Elle accouche sur le plancher de sa cuisine

Kevin Lamarre et Kevin McDermott ont vécu les six plus longues minutes de leur vie de paramédic. Leur patiente, Sophie Moreau, voyait déjà le pied de son bébé naissant sortir de son ventre quand ils sont arrivés chez elle dans la nuit du 21 janvier. Il n’y avait plus une seconde à perdre pour sauver la mère et son bébé.

Abigaël n’avait que quelques heures quand sa maman a adressé des remerciements aux services d’urgence par le biais des réseaux sociaux. N’eût été la rapidité d’exécution des techniciens ambulanciers, Sophie Moreau et sa fille auraient pu y laisser leur peau.

La mère de deux autres enfants de 2 et 8 ans était enceinte de 39 semaines. Elle savait que la petite Abigaël se présentait par le siège, d’où une césarienne planifiée le matin même! Mme Moreau n’aura finalement jamais eu le temps de se rendre à l’hôpital pour sa chirurgie.

«Mes contractions ont commencé durant la nuit, raconte la résidente du quartier Saint-Lucien. La douleur m’a réveillée. Dans la salle de bain, j’ai vu un pied du bébé qui sortait. Mon conjoint et moi avons commencé à paniquer quand nous avons vu qu’il était bleu.»

Urgence
Ils ont appelé l’ambulance à 3h47. Couchée sur le plancher de la cuisine, Sophie Moreau a vite compris qu’elle devrait donner naissance à sa fille sur place. Les paramédics sont arrivés trois minutes plus tard. «Je ne vous cacherai pas que j’ai lâché un juron en voyant la scène. Le bébé avait arrêté de progresser. Il aurait fallu faire une césarienne d’urgence», décrit Kevin Lamarre.

Kevin McDermott et lui prennent la décision d’emmener leur patiente à l’hôpital. «Le bébé a engagé lui-même son autre pied au moment du transfert de la mère sur la planche de stabilisation. Là, il n’y avait plus de transport possible», poursuit Kevin Lamarre.

Il fallait trouver le cordon ombilical au plus vite pour prévenir un étouffement. La progression avait de nouveau cessé et le bébé était coincé au niveau de sa cage thoracique. Lui donner de l’espace à ses poumons était urgent, en plus de devoir dégager au moins un bras vers l’extérieur.

Du jamais vu
En 20 ans de métier, Kevin McDermott n’avait jamais vécu pareille situation. «Ce n’était pas le meilleur moment de l’intervention, avoue-t-il. Un accouchement par le siège, c’est l’un des pires scénarios. Tu ne veux pas avoir d’appel comme ça.»

Et pour cause. Les paramédics étudient brièvement l’accouchement par le siège, puisque «ça n’arrive pour ainsi dire jamais en préhospitalier», dit Kevin Lamarre, qui est aussi formateur. La petite Abigaël a vu le jour à 3h57, non sans avoir reçu des manœuvres de ventilation pour soulager sa détresse respiratoire.

Risqué
«Ça nous a paru une éternité», confesse Kevin Lamarre. Le technicien ambulancier a quatre accouchements à domicile à son actif, mais deux ont connu une fin tragique. Conclure un quart de travail de nuit avec autant d’adrénaline dans le corps n’a pas été de tout repos. Kevin McDermott a mis quelques heures avant de trouver le sommeil. «Il y avait beaucoup de chances que ça vire mal. On a travaillé fort!», avoue-t-il.

Cette histoire qui finit bien est le fruit d’un travail d’équipe, souligne Kevin McDermott. «Ça ne s’annonçait pas bien au départ. Une bonne étoile veillait sur nous. Nous avons gardé notre sang-froid et la communication entre Kevin Lamarre et moi a beaucoup aidé, dit-il. Nous tenons aussi à remercier les trois policiers qui se sont occupés du père pendant tout ce temps.»

Sophie Moreau avoue être sortie «troublée et traumatisée» de son expérience. Elle remercie les paramédics d’avoir agi de manière aussi professionnelle.