impression qu’il se gèle plus parce que la situation économique n’est pas facile. On a déjà enlevé plusieurs produits du panier d’épicerie comme le sucre ou le prêt-à-manger», observe le directeur de la SVVP Saint-Jean.

La nouvelle politique

La mise en vigueur de la nouvelle politique de la Ville de Saint-Jean sur l’admissibilité des organismes au soutien municipal a laissé plusieurs organismes sans leurs subventions récurrentes. En mars 2023, dans un but d’équité envers les 130 organismes de la région, la Ville a décidé de modifier complètement sa politique. Les organismes sont désormais obligés de faire des demandes ponctuelles pour obtenir de subventions municipales.

Le Canada Français a formulé une demande d’entrevue à la mairesse Andrée Bouchard. Toutefois, c’est le conseiller municipal Jérémie Meunier qui a répondu aux questions du journal. Quant à la décision de revoir sa politique, il mentionne qu’il existe encore plusieurs manières d’aller chercher de l’argent.

«J’ai rencontré Ian Labelle aujourd’hui. Je lui ai expliqué qu’il peut faire des demandes de soutien pour une rénovation du bâtiment. Dans ce genre de cas, il pourra avoir une aide ponctuelle qui pourra être déboursée à l’organisme. Je veux que ce soit clair qu’on ne coupe pas d’un sou les subventions aux organismes. On a juste décidé de redistribuer le montant de manière équitable. D’ailleurs, on demande aux organismes de nous envoyer des demandes, car on a reçu moins de propositions que prévu», fait valoir Jérémie Meunier en entrevue mardi.

[Note de la rédaction : dans une version précédente de cet article, on pouvait y lire que la Ville a décidé de redistribuer le montant de manière égale. La distribution se fait plutôt de manière équitable.]

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