GRANBY, Qc — Il n’y a pas de crise à Québec solidaire (QS), selon Gabriel Nadeau-Dubois, qui a commenté, lundi matin, le départ de la porte-parole féminine du parti, Émilise Lessard-Therrien, qui s’est dite complètement épuisée seulement quelques mois après son entrée en fonction.
En marge d’une conférence de presse sur la crise du logement à Granby, le porte-parole masculin de QS a indiqué qu’il «ne pense pas» que son parti est en crise.
«Ça me rend franchement triste» et «je prends ma part de responsabilité dans cet échec, car j’aurais souhaité que ça fonctionne», a-t-il déclaré en précisant que la démission de sa collègue a été «une surprise».
«Je m’attendais à ce qu’elle soit à notre conseil national à la fin du mois de mai», a souligné le député de Gouin.
Aurait-il pu laisser plus de place à sa co-porte-parole qui a affirmé que la vision différente qu’elle proposait s’était heurtée à un «blocage organisationnel»?
«C’est arrivé dans les dernières heures alors je n’ai pas la prétention d’avoir déjà toutes les réponses», a répondu Gabriel Nadeau-Dubois à une journaliste qui lui a posé la question.
Une petite équipe «tissée serrée»
Mme Lessard-Therrien, qui avait été battue aux élections de 2022, a été élue pour être co-porte-parole de Québec solidaire aux côtés de Gabriel Nadeau-Dubois à la fin novembre, au terme d’une course lors de laquelle elle a devancé les députées Ruba Ghazal et Christine Labrie.
Dans un long message publié lundi matin sur les réseaux sociaux, Mme Lessard-Therrien a expliqué qu’à la suite de son élection, elle a tenté d’insuffler un nouveau souffle au parti, en y apportant de nouvelles idées.
«Mais je me suis vite aperçue que le train était déjà bien en marche. J’ai voulu y monter, tenter d’influencer le cadre de réflexion et de décision mené ou nourri par une petite équipe de professionnel.le.s tissée serrée autour du porte-parole masculin. J’y suis parfois arrivée, mais je m’y suis sentie bien seule et j’ai eu du mal à y trouver mon espace», a-t-elle écrit.
Mme Lessard-Therrien a ajouté qu’elle s’est fait «gronder ou culpabiliser» pour des prises de paroles, pour avoir donné des opinions ou suivi son intuition.
Elle a avoué que son «enthousiasme naturel s’est vite flétri», de sorte qu’elle est tombée en mode «survie» au sein de son parti.
«Quatre mois à peine ont suffi à m’épuiser. Complètement. Je suis partie en arrêt de travail fin mars, les deux genoux à terre, l’élan freiné», a-t-elle reconnu.
«Je dois me rendre à l’évidence: il m’a été impossible de plonger mes propres racines dans la direction du parti. La vision différente que je proposais s’est heurtée à un blocage organisationnel, au sein d’un parti qui a été créé pour faire de la politique autrement», a-t-elle plus tard déploré.
Mme Lessard-Therrien était déjà en arrêt de travail depuis quelques semaines, mais elle estime qu’elle aura besoin de plus de temps pour retrouver sa fougue. Pour prendre soin de sa santé, elle quitte donc son poste de porte-parole féminine.
«Je sais aujourd’hui que pour retrouver mon souffle, je dois rester fidèle à mes convictions, fidèle à mes valeurs, fidèle à mes façons de faire et de prendre soin du monde. Je dois, surtout, prendre soin de ma santé. Et donc, je ne reviendrai pas», a-t-elle souligné.
Pas de «climat toxique»
Lors de son point de presse lundi matin, Gabriel Nadeau-Dubois était accompagné de Christine Labrie, députée de Sherbrooke.
Celle-ci a réitéré son appui à son collègue et indiqué qu’elle ne «resterait pas dans un parti» si le climat était toxique.
La députée, qui avait terminé troisième dans la course au co-porte-parolat de Québec solidaire, en novembre dernier, a été questionnée à savoir si elle serait tentée de se lancer dans une nouvelle course.
Christine Labrie n’a pas répondu directement à la question et a plutôt expliqué qu’elle avait de la peine pour son amie.
«Je suis triste qu’elle ait renoncé à cette fonction-là parce que c’est mon amie, je l’aime», mais «je ne peux pas cacher que j’aurais aimé la voir essayer plus longtemps parce qu’on savait que ce serait difficile, d’autant plus qu’elle n’était pas élue», a indiqué la députée en parlant d’Émilise Lessard-Therrien.
Plusieurs autres ex-collègues députés solidaires ont réagi au départ de Mme Lessard-Therrien sur les réseaux sociaux, dont Sol Zanetti, qui a lui a promis que son geste «difficile et courageux ne restera pas sans écho à l’intérieur du parti».
«La lutte politique n’est pas supposée épuiser à ce point», a reconnu le député de Jean-Lesage dans un commentaire sur Facebook.
Sur le réseau social X, le premier ministre François Legault a quant à lui souhaité bonne chance à Mme Lessard-Therrien pour ses prochains projets, soulevant que «la politique est exigeante sur tous les plans de nos vies».
Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon a pour sa part dit comprendre une partie de ce qu’a pu ressentir Mme Lessard-Therrien, lui qui a aussi agi en tant que chef non-élu.
«La politique est difficile sur le plan personnel en raison du rythme des médias en continu et des médias sociaux, des attentes élevées, des ressources limitées, des insultes et tant d’autres choses. Je sympathise beaucoup et une partie de moi ressent la même chose lorsque je regarde mes enfants jouer et bricoler au soleil», a-t-il écrit sur X.
Période de transition
De son côté, la présidente de Québec solidaire, Roxane Milot, a admis qu’après sept ans du duo formé par Gabriel Nadeau-Dubois et Manon Massé, «accueillir une nouvelle porte-parole extraparlementaire était tout un défi».
«À partir de l’élection d’Émilise à la fin-novembre et jusqu’à son arrêt de travail à la mi-mars, nous étions en période de transition. Malgré les mises à pied que nous avons dû faire suite aux élections générales, la direction générale du parti et moi travaillions à réorganiser et à accroître ses ressources pour permettre à Émilise d’exercer son rôle dans les meilleures conditions possibles, malgré les défis logistiques et d’éloignement», a-t-elle mentionné.
Émilise Lessard-Therrien a été députée solidaire dans la circonscription de Rouyn-Noranda—Témiscamingue de 2018 à 2022. Elle a été battue par le candidat caquiste aux plus récentes élections.
Elle a fait son retour «par la grande porte» chez Québec solidaire l’automne dernier en étant élue avec 50,3 % des voix devant Ruba Ghazal pour succéder à Manon Massé en tant que porte-parole féminine.
Les détails du processus visant à choisir une nouvelle porte-parole féminine seront annoncés ultérieurement, a fait savoir Québec solidaire.