VANCOUVER — Les Canadiens semblent considérer Taïwan avec une plus grande sympathie depuis le refroidissement des relations diplomatiques entre le Canada et la Chine. Les échanges commerciaux entre les deux pays ont bondi de manière significative au cours des dernières années.
Angel Liu, la directrice générale du Bureau économique et culturel de Taipei à Vancouver et représentante de facto de Taïwan pour l’ouest canadien, dit que les diplomates canadiens sont plus enclins à discuter avec leurs collègues taïwanais depuis son arrivée au pays en 2021.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a également renforcé la sympathie des autorités canadiennes envers l’île qui s’est séparée de la Chine continentale lors de la Guerre civile de 1949. Depuis le rétablissement des relations diplomatiques entre la Chine et le Canada, le gouvernement canadien a établi la politique «d’une seule Chine», mais cela ne l’empêche pas d’entretenir des liens non officiels avec Taïwan sur le plan économique, culturel et humain.
Le gouvernement chinois considère Taïwan comme une province rebelle.
«À cause de la guerre en Ukraine, nous avons droit à plus de sympathie. Nous obtenons un plus grand soutien des pays européens et du gouvernement canadien. Nos relations bilatérales sont en essor d’une manière très souple et très réelle. C’est vraiment un pas dans la bonne direction», affirme Mme Liu.
En octobre, le Canada et Taïwan ont finalisé les négociations concernant un arrangement sur la promotion et la protection des investissements étrangers. L’accord devrait renforcer les liens économiques entre les deux pays.
Les échanges commerciaux ont crû au cours des dernières années. Selon Statistique Canada, les exportations canadiennes ont gonflé de 53 %, passant de 1,7 milliard $ en 2017 à 2,6 milliards $ en 2022.
Les importations canadiennes ont augmenté de 76 %, passant de 5,4 milliards $ à 9,5 milliards $ au cours de la même période.
Le Conseil international du Canada (CIC), un groupe de réflexion, a mené sept rencontres de discussions portant sur Taïwan en 2023. Seuls le conflit russo-ukrainien (13) et les États-Unis (11) ont été les sujets d’un plus grand nombre de séances.
Le président de la section de Victoria de CIC, Chris Kilford, que les Canadiens portent un plus grand intérêt à Taïwan à cause des spéculations concertant les intentions de la Chine envers ce territoire.
«Dès le début de l’invasion russe en Ukraine en février 2022, les gens ont commencé à se demander si la Chine n’envahirait pas Taïwan, rappelle M. Kilford. Alors il est normal que nos membres et la population canadienne se posent des questions à ce sujet.»
Taïwan fascine les élus canadiens puisque quatre groupes de parlementaires fédéraux se sont rendus dans ce pays depuis octobre 2022, dont trois cette année. L’île ne semble pas avoir été une destination officielle en 2018 et en 2019.
À titre de comparaison, aucune délégation parlementaire ne s’est rendue en Chine depuis la pandémie de COVID-19, selon l’Association législative Canada-Chine. Quand le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault s’est rendu à Pékin en août, c’était la première visite officielle d’un ministre fédéral en Chine depuis 2019.
Hugh Stephens, de la Fondation Asie-Pacifique du Canada, n’y voit pas une coïncidence.
«Ce n’est pas parce que les relations avec Taïwan se sont améliorées, mais plutôt parce que celles avec la Chine se sont dégradées. Le fait que les relations sino-canadiennes sont gelées donne une certaine marge de manœuvre parce qu’on s’inquiète moins des représailles du gouvernement chinois, pourvu qu’on se confine à [la politique Une seule Chine].»
En mars, le Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine de la Chambre des communes avait recommandé que le gouvernement fédéral encourage les visites de délégations parlementaires et explore «des façons possibles de collaborer avec l’industrie taïwanaise des semiconducteurs afin d’encourager l’innovation au Canada».