Le Centre de crise et de prévention du suicide du Haut-Richelieu-Rouville a ouvert ses portes dans la région il y a 30 ans. Son équipe, composée d’une trentaine d’intervenants, répond aux appels de la population 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Pour réussir à faire face aux cas plus complexes, l’équipe a développé un esprit d’entraide qui contribue au bien-être des employés et les aide à offrir des services mieux adaptés. Le Canada Français les a observés lors d’un après-midi pour mieux comprendre le travail réalisé sur le terrain.
L’ambiance est détendue lorsque nous arrivons au Centre de crise et de prévention du suicide. C’est le coordonnateur clinique, Francis Boucher, qui nous accueille à la porte. Au deuxième étage, la salle est inondée de lumière. Sur les murs sont accrochées trois affiches indiquant la phrase de la semaine, le nombre de jours depuis lesquels aucun employé n’a pleuré et le calendrier du téléphone de garde.
Le téléphone sonne. C’est un appel de la police de Saint-Jean-sur-Richelieu. « Il y a une personne désorganisée près de l’hôtel de ville qui a des propos homicidaires. Le policier croit que la personne est en état de consommation, mais ne pense pas qu’elle est en danger », lance Roxanne à voix haute. En raison de la nature de leur travail, les intervenants ont préféré taire leur nom de famille.
Son collègue Charles, qui est assis à son poste sur l’heure du diner, se lève rapidement. « J’aimerais y aller, mais j’ai besoin de quelqu’un qui m’accompagne. » Le coordonnateur clinique décide d’y aller. En quittant la salle, ils discutent de plusieurs possibilités d’intervention sur place. L’une d’entre elles serait d’amener la personne, si elle accepte, à l’hébergement de crise du centre qui est ouvert à la clientèle du territoire du Haut-Richelieu-Rouville.
Fonctionnement
Dans la salle du Centre de crise et de prévention du suicide, deux intervenants, dont Roxanne, restent sur place en attente du prochain appel. Elle explique la grille d’évaluation, un outil permettant aux travailleurs d’évaluer si l’usager a des tendances suicidaires. « La grille est un outil libre à l’interprétation de chaque intervenant. On a une expertise pour reconnaître l’intensité de la situation et accompagner les usagers lorsqu’ils se trouvent dans un tourbillon », ajoute-t-elle.
D’autres employés entrent dans la salle. Les appels de routine et ceux des suivis s’enclenchent les uns après les autres. L’une des intervenantes parle à une dame qui a une obsession envers la saleté. Elle lui demande comment elle s’est sentie dernièrement. À l’autre bout du téléphone, la dame affirme aller mieux pour ce qui est de ses idées suicidaires, mais dans les derniers jours, elle a eu des hallucinations concernant des poux.
Un autre intervenant reçoit l’appel d’un homme qui a de la difficulté à vivre sa rupture. Il l’écoute attentivement pendant une trentaine de minutes et lui pose des questions pour savoir si tous ses besoins de base sont comblés. Il le réfère à d’autres endroits où il pourrait recevoir des soins en santé mentale.
Le groupe des intervenants se confie également sur les aspects plus laborieux de leur travail. Ils ont déjà reçu des appels de la part de personnes qui étaient en train de vomir ou qui émettaient des bruits de nature sexuelle. « Parfois, il y a des personnes avec des problèmes graves qui auraient besoin davantage de soins en santé mentale, mais il n’y a pas assez de services. On a aussi des habitués qui nous appellent tous les jours. Pour certains, on n’est pas la bonne ressource pour répondre à leur problème et, même si on les réfère ailleurs, ils continuent à nous appeler. C’est tout un défi », mentionne Alexandre, l’un des membres de l’équipe.
Esprit d’équipe
Quand on demande aux employés pourquoi ils aiment travailler au centre, ils répondent : « parce qu’on est fous », lance l’une d’elles en riant. « Pour de vrai, on a un certain sentiment d’utilité quand on a l’impression qu’on peut faire une différence dans un moment précis de la vie de quelqu’un. C’est valorisation de savoir qu’on peut être présents pour eux », répond Alexandre.
Plusieurs se disent heureux de pouvoir travailler dans un environnement de travail respectueux où ils peuvent développer des relations saines avec leurs collègues. « Qu’on le veuille ou pas, on finit par devenir proches de l’équipe. On reçoit des appels difficiles. Parfois, c’est plus compliqué de gérer les émotions quand le sujet nous touche particulièrement, mais on se soutient les uns les autres pour réussir à gérer notre état d’être », estime Roxanne.
Francis Boucher, de son côté, affirme faire totalement confiance à ses employés. « Chaque personne dans l’équipe à ses forces et ses couleurs. Je suis toujours en train de m’adapter. Pendant la pandémie, on a eu des cas plus lourds. Toutefois, dernièrement, le nombre d’appels se maintient. On a cependant vu une augmentation d’appels en lien avec l’itinérance, qui est en explosion dans la région », conclut-il.
Visiblement ça a changé depuis 12 ans!!!!!