Des médecins de famille de la clinique Médi-Soleil dénoncent la potentielle perte de centaines de résultats de tests de laboratoire. Ces problèmes sont survenus à la suite du déploiement du Système d’information de laboratoire provincial (SIl-P) du gouvernement à l’Hôpital du Haut-Richelieu le 28 novembre dernier. Des entraves créées par le système informatique causeraient également d’importants délais administratifs. La Dre Joëlle Bertrand- Bovet, médecin du groupe de famille (GMF) de Saint-Jean-sur-Richelieu, s’en inquiète: « C’est une véritable catastrophe. C’est le chaos », dit-elle.
La Dre Joëlle Bertrand-Bovet affirme que depuis le 28 novembre, la clinique médicale Médi-Soleil ne reçoit plus les résultats des tests qui sont faits à l’hôpital. Seules les copies des résultats des tests faits au CLSC arrivent à leur bureau. « Le problème est que les résultats sont imprimés à l’étage de l’hôpital où le patient est allé, mais ils sont laissés dans une imprimante et il n’y a personne qui nous les envoie. C’est dangereux, car ce sont souvent des tests urgents », explique-t-elle.
Conséquences désastreuses
Dans une plainte envoyée au Collège des médecins du Québec la semaine dernière, le Dr Alexandre Prud’homme-Delage, qui travaille aussi à la clinique Médi-Soleil, dénote les cas de nombreux patients dont il n’a pas reçu de résultats et dont les conséquences auraient pu être désastreuses.
« Par exemple, un de mes patients avait une anémie près de la limite de transfusion. J’ai pu aller chercher les résultats, car le patient m’a contacté pour faire un suivi et il a pu réchapper le tout sans hospitalisation, mais l’issue aurait pu être totalement différente. J’ai reçu également un test cardiaque deux semaines en retard. Par chance, il était négatif, mais encore une fois, l’issue aurait pu être différente. Ce n’est qu’une question de temps selon moi avant une catastrophe », soutient le Dr Prud’homme-Delage.
Plus de paperasse
Dans sa plainte, le Dr Prud’homme-Delage fait également remarquer que depuis la modification du système, les médecins de la clinique Médi-Soleil reçoivent des rapports de laboratoire en sept ou huit copies au lieu d’une seule, ce qui leur ajoute une heure et demie de travail par jour à l’ordinateur. De plus, les nombreuses copies sont envoyées par fax, ce qui n’était pas le cas auparavant.
« Nos secrétaires passent leur temps à numériser une à une les copies et nous les envoyer par courriel. Le temps qu’on passe à vérifier toutes les copies pour un seul patient est incommensurable. À la clinique, on reçoit maintenant 1500 fax de plus par jour lors d’une grosse journée. C’est tellement long que la semaine dernière, les médecins ont dû travailler jusqu’à minuit de chez eux pour tout vérifier. On voit déjà 10% à 15% moins de nos patients, car on passe tout notre temps à régler la paperasse. Ça n’a pas de bons sens », ajoute la Dre Bertrand-Bovet.
En attendant de trouver une solution à long terme, la clinique Médi-Soleil a mis un filet de sécurité en prenant note de tous les examens demandés. Des courriels ont été envoyés pour aviser les patients qui ont fait des tests.
Hypervigilance
L’Alliance du personnel de la santé et des services sociaux (APTS) de la Montérégie-Centre affirme que depuis l’implantation du système, les techniciennes de laboratoire du Haut-Richelieu sont très vigilantes, car elles rencontrent des difficultés, dont une lenteur du système informatique, des codes de test problématiques et une écriture difficilement lisible sur les tests.
« C’est sûr que c’est une mauvaise préparation. Je crois que le fournisseur informatique a sans doute sa part de responsabilité parce que c’est lui qui doit accompagner l’équipe locale pour le paramétrage. Selon les informations qu’on a eues des équipes ailleurs en Estrie où le système a été implanté, ça prend des semaines avant d’avoir une réponse de leur part », affirme Isabelle Mantha, représentante de la Montérégie-Centre pour l’APTS.
Solutions
Une soixantaine de médecins de famille, dont certains de la clinique Médi-Soleil, ont rencontré le personnel responsable du projet informatique la semaine dernière. Le lendemain de la rencontre, ils ont reçu une réponse disant qu’une cellule de crise allait être créée au courant de la semaine pour remédier au problème. Mercredi, rien de nouveau n’avait été mis en place. Le syndicat, les techniciennes de laboratoire du Haut-Richelieu affirmaient également, en date du 15 décembre, n’avoir reçu aucune aide pour régler les nombreux problèmes avec le système informatique.
Le Centre intégré de santé et services sociaux de la Montérégie-Centre assure que jusqu’à présent il n’y a aucune perte de résultats. Cependant, dans un courriel, il reconnaît être en phase de transition pour l’implantation du système. « Nous sommes sensibles aux préoccupations des équipes. Nous faisons face à certains défis, et des mécanismes de soutien sont actuellement en place pour effectuer des ajustements », explique Martine Lesage, adjointe à la direction des communications.
Rappelons que le déploiement de ce système informatique est le premier pas pour mettre en place Optilab, un projet lancé par Gaétan Barrette en 2015 et dont le but est de centraliser les services de biologie médicale pour les établissements de santé de la région.