Le restaurant Chez Dan et le Géant antique, deux commerces du Haut-Richelieu, sont répertoriés dans la carte du patrimoine kitsch lancée par Caroline Dubuc et Roxanne Arsenault. Cette dernière, Johannaise d’origine, doit d’ailleurs son premier souvenir kitsch au défunt restaurant Waikiki qui se trouvait sur la rue Saint-Jacques.
«J’étais très jeune. J’avais 5 ou 6 ans. C’était un restaurant polynésien. J’ai un souvenir super immersif, une forme de magie et de fantaisie. C’est ça qui s’opérait quand on rentrait. Ça sortait du banal», se souvient Roxanne Arsenault.
Pour rentrer dans la définition kitsch, un lieu doit avoir certaines caractéristiques, dont être une imitation de quelque chose et être dans la démesure. Plusieurs éléments répertoriés dans la carte du patrimoine kitsch datent de nombreuses années, certains n’existent d’ailleurs plus. Et les commerçants qui souhaitent se lancer dans cette aventure doivent maintenant faire face aux diverses règles d’urbanisme des villes.
En cours de conversation, Roxanne Arsenault rappelle d’ailleurs le cas du restaurant afghan Khyber Pass qui a été forcé par la Ville de Montréal de retirer sa façade l’an dernier. «On voit une volonté de resserrer les choses. Il y a toujours une friction entre les deux: une figure iconique versus ce que les villes croient être des normes de bon goût», souligne celle qui a réalisé son mémoire de maîtrise sur le patrimoine kitsch qui a vu le jour après la Deuxième Guerre mondiale.
Avantage économique
Celle qui a vécu ses 20 premières années à Saint-Jean-sur-Richelieu est d’avis que les entreprises kitsch ont un avantage économique certain à maintenir leur décor ainsi. Elle croit d’ailleurs, à voir la popularité de la carte, qu’il y a encore un intérêt pour ce type de visuel au Québec.
«Il faut en parler comme des lieux patrimoniaux. Ces lieux parlent de notre vie et de notre société, poursuit Roxanne Arsenault. Et des fois, les propriétaires ne savent pas que ça a de la valeur.»
Ironiquement, ajoute-t-elle, certains commerces ont conservé leur allure d’antan simplement par manque de ressources financières pour les restaurer au goût du jour.
La boule orange
Si elle est née à Iberville, Roxanne Arsenault a grandi à Saint-Luc où se trouve le restaurant Chez Dan, caractérisé par l’immense boule orange visible du boulevard Saint-Luc. «C’est extraordinaire que ça existe encore», lance-t-elle.
Sans vouloir diminuer la qualité des plats qui y sont servis, Roxanne Arsenault croit que l’établissement ne se distinguerait pas autant auprès de la clientèle s’il n’était pas caractérisé par son extérieur circulaire.
«Si chez Dan déménageait dans un centre d’achat, ce serait quoi l’intérêt versus une autre cantine? Il servirait une bonne patate, mais comment se distinguerait-il? Il se déploie à travers son emblème promotionnel» souligne Mme Arsenault.
Elle remarque d’ailleurs que les propriétaires entretiennent leur joyau, ce que confirme l’un d’entre eux, Stéphane Auclair. «On la peinture toutes les années. C’est une sphère de ciment qui est recouverte d’uréthane. Le foam a besoin d’être imperméabilisé», explique-t-il.
Le commerçant souligne d’ailleurs que beaucoup de personnes s’arrêtent devant la boule orange, notamment baptisée Julep, la Boule et l’Orange, pour faire des photos.
Géant antique
L’imposant bonhomme du Géant antique, sis sur la route 133 à Sainte-Anne-de-Sabrevois, a également été répertorié dans la carte par un internaute.
L’affiche, qui autrefois portait les couleurs de Coke, est positionnée à cette adresse depuis près de 40 ans. «C’est en fibre de verre avec une armature de fer et c’est coulé dans le béton. C’est hyper durable. On l’a restaurée deux fois pour rafraîchir la peinture», explique Maxime Bélair, copropriétaire du Géant antique.
Ce dernier raconte que l’immense menuisier, tenant dans ses mains une affiche annonçant le site Web du commerce, a figuré dans quelques revues américaines et qu’il n’est pas rare que des gens s’arrêtent expressément pour le voir. «Ils se stationnent, prennent une photo en famille et repartent. Je n’ai aucune idée si c’est bénéfique pour nous, mais je ne pense pas que ce soit néfaste. C’est toujours bon d’avoir ses couleurs partout», souligne M. Bélair.
Roxanne Arsenault invite les gens de la région à bonifier la carte du patrimoine kitsch (patrimoinekitsch.com). Elle souligne au passage qu’elle aimerait bien que de vieilles photos du restaurant China Garden y figurent.