Le conseiller Justin Bessette demande que la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu étudie la possibilité d’établir des «rues blanches» à la fois pour réaliser des économies et pour protéger l’environnement.
Le conseiller a fait cette suggestion lors d’une récente séance du conseil municipal. Il suggère d’identifier des rues où il n’y aurait pas d’épandage de sel durant l’hiver en plus de limiter l’épandage d’abrasif. Il propose aussi de tasser la neige sur les terrains des résidences plutôt que de la ramasser.
Aucun autre élu n’a réagi à son idée. Le citoyen François Blais, un résident de Saint-Luc, a profité de la période de questions pour commenter que la Ville serait loin d’innover avec un tel projet. Plusieurs municipalités ont déjà une politique semblable depuis plusieurs années. C’est notamment le cas à Saguenay, Granby, Saint-Hyacinthe et Victoriaville.
M.Blais a aussi fait remarquer au conseiller que la Ville tasse déjà la neige sur les terrains résidentiels dans plusieurs quartiers. En fait, sur la plupart des rues résidentielles où il n’y a pas de trottoir, la neige est tout simplement tassée sur les propriétés en bordure de la rue. Si les accumulations deviennent trop importantes, la souffleuse passe pour rejeter la neige un peu plus loin sur les terrains.
Sel
Dans une étude publiée en 2001, Environnement Canada a conclu que les sels de voirie sont toxiques. Ils affectent la faune et la flore terrestre et aquatique, ils se retrouvent dans les cours d’eau et contaminent même les sources d’eau souterraine. Ils contaminent aussi l’air (embruns salins). En outre, ils ont un impact sur les infrastructures et les bâtiments, notamment sur le béton et l’acier.
Dans le but de promouvoir une utilisation modérée des sels de voirie, le gouvernement du Québec a adopté la Stratégie québécoise pour une gestion environnementale des sels de voirie. Outre le ministère des Transports, treize municipalités y adhèrent. Ce n’est toutefois pas un préalable pour établir des rues ou des quartiers blancs. Plusieurs le font sans adhérer officiellement à la stratégie québécoise.
Le directeur du Service des travaux publics, Jean Paquet, connaît bien cette approche puisqu’il était auparavant au service de la Ville de Saguenay. En fait, quand il est entré au service de la ville de Chicoutimi, en 1994, il y avait déjà des rues sans sel, raconte-t-il. Progressivement, ces rues et quartiers blancs ont pris de l’ampleur. La ville voisine de Jonquière a aussi adopté cette pratique. Avec le regroupement municipal, cette politique a été étendue à plusieurs quartiers.
Relief
M.Paquet indique que la demande du conseiller Bessette ne lui est pas encore parvenue. À Saguenay, le relief est un critère préalable à l’établissement d’un quartier blanc. Si les pentes des rues sont trop abruptes, cette solution est exclue. À première vue, il ne voit aucune rue de Saint-Jean qui ne pourrait s’y prêter. Cette pratique ne s’applique toutefois qu’aux rues résidentielles.
Si les rues blanches permettent des économies sur l’achat de sel, elles peuvent nécessiter une utilisation accrue d’abrasifs. Cette pratique génère des coûts indirects, prévient Jean Paquet.
Quand la Ville de Chicoutimi a proposé des rues blanches, le but était principalement de réaliser des économies sur l’épandage de sel. Certains citoyens rechignaient, mais tout le monde a fini par s’adapter. Pour les convaincre, l’argument de la municipalité était que moins de sel et d’abrasifs se retrouveraient sur les terrains au printemps. L’argument environnemental n’était pas la préoccupation majeure.
Économie
Au niveau des économies, il y a une évidence: le sel coûte significativement plus cher que la poussière de pierre utilisée comme abrasif. Par contre, il faut regarder la situation dans son ensemble, note M. Paquet. L’élimination complète du sel peut parfois nécessiter une utilisation accrue d’abrasif, ce qui entraîne des coûts indirects.
Alors que le sel fond, la pierre reste intacte à la fin de l’hiver. Au printemps, la poussière de pierre est ramassée par les balais mécaniques. Il faut disposer de ces résidus dans un site autorisé par le ministère de l’Environnement. Une partie se retrouve dans les conduites d’égout, qu’il faut ensuite curer. Pire, une portion peut aussi se rendre dans les postes de pompage. L’abrasif accélère l’usure des pompes.
Il faut donc regarder la situation dans son ensemble, observe M. Paquet. Aujourd’hui, l’environnement est une préoccupation réelle des citoyens, poursuit-il. En même temps, il faut les convaincre d’adopter une conduite plus prudente. Sur ce point, on doit tout de même rappeler l’engagement électoral de certains élus de réduire la vitesse dans les zones résidentielles.
La vague de froid du début de l’année a donné une bonne idée de ce à quoi ressemblent des rues blanches. Par grand froid, les fondants de voirie sont inefficaces. Il se forme une croûte de neige et de glace sur les chaussées, comme on l’a vu la semaine dernière même sur les artères importantes. Le Service des travaux publics doit alors se rabattre sur les abrasifs pour rendre les rues moins glissantes, mais les automobilistes doivent aussi adapter leur conduite en conséquence.
Par ailleurs, on peut mentionner qu’il y a quelques années, l’appellation «quartier blanc» avait soulevé une controverse à Granby, peut-on lire dans les archives web de La Voix de l’est. À l’entrée de ces rues et quartiers, des panneaux de circulation préviennent les automobilistes pour qu’ils adaptent leur conduite.
Un citoyen d’origine africaine avait fait le parallèle avec les «quartiers blancs» de l’apartheid, en Afrique du Sud. Granby ne semble pas avoir changé de vocabulaire pour autant puisque c’est encore le terme utilisé sur son site Internet. Sur le web, on peut toutefois constater que des municipalités ont simplement adopté les expressions «rues sans seul» ou «quartier sans sel».